Comme chaque année, vous allez être tout perturbés par certaines absences. Pour beaucoup, c'est simplement parce que je ne les ai pas encore vus (Coco, Faute d'Amour, Grave, I Am Not Your Negro, Au Revoir Là-haut...). Pour d'autres, oui, je les ai vus et je n'ai pas aimé (Logan, Colossal, It Comes At Night...). Ou alors j'ai trouvé ça moyen-bof-décevant (The Lost City of Z, Jackie, Jeanette, A Monster Calls, Mother!, Silence...). Grâce à une sélection un peu plus drastique que d'habitude, je n'ai subi qu'un seul (très) mauvais film : le bête, méchant, misogyne et globalement abject Seven Sisters. Et c'est bien suffisant. Et déjà trop.

J'ai longuement hésité à inclure, croyez-le ou non, Dunkerque, probablement le meilleur film de Christopher Nolan. Si l'œuvre a de vraies qualités formelles et qu'elle est, en soi, très efficace ; elle demeure froide comme un carburateur et toujours aussi dénuée d'humanité (la marque de fabrique du réalisateur). Bref, de la technique de pointe au service d'un divertissement indéniablement puissant, clinquant et creux. Dunkerque restera donc aux portes de mon top 20.


 

20

The Love Witch de Anna Biller

Quel joli petit film ciselé avec amour. Une imitation formelle parfaite de ces séries B de la fin des années 60, un peu bidouillées, un peu ennuyeuses, mais colorées et langoureuses. Elles sont ici relues avec un regard féminin très contemporain. L'alliance entre une réalisatrice démiurge attachante (Anna Biller) et une comédienne exceptionnelle (Samantha Robinson) donne corps au sortilège. The Love Witch peut s'apprécier à de nombreux niveaux. C'est à la fois un bel objet théorique et une simple friandise. Et c'est surtout une nouvelle excellente entrée dans le genre des films de sorcières, un des plus passionnants, subversifs, élégants et punks de l'histoire du cinéma.

 


 

19

Good Time de Ben et Joshua Safdie

Attention, sélection à Cannes oblige, c'est un film social. Le New York des paumés, la vie nocturne des marginaux, la pauvreté, la débrouille, la misère humaine, le tralala habituel. Emballé de manière correcte dans un polar tout cassé qui s'effondre dans le ralenti d'une nuit qui s'embrume. Un truc bancal complètement désenchanté, traversé par un humour décalé foireux, avant de mieux retomber dans la noirceur totale. C'est très attachant, parce que mal fichu.

 


 

18

Nocturnal Animals de Tom Ford

Etrange film de vengeance, qui masque son côté déplaisant par une forme aguicheuse. Derrière la façade de la beauté se cache l'extrême laideur. Le propos n'est pas d'une subtilité folle mais l'expérience fonctionne. On est très mal à l'aise, du début à la fin.

 


 

17

Wind River de Taylor Sheridan

Un beau polar enneigé, ce n'est pas de refus. Un peu social, un peu brutal, un peu tendre, un peu cruel, c'est du cinéma classique, sans trop d'artifice. C'est bien fait, comme le déjà pas mal du tout Hell or High Water. Quelques très belles scènes et une ambiance qui ne nous lâche pas, c'est du bon boulot.

 


 

16

Les Gardiens de la Galaxie 2 de James Gunn

Vous savez, c'est un peu honteux, mais j'aime bien les blockbusters. Dans l'absolu. Les gros divertissements pouêt-pouêt boum-boum. Des trucs rigolos et spectaculaires, avec de l'action et de l'humour. Pour s'amuser. J'aime bien m'amuser devant les films. J'aime beaucoup m'amuser au cinéma. C'est presque devenu honteux au fil du temps. Parce que le niveau du blockbuster moyen n'a jamais été très élevé. Et, si j'osais, mais il vaut mieux faire attention avec ce genre d'affirmations, le niveau semble baisser ces dernières années. Déjà il y a l'abondance des franchises exploitées de manière médiocre. Et l'effondrement du concurrent direct de Marvel, le sinistré DC Comics. Oui, parce que non, enfin, voilà, Wonder Woman malgré quelques qualités (essentiellement une mise en scène pas trop affreuse et quelques moments sympathiques), ça ne fait pas davantage qu'un film médiocre. Et je vous épargne les autres (ne me lancez pas sur Suicide Squad ou Batman V Superman, c'est horrible). Chez Marvel, ce n'est guère mieux. Chaque film étant une sorte d'épisode plus ou moins interchangeable d'une série TV boursoufflée. Je n'ai pas encore vu Thor 3 à l'heure où j'écris ces lignes et j'ai confiance en Taïka Waititi pour avoir aussi réussi un machin riche en déconne. En attendant, la valeur sûre reste Les Gardiens de la Galaxie. Du ciné-BD de qualité, très bête, très fun, spectaculaire et bordélique. Avec une bande de bras-cassés assez attachante. On pourrait demander plus, bien sûr, mais dans le champ de ruines, c'est déjà pas mal.

