Pulp : Anthology

        Les rues de Paris ne sont plus sûres, pour citer, encore, du Desproges. En effet, on ne peut plus y flâner en paix sans risquer d'y tomber nez à nez avec un Jarvis Cocker en liberté, en plein shopping avec Madame. Ce qui est arrivé à votre serviteur pas plus tard que cette semaine. Outre le choc émotionnel qui conduit forcément au bord de l'évanouissement, voilà qui prouve par l'expérience que Jarvis a bel et bien quitté son Angleterre natale pour rejoindre nos riantes contrées. Pulp n'existe plus, à cet instant, début 2003, c'est indéniable. Mais on a du mal à y croire. Croire que l'éternel "loup des steppes" qu'est monsieur Cocker vient juste de se marier et s'apprête à devenir un père fort digne. Le temps des histoires de mères célibataires et de sexe semble, peut-être, révolu. Mais qu'importe ! Il nous reste 20 ans de discographie pulpienne et en cadeau final cet incroyable DVD qui regroupe presque toutes les images connues du groupe.

        Tout est là. Tous les clips (manque à l'appel Like A Friend, dont on voit pourtant quelques extraits du making of dans les Home Movies), beaucoup de bouts hilarants d'apparitions TV, des images volées par l'un ou l'autre des membres du groupe, les documentaires mythiques, des lives, des bonus, plein, plein, plein de choses pour plus de trois heures et dix minutes de la plus belle musique pop du monde. Quand on se retrouve face à tout cela, à tous ces souvenirs, à toutes ces émotions, à tout ce talent qui vous met le cul par terre en permanence, on se dit que le meilleur groupe encore en activité ne peut pas mettre la clef sous la porte. Que va-t-il nous rester, à nous les "pulp fans" ?? Où allons-nous trouver la verve unique des Razzmatazz et des Help The Aged ?? Où ? Vers qui nous tourner ?? Allons-nous pouvoir survivre à écouter, réécouter, encore, encore, encore, tous ces disques que nous connaissons par cœur, mais qui pourtant s'offrent à nous à chaque fois sous un jour nouveau.

        Le cri d'amour se fait hurlement, tant il sonne comme un adieu. Anthology est une grande braderie avant fermeture. L'univers de Pulp se donne à nous comme jamais, mais peut-être aussi pour la dernière fois. Une ultime nuit de passion folle sans lendemain. Alors, oui, il y a dans ce DVD les plus beaux clips du monde. Le tournoiement, éternel recommencement, de Do You Remember The First Time ; la petite histoire banale et exceptionnelle de Disco 2000 ; le sublime cinématographique et philosophique de This Is Hardcore ; l'humour un peu potache de Bad Cover Version. Oui, il y a les plus fantastiques chansons du monde. L'énergie nostalgique de Babies, la perfection acerbe de Razzmatazz, l'efficacité culte de Common People, la grâce de Something Changed, l'éveil de Sunrise... Tout cela servi par des personnalités hors normes. De la classe vraiment différente de Jarvis Cocker au sourire triste et doux de Candida Doyle.

        Ce DVD synthétise tout ce que l'on aime en Pulp. Et Dieu sait que j'aime ce groupe. En même pas dix ans, il est passé de mon coup de cœur de la saison au statut de groupe favori. Ca y est, les dés sont jetés, tout le monde s'en fiche mais les Pixies sont dépassés, Pulp est le groupe préféré d'Edwood. Il aura fallut une décennie, mais c'est au bord de la tombe que se construisent les mythes. Et si Jarvis, je le confirme, est bien vivant, le chemin de Pulp vers la légende commence dès aujourd'hui. Mais bon, vous n'êtes pas obligés d'être aussi atteint que moi, hein, faut le dire. Mais vous pouvez toujours acheter ce DVD, non, quand même, parce que ce serait dommage de passer à côté. Ou alors vous n'avez rien à cirer de la musique pop. Mais Pulp c'est bien plus que de la "pop", c'est un mode de vie, un style, une philosophie, que dis-je une philosophie ! C'est une pulsion de vie ! Mais je n'ose pas imaginer que vous ne puissiez pas aimer Pulp. Non, non, je ne l'imagine pas. Et si c'est le cas, une bonne cure de Inside Susan (la plus belle chanson de tous les temps, enfin, au moins pour ce soir), trois fois par jour pendant une semaine, devrait arranger votre état. Sinon vous pouvez toujours lire ce que je dis sur le groupe : ici, et , et encore , ainsi que et même . Oui, je sais, j'en rajoute, je suis lourd, je sors le grand jeu, mais c'est ce soir ou jamais.


