A - D

 

- Annie : Anniemal

- Asobi Seksu : Citrus

- The Beach Boys : Pet Sounds

- The Beach Boys : Smile

- Blondie : Parallel Lines

- Blondie : Autoamerican

- Blondie : Complete Picture The Very Best Of

- The Books : The Lemon of Pink

- Bran Van 3000 : Glee

- Georges Brassens

- Jacques Brel : Infiniment

- Jeff Buckley : Grace

- Kate Bush : Hounds Of Love

- Kate Bush : This Woman's Work

- John Cale : Paris 1919

- The Cardigans : Gran Turismo

- Leonard Cohen : Songs of Leonard Cohen

- Julee Cruise : Floating Into The Night

- Julee Cruise : The Voice Of Love

- DAF : Alles Ist Gut

- Nick Drake : Five Leaves Left

- Ian Dury & The Blockheads : New Boots and Panties

 

Annie - Anniemal

       Elle nous vient du nord, vous savez, la Norvège, l'autre pays de la musique couverte de sucre glacé. Elle est un peu bizarre et adore créer sa propre légende. Elle n'a pourtant pas froid aux yeux, n'hésite jamais à laisse aller son ego et à sampler Madonna avec désinvolture. Elle, c'est Annie, la nouvelle égérie des esthètes. L'objet du délit, c'est Anniemal, hold-up musical doux-amer.

        Un véritable coffre aux trésors, où brillent une dizaine de joyaux, jonglant entre l'évidence mélodique la plus charmante (le single Chewing Gum, Me Plus One, Greatest Hit), des méandres plus nuancés et inattendus (Always Too Late, Happy Without You) et surtout la fusion idéale entre cette pop la plus vivifiante et des tonalités résolument matures (l'euphorisant Anniemal, Come Together qui rendrait Kylie Minogue verte de jalousie). Et bien sûr il y a Heartbeat, entièrement orchestré sans usage de synthétiseurs, qui se ressent plus qu'il ne s'écoute véritablement. En prenant le titre au pied de la lettre, la comptine devient un rythme cardiaque qui s'affole,rendant au mieux les émotions décrites par Annie. Et  nous de revivre l'excitation de danser avec un/une inconnu(e), le trouble de tomber amoureux, la douce culpabilité de s'abandonner au plaisir et à la musique. Sensuel, exaltant, étrangement mystérieux et terriblement entêtant.

        Avec ce premier album, Annie donne un terrible coup de vieux à toutes les bimbos des dancefloors. Même notre chère Britney obtient un aller simple pour la maison de retraite. La musique pop, en particulier cette "bubble pop" dont la Annie de Chewing Gum se revendique explicitement, est un univers où l'on ne peut pas espérer rester longtemps au sommet. Une saison, parfois deux... Puis on tente des come-backs plus ou moins réussis, avec un succès généralement décroissant. Le seul espoir étant de se faire une petite place culte dans le coeur de certains auditeurs. Avec Anniemal, Annie a déjà accompli admirablement cette tâche si délicate. On ne l'oubliera pas.

Asobi Seksu – Citrus

        L’année dernière, j’écrivais en ces pages à peu près ceci : « un groupe de rock actuel sur deux sonne comme un rejeton de My Bloody Valentine ». Dès les 17 secondes d’introduction de Citrus, cette affirmation est une nouvelle fois de mise : mur de guitares qui font des vagues, production grandiloquente, maelstrom sonore à l’horizon, tout est là. La chanson d’ouverture, Strawberries, confirme largement l’impression première, la chanteuse japonaise a une petite voix qui convient très bien à une imitation du groupe de Kevin Shields. Certes, Asobi Seksu ne va pas se placer sur le terrain de l’originalité, mais plutôt sur celui de l’efficacité en faisant dériver de manière fort bienvenue la déprime du genre vers une pop bondissante et souvent purement réjouissante. Le final de Strawberries avec ces « na na na na » l’annonce, et c’est le très décomplexé New Years qui le confirme, Asobi Seksu adapte les sucreries japonaises aux codes du gros rock planant. On est déjà charmé, mais le juste merveilleux Thursday nous achève, il y a de la mélodie, du panache, un lyrisme rêveur, tout ce qui transforme une chanson aux oripeaux traditionnels en un petit trésor. Les arrangements ont beau être surchargé, le batteur cogner comme un damné, le groupe trouve toujours le petit détail qui vient faire respirer, qui fait s’envoler.