 


 

15

Kingsman 2 : The Golden Circle de Matthew Vaughn

Dans la lignée du premier opus, un nouveau cartoon pour adultes signé par Matthew Vaughn, un des meilleurs réalisateurs de divertissements de notre époque. Affreux, clinquant et méchant, la saga Kingsman c'est un peu le péché mignon du cinéphile. Encore plus que Les Gardiens de la Galaxie, il y a de quoi avoir (un peu) honte. Surtout que cela permet d'aimer ce qu'on ne peut plus aimer (la série des James Bond), tout en se gavant de ses travers poussés jusqu'à l'absurde. C'est une parodie voyez-vous, donc on peut s'amuser du sexisme et de la violence, parce que c'est du 36e degré. Si vous n'aimez pas, je ne vais pas vous lancer la première pierre, c'est aisément indéfendable (sur certains angles) et totalement défendable (à plein d'autres niveaux). Moi, ça m'amuse, que voulez-vous ? Personne n'est parfait.

 


 

14

War for the Planet of the Apes de Matt Reeves

Fin (provisoire) du renouveau de La Planète des Singes avec un troisième volet tout aussi réussi que les deux précédents. Discrètement, cette série de blockbusters a fait son bonhomme de chemin, en racontant une histoire de manière classique et attachante. C'est du grand spectacle bien écrit, bien mis en scène, merveilleusement interprété par Andy Serkis. L'excellence des effets spéciaux n'a jamais éclipsé l'intelligence de l'ensemble. Comme quoi, c'est possible de faire du cinéma grand public qui respecte le spectateur.

 


 

13

Okja de Bong Joon-Ho

Le film qui rend vegan. Ou végétarien, à la limite. Après, depuis Babe et Upstream Color, j'ai déjà fait mon deuil du cochon, donc ça ne change pas grand-chose pour moi. C'est juste un beau film à mes yeux. Une sorte de Spielberg/Disney mis en scène par un des plus grands réalisateurs coréens.

 


 

12

Your Name de Makoto Shinkai

Le dessin animé japonais phénomène. Je ne suis pas là pour vous aligner des chiffres et des prix, donc si ça vous intéresse vous pouvez aller les chercher ailleurs. Your Name, tout le monde aime. Ou presque. On en trouvera toujours pour critiquer ceci, ou cela. Après tout c'est de la romance fantastique largement "over the top". Tous les curseurs sont poussés au maximum, pour vous faire battre le coeur plus vite et, au final nous tirer la petite larme qu'on ne peut s'empêcher de verser, par réflexe. Grandiose.

 


 

11

Kedi de Ceyda Torun

Il suffit de voir l'image extraite de ce documentaire turque pour comprendre qu'il s'agit bien évidemment du meilleur film de l'histoire du cinéma. C'est au prix d'un effort d'objectivité dont je vous prie de considérer l'ampleur que Kedi ne finit pas à la première place de ce classement. Parce que bon, quand même, ce n'est pas non plus le documentaire le plus audacieux, ni le plus profond. Mais son sujet va au-delà des chats d'Istanbul. Portraits d'humains et de félins, Kedi évoque aussi la société turque, par rebond, en toile de fond. Mais plus généralement, c'est une étude, légère, bienveillante, sur notre rapport aux animaux de compagnie et en quoi notre affection pour des espèces différentes peut nous rendre, paradoxalement, d'autant plus humains. C'est souvent émouvant, c'est adorable, c'est finalement assez fort. Et si vous avez un tant soit peu d'affection pour les chats, c'est bien sûr le meilleur film de tous les temps.