The Clash - Westway To The World

        Il est temps de solder les comptes une bonne fois pour toutes. Et même si le pathos finit par resurgir chez les vieux débris de plus de 40 ans, Westway To The World est un documentaire (parfois documenteur) qui enterre plutôt bien le plus grand groupe de la période punk, accessoirement l'un des 3 ou 4 plus grands groupes de rock de tous les âges de l'humanité. Ceux qui s'attendent à voir de la musique peuvent passer leur chemin. Ce DVD ne propose que quelques extraits très frustrants et même si en quelques secondes la musique des Clash prouve encore et toujours qu'elle peut redonner la vie à un cadavre, vous n'aurez pas droit à un seul morceau en son entier.

        Ceux qui connaissent sur le bout des doigts la carrière du groupe n'apprendront rien de nouveau, ils en savent même beaucoup plus que ce qui se dit à l'écran. Preuve la plus flagrante, selon les interviews et le montage du DVD, The Clash s'arrête avec le départ de Mick Jones et donc après Combat Rock. Exit Cut The Crap ! Bien, on ne peut pas leur reprocher la démarche, après tout, tant Cut The Crap est quand même l'album le plus embarrassant du rock, le disque que l'on voudrait le plus effacer de l'histoire du monde. Après, il y en a qui vienne se plaindre de Let It Be, bah merde alors, il devrait écouter Cut The Crap pour voir ce qu'est un vrai testament indigne !

        Westway To The World prend le parti du mythe Clash, et ça marche plutôt parfaitement. On croit à tous les mensonges, et aussi parfois aux vérités, qui nous sont contées. Ce qui fait peut-être le plus mal, c'est de voir l'état général de délabrement dans lequel erre désormais les quatre fantastiques. Topper Headon semble sortir de son linceul, Mick Jones est chauve, Paul Simonon ressemble à un vieux docker alcoolique (ce qu'il est, après tout), et Joe Strummer a définitivement pris des allures de vieux sages indignes dont l'inimitable voix nous fait presque monter des larmes aux yeux à chaque fois qu'elle résonne à nos oreilles. Strummer est la voix d'une époque, et cette époque est morte, du moins, elle erre sous la forme de cadavres à peine réanimés. Cela fait mal, mais cela fait aussi plaisir de revoir un vrai grand groupe de rock sans faux-semblants. Avec ses embrouilles, ses vrais coups de folies, ses opinions discutables, son génie, son énergie, ses pains dans la gueule. Aujourd'hui on a des produits marquetés comme les infâmes The Vines. Ca file la gerbe, croyez-moi.

        Westway To The World propose quand même quelques images rares, notamment en bonus avec des bouts de Clash On Broadway. Pour le reste, l'indispensable achat reste Rude Boy, le plus grand film punk de la création, dispo en Zone 2 UK. Westway To The World s'adresse surtout aux fans qui connaissent déjà bien leur affaire. Les autres vont vite être largués et être très frustrés par les bouts inachevés de chansons. Pourtant, il faut que tout le monde redécouvre les Clash, merde ! S'il y en a parmi vous qui ont fait l'acquisition des gerbes tièdes des Strokes, Vines, Hives, White Stripes, Libertines & co. et qui n'ont pas le premier Clash et London Calling chez eux, là, ça mérite des baffes ! Je suis peut-être un vieux con, mais merde, écoutez tout simplement la différence de qualité dans les compositions, la différence d'intensité, la différence de sincérité. Oh et puis si vous n'aimez pas les Clash, comme on dit chez Godard : allez vous faire foutre !