        Sur Strings la chanteuse Yuki Chikudate s’élance dans les aigus, flirtant avec la rupture de ton et le crime lèse-tympans, elle s’en approche sans jamais tomber dans le désagréable. Pink Cloud Tracer ressemble sans doute trop à ses modèles avoués (My Bloody Valentine, donc, mais aussi Jesus & Mary Chain) et c’est la longue progression hardcore de Red Sea qui vient donner un coup de fouet à l’album. Après cette errance bruitiste, le groupe enchaîne avec la plus évidente gâterie pop de l’album, le fantastique Goodbye, et nous voilà alors plus proche de Blondie que de l’assaut sonore. Le très posé Lions and Tigers, le bondissant Nefi+Girly et la jolie ballade Exotic Animals (qui s’épanche elle aussi dans un final criard) concluent l’album. La dernière chanson, le très court Mizu Asobi est à nouveau un miracle de légèreté énergique et primesautier. Asobi Seksu réinvente avec Citrus le plaisir du désordre, la grâce du bruit et redonne de la mélodie dans l’univers du discordant.

- The Beach Boys : Pet Sounds (1967)

        Ultra célébré, cet album n'a pas besoin de mes louanges pour entrer de plein droit dans la discothèque idéale. Pour tout avouer, Pet Sounds est un tantinet surestimé, ou du moins il a tendance à faire oublier le reste de l'œuvre des Beach Boys, parfois largement aussi bonne, voire supérieure. Alors, il faut avoir Pet Sounds dans sa discothèque, mais cela ne doit surtout pas être votre seule acquisition Brian Wilsonesque. Pour les quelques égarés qui ne connaîtraient pas encore ce disque (classé par nombre de professionnel comme étant "le plus grand album pop-rock du 20e siècle"), et bien... hum... on peut leur dire qu'il n'y a que des bijoux mélodieux comme les petits zoizeaux du matin, mais sans tomber dans la mièvrerie glauque. Car Brian Wilson (celui qui fait tout), est un génie torturé (pléonasme), il y a toujours un petit quelque chose d'imparfait, de "fêlé" dans les trésors des Beach Boys. Bon, quoi d'autre ? Des titres ? Toutes les chansons sont mythiques. De Wouldn't It Be Nice à That's Not Me en passant par Sloop John B, I Know There's An Answer, I Just Wasn't Made For These Times ou les traumatismes de plusieurs générations que sont God Only Knows et Caroline No, tout n'est qu'or et diamants.

 

- The Beach Boys : Smile (1969)

        Officiellement ce disque est perdu, inachevé, oublié, mythique. Officieusement, on le trouve en quasi intégralité dans tous les coins du web (ou sur certaines compilations). Et c'est certainement grâce au web que Smile connaît aujourd'hui un engouement mondial. Album conceptuel, expérimental, essayant difficilement de marier avant-garde et pop, Smile fait peur, certains morceaux étant garantis pour mettre mal à l'aise les auditeurs (Do You Like Worms, Heroes And Villiains part Two, Mrs. O'Leary's Cow). En fait, tout est à l'image du tube orphelin, Good Vibrations, enfin replacé dans la cohérence de l'album, en charnière entre les deux parties du disque (une première partie retraçant plus ou moins l'histoire des USA et une deuxième partie mystique basées sur les éléments d'Aristote). Le moindre morceau contient 10 chansons. Brian Wilson "zappe" à toute vitesse, ce qui donne l'impression d'un vaste brouillon ou d'un voyage mouvementé au sein d'un esprit génial mais définitivement "hors du monde". Smile est fractionné par de multiples petits interludes, souvent drôles, incroyablement inventifs, toujours surprenants, car on ne peut jamais prévoir ce qui nous attend à la mesure suivante. Il faut un temps d'adaptation, après le désarroi des premières écoutes (l'album est de surcroît très long), on finit par reconnaître des thèmes récurrents (dont une petite mélodie assez effrayante, celle de Do You Like Worms, qu'on imagine conçue comme un sortilège vaudou), et les chansons apparaissent au grand jour. Et elles sont sublimes, tout "simplement" sublimes, largement autant que Good Vibrations. Il y a l'hallucinant Child Is Father of the Man, mais aussi Heroes And Villians en version intégrale, Cabinessence, Wind Chimes, Wonderful... Certaines de ces merveilles furent éparpillées et mutilées dans les œuvres postérieures du groupe. Comme un héritage géré avec maladresse et avidité.  Pour preuve, le final de l'album, l'une des 10 plus belles chansons du monde, et sans doute la plus belle chanson du groupe, le bouleversant Surf's Up (sur lequel repose quasi intégralement l'album du même nom), ici dans sa version fidèle à la vision de Brian Wilson (avec l'intro séparée et le final tout simple, pour ceux qui connaissent l'autre version (sublime aussi par ailleurs, mais moins sobre et sombre). Disque littéralement fou, en avance de plusieurs décennies, synthèse de mille et une émotions et de mille et une mélodies, aisément comparable au Requiem de Mozart, Smile mérite logiquement cette appellation : le plus grand disque inachevé du 20e siècle.