 


 

10

Get Out de Jordan Peele

Phénomène de société, Get Out est l'archétype de l'oeuvre qui arrive pile au bon moment. Jouant sur les archétypes du film d'horreur, un peu survival, un peu slasher, voire même un peu "torture porn", Get Out reprend les choses là où les meilleures films de Romero et de Carpenter les avaient laissées (et croyez-moi, ça date). Le final du film, cathartique et énervé, n'est pas sans évoquer (toutes proportions gardées) ce que The Woman de Lucky McKee avait offert à la cause féministe. Finie la politesse, finie la retenue, on ne se laisse plus faire. S'il y en a qui trouve que tout cela "dessert la cause défendue", c'est que le pari est amplement réussi.

 


 

9

American Honey d'Andrea Arnold

Jeunesse perdue, forcément perdue. A chaque génération ses œuvres générationnelles, n'est-ce pas ? American Honey sonne particulièrement juste grâce au naturalisme d'Andrea Arnold qui a déjà si souvent fait des merveilles (mon préféré restant sa relecture des Hauts de Hurle-Vent). Là, c'est un peu plus classique, mais toujours d'une justesse désarmante.

 


 

8

Voyage of Time de Terrence Malick

En gestation depuis des décennies, le documentaire "ultime" de Terrence Malick ne fait pas dans la demi-mesure : l'histoire de l'univers du début à la fin. Hop ! Comme ça, tranquille. Avouons-le, Malick l'a déjà fait, en mieux, avec The Tree of Life (et probablement avec tous ses autres films). Ici, c'est une version étendue de la partie historico-métaphysique de The Tree of Life qui ne pouvait que réjouir tout autant les fans que les détracteurs du réalisateur, chacun y trouvant son bonheur. C'est du Malick à sa quintessence, caricatural pour les uns, merveilleux philosophe mystique pour les autres. Je me range toujours dans la seconde catégorie, vous vous en doutez. Faussement évident, Voyage of Time offre par ailleurs des nuances nouvelles dans la pensée de son auteur. Il faudra le revoir.

 


 

7

I Am the Pretty Thing That Lives in the House de Oz Perkins

Sorti directement sur plateforme numérique, I Am The Pretty Thing est une merveille du plus poétique des sous-genres du Fantastique : le film de fantôme. Alors, d'accord, il y a eu encore plus fort cette année avec A Ghost Story (voir plus haut), mais ce film, plus classique dans son récit, n'en est pas moins incontournable. Deux points forts : la narration, à la fois claire et inquiétante, et la mise en scène, sophistiquée et intense. L'aspect inéluctable et la peur s'immiscent doucement, lentement, joliment, jusqu'à culminer sur l'horreur pure. Ce n'est presque que de l'atmosphère, une litanie, des petits riens qui font les grandes trouilles, avec des images superbes et des sons qui hantent. Une splendeur.

 


 

6

Baby Driver d'Edgar Wright

Edgar Wright n'a jamais fait un mauvais film. Et, surtout, il est l'auteur des meilleurs films d'action de notre époque. Hot Fuzz et Scott Pilgrim sont deux chefs-d’œuvre et je peux en discuter, mais vous ne me ferez pas changer d'avis. Bref, avec Baby Driver, Wright a signé l'oeuvre qu'il fallait à ce stade de sa carrière : succès public et critique, qui le (re)lance au niveau mondial. Et c'est plus que mérité : c'est du 7e art total, à étudier dans toutes les écoles (et pas seulement de cinéma). Comment une histoire bouge, grâce à la musique, aux images, aux comédiens, aux dialogues. Du mouvement, du mouvement, du cinéma, du cinéma partout, pendant 2 h.

 


 

5

Moonlight de Barry Jenkins

C'est devenu un gag. Sur le papier, Moonlight a tout du pensum infernal, de la caricature du "film fort". Imaginez : il est noir, il est pauvre, il est gay. Avec la mère qui se drogue, le père absent, dans le ghetto. Ah oui, on dirait une sorte d'happeau pour les abrutis qui n'ont que des insultes au bout du clavier : "droitdelhommiste ! gauchiasse ! agenda LGBT ! bobo ! bienpensant ! journalope !". Bon, moi je m'en fous, j'ai déjà écrit que j'étais tout cela en même temps, rien à cirer. Noir, gay, pauvre, américain, dealer, ça me parle, ça me touche, ça me bouleverse. Ca dit plein de choses sur moi qui, essentiellement, ne suis rien de tout cela (enfin, pauvre... pas à ce point-là, certes). L'empathie que ça s'appelle. Un des processus mentaux les plus importants de l'être humain. Le pivot de toute vie en société. La clef de l'entente mondiale, tiens, probablement. L'empathie, qui fait tant défaut, que certains semblent remiser si facilement, comme on cache la poussière sous le tapis. Quelle misère. Une cure de Moonlight, je ne vois que ça ; pour restaurer l'empathie, pour la raviver, pour lui redonner des couleurs (toutes celles de l'arc-en-ciel, et le noir et le blanc, aussi).