En résumé : excellent documentaire, parfois menteur, parfois étrangement larmoyant, Westway To The World rappelle, ouf, enfin, que The Clash incarne l'idéal du groupe de rock hargneux, brutal, engagé, crétin mais bourré d'un talent, d'une sensibilité et d'une ouverture d'esprit indépassables. Entendre Joe Strummer (à genoux, mes enfants), nous raconter l'anecdote de la Balalaïka suffit juste à faire comprendre ce qui fait le prix inestimable de ce groupe. The Clash is dead, certes, mais alors le fantôme vous en met plein la gueule !


Blondie - Greatest Video Hits

        Il paraît que Blondie est redevenu à la mode. Ca nous fait une belle jambe. Blondie a toujours été à la mode et au début des années 80, le moindre de leurs 45 tours devenait un hymne mondial. Aujourd'hui, Blondie est presque devenu un groupe culte qu'il fait bon citer pour se la jouer cultiver et tout. Mon Dieu, le musée guette le groupe le plus vivant de la période punk ! Quelque part cela fait peur. Heureusement, au moment où ressort une énième et forcément sublime compilation, ce DVD vient nous rappeler ce qui fait l'essence du groupe de Debbie Harry et Chris Stein : la pop parfaite qui danse et qui bondit.

        N'allez pas croire que j'ai quelque chose contre Blondie. Bien au contraire, pour moi ce sont les Beatles de la fin des années 70. Et peut-être le plus grand groupe de pop de tous les temps. Mieux que les Beatles ? Oh presque ! Cette compilation de clips est incroyablement "cheap". Elle reprend telle quelle la très vieille VHS de 1981 (ou 82, enfin, un truc aberrant). Transitions ultra kitsch avec le chauffeur de taxi new-yorkais inclues ! Tout est kitsch dans ce DVD de toute façon. Les clips sont tous très datés. Et si certains d'entre eux ont marqué un petit peu leur époque (Hanging On The Telephone et ses lignes parallèles, Heart Of Glass et sa boule disco, Rapture et son plan séquence dans la rue), la plupart du temps on se souvient surtout de la musique. Tout le monde connaît Atomic, mais qui se souvient de l'incroyable clip entre polarisation préhistorique et danseurs de carnaval post-apocalyptique ?

        Pour le fan de Blondie, ce DVD tient du miracle. Les clips sont rares, d'une part. Et d'autre part le son a été remasterisé et il sonne bien meilleur que sur les ignobles rééditions CD qui nous avait forcé à tout racheter en vinyle. Il est de notoriété publique que les éditions CD des albums de Blondie sont parmi les plus nulles de l'histoire du format digital. Avec ce DVD, Blondie s'offre enfin un vrai son digne de sa musique. Ecouter X Offender avec le luxe d'une vraie stéréo, c'est réaliser pleinement le génie intégral d'un tel morceau. Donc, niveau qualité du son, c'est pratiquement tout bon (bizarrement, les morceaux les plus fastueux, ceux de Eat To The Beat, souffre du son le plus étouffé, décidément, pour l'instant seul le vinyle peut rendre justice à Dreaming, fameux plus grand single pop de tous les temps).

        Bon, vous allez me dire, si on veut voir Blondie en images, c'est pour voir Debbie. Alors qu'en est-il des tenues mythiques de la Dame ? Et bien elle est fidèle à sa réputation et se fend de quelques excentricités particulièrement délicieuses (maillot de bain, intégrale en bleue, sac poubelle, cuir, lanières, t-shirts crade, intégrale en cuir rouge, robe à frou-frou qui ferait pâlir la pâle Bjork, etc...). Et Debbie, l'une des plus grandes chanteuses de l'histoire de la pop, et bien, est-elle à la hauteur de la réputation de sa beauté ? Oui, bien sûr. Même si parfois l'extravagance la fait ressembler à une parodie d'elle-même, Deborah Harry est belle, parfois belle à se damner. Belle dans la fraîcheur de ses 30 ans sur Denis, belle dans ses regards de mépris inimitables sur Hanging On The Telephone, belle dans son énergie de bête de scène sur Dreaming, belle à mourir dans le sommet de Rapture, mais belle aussi en brune sur The Hardest Part, belle en n'importe quoi sur le clip allumé de Island Of Lost Souls et surtout magnifique, dans la grâce de ses plus de 50 ans (évitons l'âge exact), sur le clip de Maria. Maria, bonus de luxe, ici dans sa version intégrale. Blondie réussissait avec ce come-back affolant à retrouver la magie de la pop du début des années 80 et aussi la magie des clips fauchés et très kitsch de cette même période. Il n'y a qu'une seule Debbie Harry et qu'un seul Blondie. Leur nouvel album sort en février 2003. C'est marqué sur le DVD. La vie est belle.