 

- Blondie : Parallel Lines (1978)

        Peut-être l'un des meilleurs albums de pop de tous les temps. Ce disque est incroyable ! Tout y est parfait, aucune chanson n'est ratée, tout est au niveau chef-d'oeuvre. Et surtout il est IMPOSSIBLE de se lasser de ce Parallel Lines délicieux. Les mélodies sont d'une richesse rarement égalée (cf l'hallucinant Pretty Baby), Debbie Harry n'a jamais aussi chanté (cf le sublime Picture This ou tout simplement tout l'album), l'énergie est incroyable, les harmonies superbes, etc.... Du clouant Hanging On The Telephone jusqu'à l'épique Just Go Away en passant par le parfait Heart Of Glass, le fascinant Fade Away And Radiate, l'irrésistible One Way Or Another ou le génial I Know But I Don't Know, Parallel Lines est un exemple d'album parfait. Sans problème le meilleur et le plus indispensable des disques sortis par Blondie. Vital.

Ma page Parallel Lines

 

   - Blondie : Autoamerican(1980)

    Je crois que vous n'allez pas y couper, je fais bien finir par caser TOUS les albums de Blondie sur cette page. Et une fois que j'aurais fait cela je créerais enfin la section Blondie que j'ai en tête depuis la création de mon site. Enfin bon bref, voici venir l'avant-dernier album de Blondie (avant séparation) qui est en fait son dernier chef-d'oeuvre, The Hunter n'étant pas vraiment à la hauteur de ce qui a précédé. La magie Blondie est aussi brillante que sur Parallel Lines ou sur Eat To The Beat, et Autoamerican est une nouvelle fois un disque indispensable à toutes les discothèques. Après une ouverture surprenante avec l'instrumentale grandiloquent de Europa, c'est, comme à l'habitude, un enchaînement de hits non stop. Tout est sublime. The Tide Is High, bien sûr, mais aussi le divin Angels On The Balcony, sans parler de Do The Dark, de l'irrésistible T-Birds et du magnifique Follow Me, de l'impeccable Walk Like Me... Et bien sûr il y a Rapture, morceau historiquement primordial, car c'est (en 1980) le premier rap interprété par un blanc, qui plus est, par une femme ! Et des femmes blanches qui font du rap, ma foi, il n'y en a pas des masses. En plus Rapture est une chanson anthologique. Enfin bon bref, toujours et encore vital.

 

 

- Blondie & Deborah Harry : Complete Picture The Very Best Of(1991)

        Dans le cas d'un groupe comme Blondie l'intégrale se justifie (enfin, d'après moi) et il est de toute façon absolument impossible de posséder une discothèque sans Parallel Lines, album aussi primordial que Sergent Pepper, Beggar's Banquet ou Doolittle. Mais pour ceux qui aiment les (bons) raccourcis, le Very Best Of sorti en 1991 me paraît être un bon consensus, surtout qu'il inclut quelques hits de la période solo de Debbie Harry (oui mais alors où est Rockbird ?). Certes, je me répète mais je m'en fous, rien ne remplacera les albums, mais les principaux tubes monstres sont là, donc ce n'est déjà pas si mal. Il y a le merveilleux Heart Of Glass en ouverture, pas loin après il y a le formidable Call Me, et puis Sunday Girl, Denis, Rapture, Brite Side, The Tide Is High, Hanging On The Telephone, Pictures This, Dreaming, Union City Blue et le tant galvaudé, le tant martyrisé sur l'autel du pognon, mais génial à jamais, Atomic. Bon, difficile d'être vraiment enthousiaste devant un disque duquel sont absents des chansons aussi vitales que Pretty Baby ou In The Flesh, mais bon, tant qu'à posséder le minimum autant posséder le strict essentiel. Et comme de toute façon c'est tout un parcours du combattant pour réussir à acquérir les albums originaux du groupe, bon nombre de gentils amateurs de musique s'arrêteront à une compilation. M'enfin, bon, bref, arrêtons la langue de bois, démerdez vous mais achetez TOUS les albums de Blondie, et puis mêmes les compilations, tiens, oui, voilà, finalement ce Very Best Of est indispensable, en plus des albums, car on n'a jamais assez de Blondie chez soi.

 

 

