N'y allons pas par quatre chemins : les Pixies sont le plus grand groupe du monde (enfin "étaient"). La lutte fut rude avec The Clash et le Velvet Underground, mais finalement la bande de losers magnifiques de Black Francis ne peut que recueillir tous les suffrages. La méthode est simple et diaboliquement efficace : énergie, mélodie, originalité, efficacité, violence, humour, magie.... Il y avait tout cela chez les Pixies. Tout ce que l'on demande à un groupe de Rock, quoi. Pour sûr Black Francis et ses petits camarades manquaient de révolte adolescente, de haine de la société, les textes du gros Charles étant de curieuses poésies surréalistes. Mais cela n'avait aucune importance. Les Pixies ont ressuscité une musique qui commençait à sentir le cimetière. En quatre disques ils ont tout changé, tout réinventé et sont partis à la sauvette vers le monde des groupes cultes. Depuis le Rock ne sait plus trop où il en est, le nez collé contre le rétroviseur.

Je vais faire simple : une discographie commentée, ce qui est le mieux pour insister sur le plus important : la musique. Parce que la carrière du groupe en elle-même n'est pas des plus passionnantes, et le charisme de ses membres n'est pas le point fort des "Lutins".

Pourtant il faut en causer de ces membres. Bien sûr l'Ogre, celui qui bouffe la vedette à tous les autres, celui qui  fait tout, qui gueule plus fort que n'importe qui (et qui chante aussi mieux que n'importe qui), celui qui a l'ego plus gros que le ventre, c'est Black Francis, alias Frank Black, alias (pour de vrai) Charles Thompson. Mégalomaniaque et surtout beauf américain intégral, Charles Thompson aime les longues virées en bagnoles sur les routes de Californie, les films de Jim Carrey période prout-prout, la bouffe, les OVNI, l'ésotérisme de bazar en général, la bouffe, les films de David Lynch, la bouffe, les Ramones, les Buzzcocks, la bouffe, les Talking Heads, la bouffe, les Beach Boys, les Kinks, la bouffe, Husker Dü, la bouffe, la bouffe et la bouffe. Charles Thompson est un auteur/compositeur/interprête exceptionnel, très intelligent et s'amusant beaucoup à jouer les gros lourds. Il est imprévisible et un peu dingue, on l'adore.

Joey Santiago c'est le fameux "son" des Pixies. Un guitariste transparent qui n'a rien mais alors rien d'un guitar hero. Le plus hallucinant c'est que son jeu de guitare est extrêmement simple. Ses interventions au sein des morceaux de Black Francis se limitant bien souvent à une simple note (!) ou à deux-trois accords suffisamment percutants et génialement disposés qu'ils suffisent à marquer l'auditeur. Joey Santiago ne fait presque rien mais il le fait divinement bien !    

Kim Deal, la nemesis de Black Francis. Elle est déjà une vieille routière lorsqu'elle rejoint les Pixies sous le nom de Mrs John Murphy (elle a 26 ans, une grand-mère par rapport à Charles). Une bassiste loin d'être une pro (5 ans après la formation du groupe elle égrenne encore un nombre incalculable de fausses notes durant les lives), mais elle a de l'ambition. Mais Black Francis ne la laissera quasiment jamais s'exprimer. Une poignée de morceau signées ou cosignées Kim Deal, quelques chœurs tendant à se raréfier avec le temps. Le clash entre Kim et Charles était prévisible.

Et David Lovering, le batteur le plus fantomatique de l'histoire du Rock'n'Roll. Il est pourtant primordial dans la réussite du "son" Pixies. En tout cas il semble toujours être le plus motivé et le plus énergique.    

Un groupe loin d'être de rêve en théorie. Et en pratique ce fut un groupe d'apothéose, inconcevable sur le papier et miraculeux dans les faits. Que ce soit sur disques ou en live, les Pixies allaient révolutionner l'histoire de la musique et s'imposer comme le groupe le plus originalement dynamique et mélodique depuis... The Clash, au moins...


        Une discographie commentée s'impose donc, de toute façon absolument tout ce qui a été enregistré sous le nom des Pixies est rigoureusement indispensable à toute discothèque digne de ce nom.


Come On Pilgrim & Surfer Rosa

COME ON PILGRIM - mini lp - (1987)

        Le premier mini-lp des Pixies. Produit par Gary Smith et réédité sous la forme d'un seul CD avec Surfer Rosa. Toute la magie des Pixies est déjà là. Dès ce fameux premier morceau, Vamos, un délire hispanisant partant dans tous les sens, d'une inventivité à toute épreuve. Les classiques s'enchaînent sans un seul temps mort, sans une seule baisse de rythme, sans une seule faiblesse. Certes le tout semble enregistré dans un garage mais finalement c'est encore mieux ainsi. Réécouter en 1999 des chansons PARFAITES telles que Caribou (ooooouuuuuu), Ed is Dead ou Levitate Me c'est se rendre bien compte que l'on n'a pas fait mieux depuis. Avec ces morceaux d'une incroyable beauté et d'une phénoménale énergie, Black Francis ouvre peu à peu les porte d'une musique à la fois mélodique, effrayante, onirique, sublime. Une musique qui suit un chemin tortueux mais inexorable qui ne pouvait amener que l'apogée de Trompe Le Monde, dès Caribou et Levitate Me on entend les brouillons de Alec Eiffel et Subbacultcha.