En résumé : tous les fans vont faire l'achat, inévitablement. Pour les autres, s'ils ne connaissent pas Blondie, c'est le moment de s'y mettre. D'abord en disques, de préférence, mais j'en parle ailleurs. Ceux qui n'aiment pas n'ont rien à faire ici. Quant à Deborah Harry, bien avant Madonna et bien après Britney, elle a toujours eu la classe, oui elle aura toujours la différente classe.


La Communauté de l'Anneau - version longue

de Peter Jackson

        La question était restée en suspend depuis presque un an. Maintenant que la version "longue" dédiée aux fans du film et du livre (19 minutes de générique payantes rien que pour eux) nous parvient dans un luxueux coffret, la réponse devient plus claire. Oui, La Communauté de l'Anneau est loin d'être sans reproches. Et pour ma part je retiendrais deux problèmes essentiels. Le premier est finalement retourné à son avantage par Peter Jackson. La Communauté de l'Anneau n'entretient que des liens très relatifs avec le livre de Tolkien. En effet, je ne sais pas si c'est moi, mais la lecture du Seigneur des Anneaux n'évoque que très peu le film de Jackson. L'ouvrage prend son temps, ne cesse de divaguer et de digresser sur des détails parfaitement inutiles à l'intrigue. Tolkien ne lésine pas sur les petits poèmes et les petites chansons, il est toujours question de longues descriptions et d'ethnographie fantasmée. Si les paysages sont bien présents à l'image, le fait qu'ils nous soient présentés en un mouvement d'hélicoptère et non en cinq pages ne peut évidemment pas provoquer le même sentiment. Lire le Seigneur des Anneaux ne nous amène jamais ou presque à imaginer de grandes batailles, de grandes scènes de suspens, un montage brutal et des effets flirtant avec Brain Dead. En ce sens, Jackson trahit plus ou moins volontairement le livre, nous livrant une œuvre "autre", comme une variation sur un thème. L'ambiance est donc radicalement différente du papier à l'écran. Même si la version longue redonne un peu d'ampleur à l'ensemble. Et pour ma part je dirais que c'est un bon point, car cela oblige à lire le livre, à le relire et à apprécier les deux œuvres indépendamment l'une de l'autre. La séparation étant effectuée, on pourra se passer de ces comparaisons pour les Deux Tours et le Retour du Roi.