The Books - The Lemon of Pink

            Le deuxième album de The Books se présente exactement de la même manière que leur premier opus, le fantastique Thought For Food, des séries de collage sonores, de bruitages, de petites mélodies, de samples ici et là, qui fusent d'un peu partout pour créer, petit à petit, de véritables merveilles musicales pleine de poésie et de délicatesse. La plus grand innovation de The Lemon of Pink est sans doute la présence de parties chantées, souvent très brèves, mais d'une grande force, comme sur la chanson éponyme qui ouvre l'album. Pour le reste, on retrouve les sonorités folk qui font tout le charme de The Books, guitares acoustiques, violons, banjos et autres distorsions électroniques lointaines suffisent à créer des ambiances captivantes. Les bribes de conversations forment parfois des échos formidables comme sur Tokyo, Bonanza ou sur l'amusante conclusion de PS. Etrangement, on pensera parfois à Mike Oldfield post-moderne, retrouvant la verve des Tubular Bells premières du nom. Ou si Enya ruait dans les brancards de ces arrangements formatés, comme sur le ravissant Take Time. La musique de The Books se fait parfois plus sombre, plus songeuse, comme sur le magnifique Don't Even Sing About It, qui est avant tout un instrumental folk d'une grâce rare. Sur The Future, Wouldn't That Be Nice, la déstructuration fait tourner la tête de l'auditeur, mais malgré tout, The Books parviennent toujours à préserver la cohérence de leurs morceaux. On pourrait parler de petit miracle en évoquant la musique de The Books, tant leur univers est toujours au bord de l'abstraction, du chaos, de l'abscons et reste pourtant immédiatement accessible et adorable. Et d'une richesse de sentiments incroyables. The Lemon of Pink, quasiment sans paroles intelligibles parvient ainsi à être drôle, émouvant, inquiétant, doux, dynamique, rêveur, étonnant et rapidement indispensable.

 

- Georges Brassens : tout

        Non, le Big Georges n'est pas un intrus après le Kult ou Emperor, le Big Georges doit avoir une place d'honneur dans toute discothèque qui se respecte. Dans son cas il est d'ailleurs bien difficile de conseiller un disque en particulier. Je conseillerais surtout les rééditions des albums originaux chez Philips. Ce ne sont pas les remasterisations à la mode et c'est tant mieux. D'une part parce que c'est moins cher, d'autre part parce le son y est pas trop propre et ça c'est chouette. Et en plus ce sont les reproductions fidèles des disques de l'époque. Bien sûr c'est toujours assez court. Mais les premiers volumes sont purement et simplement vitaux. Sur le premier on trouvera des perles comme La Mauvaise Réputation, Le Petit Cheval, le sublime Le Parapluie ou le magique... non.. le Magique : Comme Hier. Sur le deuxième ce sont des Pauvre Martin, des J'ai Rendez-vous Avec Vous, des Il n'y a Pas d'Amour Heureux (traumatisant), des P... de Toi qui resplendissent de mille feux. Sur le troisième outre l'Auvergnat ou Auprès de Mon Arbre, il y a peut-être la plus belle chanson interprétée par Brassens, Le Testament. Et ainsi de suite jusqu'au volume 15. Que du 20/20.

 

 

- Jacques Brel : Infiniment

    Énième compilation de l'œuvre du "grand Jacques", oui mais celle-ci est double, très complète (40 titres, que des classiques), dotée d'un son exceptionnel et elle contient les fameux 5 inédits inachevés par l'artiste (mais peut-être y en a-t-il d'autres qui dorment quelque part ?). Avouons-le, ces inédits, placés dès l'ouverture du premier disque, ne sont pas à la hauteur des grands chefs-d'œuvre du chanteur. Ils donnent surtout dans la redite et sont avant tout des documents, parfaits pour les complétistes. Sinon, par ailleurs, les monuments sont là. Toujours avec leurs qualités bouleversantes (l'interprétation et les textes de Brel) et leurs défauts parfois bien gênants (essentiellement des arrangements pompeux et inutiles). En fait, le problème est simple, face à l'intensité de l'interprétation, pourquoi ajouter et rajouter tant de cordes, de cuivres et d'explosions orchestrales qui noient les morceaux jusqu'à la défiguration ? On ne sait pas. Il y en a à qui ça plaît. C'est la démarche exactement opposée à celle d'un Brassens (résolument contre les arrangements orchestraux, à part, une fois, pour une film, et pour le magnifique Heureux Qui Comme Ulysse, avec des cordes très discrètes). Alors, non, finalement, l'émotion est encore plus présente chez Brassens, sa guitare et son violoncelle. Mais à part cette petite remarque, les qualités des chansons de Brel emportent presque à tous les coups le cœur de l'auditeur. Certaines chansons font verser toutes les larmes du corps (Jojo, J'arrive, Les Vieux, La Chanson des Vieux Amants, Ne Me Quitte Pas, Le Moribond...) et d'autres ne cessent d'amuser, d'enthousiasmer, d'impressionner par leur prestance, leur maestria (La Chanson de Jacky, Amsterdam, Bruxelles, Ces Gens-là, Mathilde, Vesoul, Au Suivant, etc...). Aller, il n'y a pas grand chose à ajouter, aucune discothèque ne peut se passer d'un minimum de Brel, et le minimum est ici.