 


 

4

Song to Song de Terrence Malick

Il semblerait que Song to Song marque la fin d'une trilogie malickienne commencée avec A La Merveille. La prochaine fois, ce sera un film de guerre. On me dira que cette trilogie "de l'amour" est aussi une trilogie "de la guerre", après tout on peut faire dire beaucoup de choses aux films de Terrence Malick. Un cinéma qui divise, pour sûr, même les fans entre eux. J'adore tous les films de cette trilogie (et tous les films de Malick, certes), mais Song to Song est peut-être mon préféré. L'univers décrit y est peut-être pour beaucoup (Lykke Li, dans un vrai rôle !). Plus globalement, on y sent une forme d'accomplissement bouleversante. L'émotion n'y est pas aussi dévastatrice et universelle que dans les deux plus grandes œuvres du réalisateur (Le Nouveau Monde et The Tree of Life), mais elle y est, au final, toute aussi présente.

 


 

3

Certaines Femmes de Kelly Reichardt

Portraits de femmes, avec la grâce du cinéma de Kelly Reichardt. Ce cinéma du minuscule et de l'immense est un écrin pour toutes les histoires. La réalisatrice peut tout raconter, peu importe. Il y a dans ses images un souffle, une âme, une vérité qui transcendent tous les sujets. C'est impossible à décrire, à quantifier, à expliquer, on le ressent ou pas. Tout est dans le non-dit et l'esquissé. C'est un cinéma du subtil, un art du "presque là". Mais on est très loin du "vide", du creux, de la fumisterie. La différence est parfois difficile à faire pour le spectateur et surtout pour les critiques. Les réfractaires seront toujours nombreux à crier au néant. Que leur répondre ? Essayer de verbaliser ce qui est justement tu dans le cinéma de Kelly Reichardt, c'est abîmer l'œuvre, la diminuer, la circonscrire. Facile d'écrire cela, non ? Comme de botter en touche. En même temps, hein, je n'y peux rien. C'est comme ça. Kelly Reichardt ne se disserte pas.

 


 

2

La La Land de Damien Chazelle

J'ai déjà beaucoup écrit sur La La Land. Je n'ai pas beaucoup à ajouter, si ce n'est qu'un an après sa sortie, après le succès public, l'enthousiasme critique, les Oscars, les retours de bâton, l'accalmie et tout le reste, et bien je l'aime toujours autant ce film.

 


 

1

A Ghost Story de David Lowery

L'année dernière, j'offrais la première place de ce classement à Swiss Army Man. Et c'est dans le même esprit que cette année c'est A Ghost Story qui arrive numéro 1. Un film radicalement, totalement, pleinement, merveilleusement "autre". Une œuvre hautement "improbable", qu'il est difficile de décrire pour convaincre quelqu'un de la regarder. Comme avec Swiss Army Man, il faut faire un "saut de la foi". N'essayez pas d'en savoir trop, allez-y avec innocence et bienveillance. Oubliez les films précédents de David Lowery, plus ou moins des brouillons, des recherches ou même des ratages. Ici, il reprend ses modèles (on pense à Malick, on pense à Kelly Reichardt, entre autres) et n'est plus dans l'imitation. Lowery fait son "truc", plonge sans retenue dans l'intime et évoque les thèmes les plus métaphysiques qui soient. C'est un film de fantôme, certes, mais comme aucun autre. C'est un chef-d’œuvre sur le deuil. C'est d'une intelligence et d'une audace dingues. Il y a Will Oldham dans un monologue tout aussi bouleversant que celui de Old Joy. Il y a une sidération quasi permanente devant un tout petit film qui ne cesse de devenir immense, scène après scène. Et la forme est de même niveau, c'est beau à s'en décrocher la mâchoire, avec une musique incroyable.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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