        Le second point est déjà nettement plus problématique. En effet, La Communauté de l'Anneau est un film "faux". A de très nombreux moments, on "sort" du film car on se rend compte que ce que nous voyons devant nous n'existe que dans le ventre d'ordinateurs. En cela l'interminable Making Of (7 heures !) est un lourd coup porté à l'œuvre, qui demeure bien plus fragile qu'il n'y paraît de prime abord. En voyant et revoyant les innombrables trucages (quasiment pas un seul plan du métrage n'est "naturel"), on a l'impression de perdre son innocence. Tout est faux. Et contrairement au 13e Guerrier, le Seigneur des Anneaux est un film épique qui verse sans vergogne dans la "cinématique". On s'émerveille devant l'œuvre, comme on s'émerveille devant le cinéma 3D au Futuroscope. Mais on ne vibre finalement pas autant que lorsque les Vikings se battent sous la pluie et beaucoup moins que lorsque le brouillard se lève à la fin d'Excalibur. La tour de Saroumane n'existe pas, ce n'est pas comme les maquettes de Blade Runner ou de Dark Crystal, ce n'est même pas une peinture sur verre, c'est un calcul informatique, intouchable, pas vraiment parfait, mais finalement trop parfait. Et même les décors bien réels de la Nouvelle-Zélande ne font pas illusion. Sauf à quelques exceptions près (notamment au tout début du film). On vire dans la carte postale numérisée. Et quand ce ne sont pas les décors qui nous tirent hors du film, c'est la théâtralité des scènes et des acteurs, cette perfection froide qui nous hurle que le sujet écrase tout le monde de son poids incompressible. On regarde La Communauté de l'Anneau comme on va à la messe. On y respire bien peu et même si le film est souvent très drôle, il peine à produire l'étincelle qui fait toute la magie d'une œuvre cinématographique. Cette étincelle surgit parfois là où on l'attendait (Gollum, les ténèbres de la Moria) et parfois de manière parfaitement inattendue (le surréaliste combat entre Saroumane et Gandalf, le charisme décuplé par la version longue de Legolas et Gimli). Oui, il y a de la magie dans La Communauté de l'Anneau, c'est indéniable. Mais cette magie semble n'être qu'une flammèche échappée d'une usine monstrueuse qui souffle et grogne en vain. Mais cela est bien excessif, car dans sa version longue, la Communauté de l'Anneau rattrape en grande partie la déception en salles. A part la première partie un peu trop prompte à sombrer dans le kitsch, le film trouve une ampleur dramatique et spectaculaire gorgée de détails et de pauses splendides. Les combats sont plus longs, les décors sont mieux présentés, les transitions moins abruptes. Le film n'en est que meilleur et atteint (enfin) la majorité de ses objectifs.

        Voilà ma principale remarque au sujet du film. Par ailleurs, je le trouve excellent. Très largement supérieur au divertissements habituels. Sans doute un futur classique et peut-être un film de "génération". C'est une adaptation brillante d'une oeuvre pratiquement inadaptable. Contrairement à ce que je disais à la première vision, Jackson a réussi à donner son point de vue au sein du métrage et c'est bien là la marque d'un immense metteur en scène. Ce dont je n'ai jamais douté. Heavenly Creatures reste l'un des plus beaux films du monde et Fantômes Contre Fantômes peut-être le meilleur divertissement des années 90. La Communauté de l'Anneau fait bien plus que simplement remplir son contrat, elle nous enchante souvent. Le thème musical de l'anneau est l'un des plus fascinants du genre. Et on pardonne finalement un peu toutes les erreurs (Liv Tyler est une Arwen honorable et Jackson a bien le droit de faire du grandiose à outrance, s'il ne le fait pas avec le Seigneur des Anneaux, il ne le fera jamais). Maintenant, c'est au temps de faire son travail, et pour cela nous aurons à nous revoir dans quelques années... En tout cas la version longue est LA version définitive et la seconde moitié du film tient du chef-d'oeuvre. Voilà, point.

En résumé : indispensable à toute DVDthèque, la Commauté de l'Anneau doit s'acquérir en version longue. En effet, cette version s'approche davantage de l'expérience de la lecture de Tolkien et offre un développement sensiblement plus intéressant des divers personnages. Ce premier film demeure une entrée en matière exceptionnelle et dépasse bien sûr la production cinématographique habituelle. Par contre, n'abusez pas des Making Of, ils tendent à gommer un peu brutalement la magie d'une œuvre finalement très fragile. Note film en salles : 15/20. Note film version longue : 18/20.