 

 

- Jeff Buckley : Grace (1994)

        On aimerait détester ce disque. On aimerait étaler ses défauts à la face du monde. On aimerait briser le charme. On aimerait exploser le mythe, déboulonner la statue, raser la cathédrale de verre. Tout le monde aime cet album, récemment élu par les lecteurs des Inrocks meilleur disque des 25 dernières années (ce qui est totalement délirant, il faut l'avouer). Délirant, oui, mais compréhensible. Grace n'est-il pas le disque parfait par le gars parfait ? On aimerait haïr Jeff Buckley, ce fils de son père, à la voix sublime. Ce type tellement parfait qu'il a même réussi à tirer si injustement sa révérence avant même de commencer à rouiller. Un album, pas plus, moins encore que Nick Drake ou que My Bloody Valentine. Un album que la jeunesse post-moderne écoute avec la même béatitude qu'un groupe de mystiques en extase. Sur la reprise d'Hallelujah ou sur Corpus Christi Carol, on frissonne, tout cela est trop beau pour être honnête. Car Grace n'est pas un disque lisse et propret, ni un brûlot punk produit à la machette, merveilleusement il est au "milieu". On aimerait faire preuve de mauvaise foi et affirmer que ce disque ne nous fait rien, que finalement c'est un bon truc mais sans plus, alors que l'on sait pertinemment que c'est un "dark crystal", une clef de voûte qui n'est pas le plus beau disque de la planète, loin de là, mais dont l'aura n'est pas prête de s'affaiblir. Héros romantique d'une époque qui croyait se tamponner des héros romantiques, Jeff Buckley ne nous a laissé aucune alternative. On s'agenouille devant sa Grace et on se tait.

 

- Kate Bush : Hounds Of Love (1985)

        1985. Le cœur du Trou Noir des années 80. Cure atteint la notoriété en baissant sa culotte, Madonna cumule les places dans les charts, les Clash sont morts et enterrés dans la fosse commune, la musique électronique ne se remet pas de l'endormissement de Kraftwerk, les tops sont dominés par la pop à base de boîte à rythme et de synthés à bretelles et par le hard rock lourdaud, une génération entière de petits étudiants s'apprête à noyer son désespoir légitime dans les bras des Smiths et de New Order, mais il reste encore de beaux jours aux imitateurs de Frankie Goes To Hollywood, de Queen et de la Ciccone. Au milieu de ce marasme va se glisser, avec un succès commercial imprévisible, l'une des perles les plus sous-estimées et les plus oubliées des 80's. Cette perle c'est Kate Bush, déjà connue pour un sublime premier album (The Kick Inside) et une poignée de jolies choses ayant reçues un bon accueil public et critique. 1985 est l'année Kate Bush. Au moment où les tops croulent sous les horreurs et que commence la dictature de la Madonne, Kate Bush impose au sommet des charts le grandiose Running Up That Hill, profession de foi d'une chanteuse passionnante. Running Up That Hill utilise tous les affreux instruments de son temps (batterie bourrée d'écho, synthés fauchés...) mais de façon totalement inattendue. La batterie résonne avec menace comme sur Pornography de Cure, les synthés deviennent effrayants et au-dessus du chaos règne la voix passionnée de Kate Bush et ses paroles poétiques. Secondé par un clip de toute beauté, Running Up That Hill est l'une des plus belles chansons des années 80. Elle ouvre l'album Hounds Of Love et la suite ne déçoit pas, bien au contraire, au fil d'un disque concept ambitieux et délicat. Imprévisible, parfois effrayant (Under Ice, Waking The Witch), mystérieux (Hello Earth), romantique, intelligent, enthousiasmant, original, et la liste des adjectifs pourrait s'allonger à l'infini. En particulier pour qualifier la seconde moitié du disque, où s'entremêlent folklore, production démente, chœurs liturgiques, murmures et silences, violence et émotion. Cet album, on vous l'a caché, c'est l'un des plus grands trésors des années 80. On vous a menti au sujet de cette décennie "pestiférée", entre London Calling et Surfer Rosa, il s'est passé plein de choses et pas que des choses vaguement underground ou gentiment cultes, non, au sommet des ventes, il y avait aussi des diamants noirs. Kate Bush, dont on peut aussi conseiller haut et fort le Sensual World, mérite sans l'ombre d'un doute sa place dans la discothèque idéale. A noter que dans les remerciements de Hounds Of Love, Kate cite Terry Gilliam. Et oui, car en 1985, c'est bien la même Kate Bush qui nous chantait "Brazil" dans le chef-d'oeuvre du même nom. Je ne sais pas quoi ajouter pour convaincre les plus réticents, dont je me tais et je le remets dans la platine.

PS : Achetez aussi impérativement The Kick Inside (pour Moving, The Man With The Child In His Eyes, Wuthering Heights et la chanson titre) ainsi que The Dreaming (pour l'ensemble de l'album, expérimental et indescriptible). Merci de votre attention.

 

 

- John Cale : Paris 1919 (1973)

        On oublie un peu trop souvent que le plus beau disque jamais délivré par un ex-Velvet Underground, c'est celui-ci. On oublie aussi assez souvent que John Cale, s'il n'a que co-écrit Sunday Morning, a par contre été le plus sympathiquement actif une fois le cirque largué. Producteur inspiré pour/par plein de monde (de Nico à Siouxsie, tiens, donc...) et artiste solo prêt à faire tout et n'importe quoi. S'il peut se vanter d'avoir largement participé à l'une des poignées de disques les plus importants du siècle (le Velvet du début jusqu'à White Light White Heat), John Cale a aussi composé, chanté (mais pas produit... hé hé hé, j'y reviendrais) l'un des 10 plus beaux albums des années 70 (une broutille, quoi), contenant l'une des 10 plus belles chansons des années 70 (Paris 1919, trois fois rien, quoi). Dans ce disque : 9 chansons courtes, magiques, sublimes, dans tous les styles (dont un rock violent avec Macbeth...). La bande son d'un univers "décadent", délicieux, poétique, unique, intemporel. Derrière les manettes, il y a le fameux Chris Thomas, toujours sur les bons coups, c'est bien connu. Paris 1919 est une certaine idée de l'album parfait et il est toujours aussi troublant de le réécouter aujourd'hui car il n'a pas pris l'ombre d'une ride (à l'inverse des œuvres d'un certain Lou Reed, ah zut, ça y est, on l'a dit...). Ah oui, mais attention, chez Lou Reed, y a des chef-d'œuvres aussi. De Berlin (dont la fameuse super-production a plutôt joué en sa défaveur avec le temps) à... hum... Songs For Drella (celui de la réconciliation avec John Cale...). Mais, il n'y a rien d'aussi délicat, d'aussi "musical" que Paris 1919. Lou Reed se complaît dans son personnage trash qui raconte des histoires trash, John Cale a depuis longtemps dépassé ce stade. Paris 1919 est un Chef-d'Oeuvre et l'un des quelques vrais indispensables de cette discothèque idéale (fichtre ! j'ai vendu le morceau !)

 

- The Cardigans : Gran Turismo (1998)

    On se méfie souvent (et à juste raison) de la pop music qui vient du Nord. Ces gens ont définitivement été traumatisés par le succès monstrueux de Abba. Depuis la disparition du rouleau compresseur suédois, bon nombre de groupes pop ont essayé de reprendre le flambeau avec plus (Aqua) ou moins (Ace Of Base, Steps) de bonheur. Les premiers albums des gentils suédois des Cardigans tentaient un panaché entre la sucrerie d'Abba et la pop anglaise 60's. Avec une réussite des plus aléatoires. Pour un album vraiment sympathique comme Life (avec au programme les merveilleux Carnival et Rise and Shine) directement issu d'un épisode des Avengers, on devait subir la séquelle inutile, First Band On The Moon, dans lequel la voix de Nina Persson, toujours à la limite de l'horripilant, n'arrivait pas à nous faire digérer l'affreux Lovefool. Mais il ne fallait pas désespérer. Les réelles qualités mélodiques découvertes dans les premiers essais du groupe, n'était pas de simples coups de chance. Avec ce Gran Turismo dont on n'attendait pas grand chose, la bande à Nina transporte ses influences 60's du côté obscur de la pop. L'effet est surprenant et vient à la fois donner une âme à leur musique et aérer les fonds de placard où dort le trip-hop. Pour preuve, le divin Paralyzed qui ouvre l'album. On a la fois les brumes des forêts du cercle arctique et la voix enfin sublime de Nina Persson. Entre légèreté à la Hooverphonic et ruptures brutales héritées de Massive Attack, les Cardigans plonge la plus pop des pops dans le bain d'acide. Le résultat est carrément fabuleux, dopé par une production qui n'est pas sans rappeler le travail de Badalamenti pour Julee Cruise et Marianne Faithful. Et ce n'est pas tout, car aux "love me, love me" du précédent album, répondent des textes de toute beauté, démonstration : "This is where your sanity gives in and love begins Never lose your grip don't trip don't fall you'll lose it all The sweetest way to die". C'est tout simple, dans Gran Turismo ce sont toujours des chansons d'amour, comme au bon vieux temps, mais des chansons d'amour "adultes". Après l'excellent single Erase/Rewind, l'étonnant Explode offre une bonne claque à la déprime adolescente (nouvel exemple : "It's a shame what they do to us all, can we do anything for you now ?"). A l'image de la superbe pochette, le disque joue sur les clairs-obscurs, entre le blanc le plus pur et les ombres. Aube ou crépuscule, le disque avance effectivement au cœur des nuages avec une grâce qui ne cesse jamais de surprendre. Et il n'y a vraiment rien à jeter. Pas une seule chanson ne serait-ce que "faible". D'autres preuves ? L'hallucinant Hanging Around, dont l'alchimie tient du miracle, rarement on a vu ténèbres aussi lumineuses. Comme je n'ai pas la place de faire un sort digne à toutes les chansons, je prends encore la peine de dire que My Favourite Game était le meilleur single de l'année 98 (à la droite du This Is Hardcore de Pulp), que l'on se demande encore comment un groupe, qui se prenait encore pour Abba il n'y a pas si longtemps, a pu délivrer une chanson comme Do You Believe. Et on atterrit en douceur sur Junk Of The Hearts (aller, un dernier tour de lyrics pour la route : "I've given all of me and you crave for more Weird how this makes us feel insecure that's what friends are for"). Et tout cela dans une débauche mélodique jamais prise en défaut. Encore un disque que j'avais un peu trop vite écouté au moment de sa sortie et qui a gagné lentement mais surement une place d'honneur dans la discothèque idéale. C'est très bête à dire, mais il le faut : achetez cet album !