E.T., l'extraterrestre

de Steven Spielberg

        20 ans plus tard, il revient. Et il n'est pas content. Enfin, si, il est toujours aussi niais et satisfait. Seulement, il se sentait à l'étroit dans l'immonde marionnette bricolée à l'époque par ce sagouin de Carlo Rambaldi. Après avoir vu le coup de jeune pris par son modèle avoué, le très gaillard master Jedi Yoda, il s'est dit qu'il lui fallait le même lifting et le même logiciel. Cela tombait bien, tout ce petit monde a ses quartiers chez I.L.M., le trust en déclin des SPFX hollywoodiens. E.T. voulait se fighter lui aussi Christopher Lee. Comme tout le monde, quoi. Tout le monde veut se fighter Christopher Lee. Depuis fort longtemps. Donc E.T., qui en avait marre d'être le héros de l'un des films les plus niais et laids des années 80, s'est dit qu'il devait changer son image. L'époque est aux Blade et aux Neo, elle n'est plus aux gentils extra-terrestres moches mais plein de bonne volonté. L'époque est surtout à Mars Attacks et à Signes, l'époque est aux méchants E.T.s qui nous en mettent plein la gueule de manière plus ou moins drôle. Donc, il allait se prendre pour Jet Li et écraser la tête de Elliot sur le bitume, une bonne fois pour toutes.

        Malheureusement, E.T. avait oublié qu'il était la chose de Steven Spielberg. Un type super méchant au fond de lui, mais rarement dans son expression artistique. Pour preuve fort récente, le très gentil Minority Report qui fait passer Indiana Jones et le Temple Maudit pour Les 120 Journées de Sodome. Donc E.T. s'est bien pris un coup de lissage dans la figure, et on l'a même rappelé sur les plateaux pour une pathétique séquence sous-marine dans la baignoire. Mais il est loin d'être devenu plus méchant, vu que l'on a "effacé" les fusils des policiers qui tentent de stopper les enfants, supprimant ainsi l'aspect adulte et "dangereux" de la séquence, donc une grande part de sa puissance. Pour ce qui est du personnage en lui-même, le nouvel E.T. n'a plus la fragilité d'autrefois, il a perdu le peu de magie qu'il possédait à l'origine. La magie d'être une marionnette bien réelle. Il reste bien sûr quelques plans mythiques (qu'on le veuille ou non) par un Spielberg en assez bonne forme (mais bien moins que pour Rencontres du 3e Type, par exemple) ainsi qu'une flopée de thèmes musicaux ultra pompiers (mais parfois sublimes, tel ce Over The Moon) mais tout aussi mythiques par John Williams. Le reste a très mal vieilli. Le pillage des années 80, qui tend à faire revenir sur le devant de la scène des choses qui sont bien mieux à leur place dans la nostalgie qui pardonne les défauts et ajoute de la tendresse à nos souvenirs. Ce pillage, donc, vient de faire une nouvelle victime. Oui, E.T. n'a rien d'un grand film, ni même d'un classique, aujourd'hui, objectivement, c'est juste un téléfilm de luxe, un pilote brillant pour une version positive de X-Files. C'est dire si c'est ringard.

En résumé : si vous êtes nostalgiques du film et de l'époque, évitez comme la peste cette nouvelle version qui va abîmer tout vos souvenirs (pour reprendre une réplique du plus beau film du monde, Il Etait Une Fois En Amérique, sortie DVD en janvier 2003, déjà l'événement de l'année qui vient). Si vous ne connaissez pas le film, bon sang, trouvez une vieille VHS, vite, vite ! En Europe il faudra acheter l'édition collector assez chère pour pouvoir voir E.T. sous son vrai visage (enfin, façon de parler...). Comme pour l'Exorciste, la nouvelle version, immonde, a remplacé (définitivement ?) l'ancienne. Avant, c'était le règne des producteurs sans scrupules qui remontaient sans vergogne les chefs-d'œuvre des gentils metteurs en scène (cela existe toujours, voyez le cas McTiernan). Aujourd'hui, c'est le règne des réalisateurs-producteurs stars gâtés pourris, qui font n'importe quoi avec leur œuvre. Dans quelques années, le travail des cinéphiles et des historiens du cinéma, sera de retrouver les versions AVANT le director's cut à deux francs. Parce que bon, est-ce que Apocalypse Now Redux apporte vraiment quelque chose au film de Coppola ? N'est-ce pas finalement un ajout de scènes coupées qui auraient très bien fonctionnées HORS du film ? Le débat est interminable et déjà je m'emporte, vu que la version longue du Seigneur des Anneaux est supérieure à la version courte. Comme quoi, le cinéma n'est pas une science. Et c'est tant mieux.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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