 

- Bran Van 3000 : Glee(1998)

       Améliorant la potion magique de notre ami Beck, le collectif Bran Van 3000 explose les étiquettes et délivre ce qui restera comme l'album le plus réjouissant de l'année 98. Boosté par un tube hénaurme et sublime, Drinking In L.A., Glee est un disque qui déborde d'idées, de mélodies, d'humour, de petits refrains irrésistibles, de perles hip-hop post-moderne et surtout d'une énergie qui ne faiblit pas une seule seconde au fil des 19 morceaux. Pas de problème, on en aurait bien pris pour un double album roseu. Voilà un disque qui ne payait pas de mine, qui m'a impressionné lors des premières écoutes mais qui m'a littéralement achevé sur la durée ; plus d'un an plus tard, Glee revient encore souvent sur la platine. Et je ne suis pas près de me lasser de Problems (in tha face), de Forest (brillant), de Rainshine (incroyable), de Cum On Feel The Noise (enthousiasmant), de Exactly Like Me (délicieux), de Everywhere (adorable), de Old School (formidable), de Willard (merveilleux), de Supermodel (superbe), de Mama Don't Smoke (divin)... Voilà, rien à jeter, Glee est LA bande son, fourre-tout et incroyablement digeste, d'une fin de millénaire optimiste. Un anti-dépresseur miraculeux pour tous et toutes.

 

- Leonard Cohen : Songs of Leonard Cohen (1968)

        De la carrière musicale inégale de Leonard Cohen, le premier album se dégage avec une force qui surprend toujours autant. Contrairement à ses oeuvres plus récents telles que The Future ou I'm Your Man, la musique ne dessert pas du tout les textes, au contraire, elle renforce leur poésie, leur mélancolie, leur intelligence, leur vérité coupante comme un rasoir. Les dix chansons du disque sont des classiques. Et au moins la moitié d'entre elles sont des chefs-d'oeuvre absolus. La délicatesse de Suzanne, la puissance de Master Song, la grâce de Winter Lady, la perfection du sublime The Stranger Song, la tristesse nuancée de Hey, That's No Way To Say Goodbye, la conclusion bouleversante de One Of Us Cannot Be Wrong, chaque instant de cet album flirte avec le génie. Bien sûr, la plus grande force de Leonard Cohen, ce sont les textes, d'une qualité littéraire unique. Mais sur cet album, l'adéquation entre la voix grave, parfois dure, souvent mélancolique de Cohen et les arrangements complexes mais discrets, qui feront penser par exemple à Nick Drake ; cette adéquation n'est jamais prise en défaut. Et surtout, ce que nous raconte Leonard Cohen ne peut que nous toucher en plein coeur. Ce premier album est un disque de changements, de choix, de remises en question. C'est un album errant, incertain, tourmenté et pourtant très abordable, follement délicat. Un classique totalement indispensable.

 

- Julee Cruise : Floating Into The Night (1989)

        Musique d'Angelo Badalamenti, textes de David Lynch, la plupart des chansons de Twin Peaks sont présentes. Un album unique et magique, qui semble flotter en apesanteur comme la voix hallucinante de Julee Cruise. Le disque parfait lorsque la nuit tombe, le bruissement du crépuscule résonne sur des Merveilles telles que Mysteries of Love (de Blue Velvet) ou Into The Night. Et les lumineux Falling et The Nightingale ne sont que les derniers feux du soleil couchant. Et le Divin The World Spins conclut ce disque parfait sur une ultime note de douceur ténèbreuse. Tétanisant de beauté et de riche délicatesse.

 

- Julee Cruise : The Voice Of Love(1992)

        Musique d'Angelo Badalamenti, textes de David Lynch. Si Floating Into The Night était la voix des ténèbres, cette voix de l'amour est celle de l'incendie et de ses conséquences. Les quatre premiers morceaux de l'album ne sont pas au niveau de l'album précédent, la sur-production de Badalamenti les uniformisant dans une étrange alégresse éthérée. Mais le fabuleux Up In Flames annonce la seconde moitié du disque qui, elle, est imprévisible et magique. Le Sublime Until The End Of The World est sans aucun doute l'une des plus belles chansons du monde et justifie à lui seul l'achat de cet album fascinant. Sans parler des versions chantées de deux des thèmes principaux de Fire Walk With Me, le chef-d'oeuvre de David Lynch. Et la présence de Questions In The World Of Blue qui tirerait des larmes à une statue.

 

- DAF : Alles Ist Gut(1981)

        Deutsch Amerikanishe Freundschaft, dit DAF, est un boys band de l'enfer. Les deux allemands, Gabi Delgado Lopez et Robert Görl se dirent, au début des années 80, que le succès de Kraftwerk était bien intéressant et qu'il y avait un filon à exploiter avec ces merveilleux synthétiseurs et autres boites à rythmes. DAF voulait, sans doute, comme Suicide, faire du disco. Ils ont juste réussi à populariser l'electro, le côté obscure de la dance. Résultat : un disque effrayant, assez proche du premier Suicide mais avec le son froid de Kraftwerk. Certes la voix de Gabi rappelle très souvent celle d'Alan Vega mais DAF a quelque chose d'unique. Pas uniquement la langue allemande, dure et coupante, pas seulement l'attirance pour les dancefloors malsains, non, DAF possède un sens de l'envoûtement qui marque, qui choque, qui enthousiasme. Sur Alles Ist Gut, il n'y a que des tubes. Le génial Der Mussolini, bien sûr, mais aussi Sato-Sato, Der Räuber Und Der Prinz, Alle Gegen Alle, Alles Ist Gut. Des tubes d'un autre monde, perdus au milieu de trucs vraiment effroyables à l'image de Rote Lippen et Ich Und Die Wirklichkeit. DAF avec ses sons antédiluviens et ses airs de Suicide germanique, fait encore aujourd'hui passer Rammstein pour la Bande à Basile. Grand groupe, grand disque (récemment remasterisé, pour vraiment avoir l'impression d'être aux portes de l'Enfer). La preuve, pour la tournée 99 des Creatures, c'est cet album qui est diffusé pour faire patienter le public.

 

- Nick Drake : Five Leaves Left

        Il paraîtrait très bête de vous dire que c'est le plus beau disque du monde (hors musique classique, bien sûr). Oui, cela semblerait bien bête. Pourtant c'est ce que je crois. Depuis la toute première écoute, Five Leaves Left est l'album qui m'a le plus touché dès le début, dès les premières minutes. Tout chez Nick Drake fait frissonner le coeur et l'âme. Sa voix, grave et douce en même temps, toujours un peu triste. Ses paroles, mélancoliques, poétiques au sens le plus noble du terme, errantes, émouvantes. Sa musique, d'une maturité folle, d'une grâce déchirante que pas même un Jeff Buckley n'a pu approcher. Et il y a la tragédie qui couve sous la surface faussement calme de ses perles mélodiques. La mort précoce, cruelle, injuste, après un dernier Pink Moon sublime. Mais ce Five Leaves Left demeure très certainement le plus abouti, le plus bouleversant des premiers albums. On ne cesse de se questionner. Quel magicien, quel être fantastique avait pu donner à cet homme l'inspiration nécessaire pour écrire une chanson comme Day Is Done ?

 

 

- Ian Dury & The Blockheads : New Boots and Panties

        Du regretté Ian Dury, il est un peu outrageant de conseiller une compilation, mais en même temps, c'est bien là le minimum vital pour découvrir et adorer ce génial compositeur de perles pop comiques et déjantées. Entre l'immortel hymne Sex & Drugs & Rock'n'Roll qui rebondit dans tous les coins comme une superballe et des délires aussi irrésistibles que I Want To Be Straight, Hit Me With Your Rythm Stick ou Dance of the Crackpots, tout est génial, tout est à reprendre en chœur. Chaque chanson de Ian Dury commence de manière fort classique, on a même un peu peur, à l'écoute des instruments fort datés bien souvent, de tomber sur une vilaine rengaine des années 80. Mais nous sommes là à des années lumières de Sting ou de Phil Collins. Il suffit de croiser une seule fois dans son existence le monstrueux Fucking Ada ou le pas bien dans sa caboche There Ain't Half Been Some Clever Bastards, pour réaliser que le génie de Ian Dury ne ressemblait à aucun autre. Entre gags, mélodies parfaites, gimmicks affolants et percées sonores étonnantes, la musique de Ian Dury est l'une des plus adorables, dingues et indispensables qui soient. Une bande son du bonheur absolu. Tout ceci en complément de l'album phare, New Boots and Panties, cela va de soi.

 
 
 
 
 
 
 
 
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