- Caribou

- Vamos

- Isla de Encanta

- Ed is Dead

- The Holiday Song

- Nimrod's Son

- I've Been Tired

- Levitate Me

 

SURFER ROSA - lp - (1988)

    Le premier véritable album, la révélation du groupe qui allait sauver les 80's de la débâcle totale. Monstrueusement produit par un Steve Albini survolté, Surfer Rosa est le coup de pied dans le fondement du Rock moribond. La fusion improbable entre la pop la plus mélodique, le hardcore le plus dur, le rock le plus classique, des textes surréalistes et une inventivité sans égale. On cherche encore à comprendre de quel cerveau définitivement dérangé ont pu sortir des merveilles telles que Broken Face, River Euphrates ou Where Is My Mind ? (justement). Un album branché sur le 2000 volts (Something Against You) et planant comme c'est pas permis (Where is my Mind ?). Un véritable monstre qui n'est en fait que les prémisses de ce qui va suivre. Car passé le choc de Surfer Rosa, Charles Thompson allait affiner son écriture (du moins son écriture musicale...) pour aller taquiner encore plus haut les étoiles. Les paroles sont phénoménales, en particulier l'hallucinant Cactus, une mirifique chanson romantique et torturée. Sur Surfer Rosa le frisson pixisien se fait omniprésent, presque tous les morceaux touchent l'auditeur avec une force étrange. L'écriture de Black Francis est magique, c'est indéniable.

- Bone Machine

- Break My Body

- Something Against You

- Broken Face

- Gigantic

- River Euphrates

- Where Is My Mind ?

- Cactus

- Tony's Theme

- Oh My Golly !

- Vamos

- I'm Amazed

- Brick Is Red

GIGANTIC - ep - (1988)

    Paradoxalement c'est le seul morceau signé par Kim Deal sur Surfer Rosa qui fut le premier single des Pixies. La chanson est très correcte (le refrain est à hurler de rire ou à pleurer comme le bébé sur la fameuse pochette), mais le deuxième morceau lui aussi tiré de Surfer Rosa, le phénoménal River Euphrates vole complétement la vedette au "big big love". Les deux titres suivants sont des lives de factures exceptionnelles, un Vamos survolté et surtout un In Heaven (reprise de la chanson de la Dame Dans le Radiateur d'Eraserhead de David Lynch) totalement tétanisant. Magnifique.

- Gigantic

- River Euphrates

- Vamos (live)

- In Heaven (Lady In The Radiator Song) (live)

 


Doolittle

MONKEY GONE TO HEAVEN - ep - (1989) 

La chanson la plus connue des Pixies est véritablement un des plus grands classiques des années 80. Les 3 inédits sont du même niveau, évidemment. En particulier Manta Ray et sa variation frappadingue Dancing The Manta Ray, deux perles absolues. Weird At My School est la face B typique des Pixies, nerveuse, zarbi, irrésistible.

- Monkey Gone To Heaven

- Manta Ray

- Weird At My School

- Dancing The Manta Ray

DOOLITTLE - lp - (1989)

        L'album le plus connu du groupe et aussi considéré comme le plus représentatif (voire le meilleur, affirmation avec laquelle je ne suis pas tout à fait d'accord). Et effectivement Doolittle est LE manifeste de la magie Pixies. Rien à jeter, tout est parfait, historique, légendaire, accrocheur dès la première écoute et c'est sans doute l'un des albums les plus importants du siècle. Il n'y a pas deux chansons pareilles sur ce disque. Tout y est original, délirant, merveilleux. C'est un peu le Fire Walk With Me du rock moderne, une oeuvre inclassable qui ne ressemble à aucune autre, inimitable et à jamais unique. Debaser débute les hostilités en entraînant littéralement l'auditeur dans la dimension Black Francisienne. Jamais la cohésion du groupe n'a été aussi importante. Kim Deal décoche des intros de basse incroyables tout en assurant des chœurs mythiques, Joey Santiago affirme LE son et en donne les plus beaux moments, David Lovering assure sa rythmique avec génie (si si !) et bien sûr Black Francis domine tout son petit monde avec sa (ses ?) voix hallucinante. Tout est tétanisant. Tame c'est le summum du hardcore copulant avec une comptine, 2 minutes de génie pur. Wave Of Mutilation c'est le post-surf rock et cela vaut bien toute la discographie des Beatles. I Bleed c'est le son de l'enfer, c'est le fameux frisson/souffle de la magie Black Francis. Here Comes Your Man c'est le meilleur morceau folk depuis la mort de Dylan. Dead c'est... foulala... comment qualifier Dead ? C'est une terrible "chanson" d'un autre monde. Monkey Gone To Heaven c'est LE tube. Mr Grieves c'est dynamitant et Crackity Jones c'est pogotant à s'en décoller les semelles. La La Love You c'est... oh diantre ! c'est DIVIN !!! Number 13 Baby c'est Lennonien. There Goes My Gun c'est hypnotisant. Hey c'est irrésistible et perturbant. Silver c'est fascinant, gothique, révolutionnaire, unique. Gouge Away c'est déjà la fin et on en aurait bien pris pour un double noir. Bref c'est un des albums qu'il faut posséder absolument si l'on prétend connaître quelque chose en matière de musique.

- Debaser

- Tame

- Wave Of Mutilation

- I Bleed

- Here Comes Your Man

- Dead

- Monkey Gone To Heaven

- Mr. Grieves

- Crackity Jones

- La La Love You

- Number 13 Baby

- There Goes My Gun

- Hey

- Silver

- Gouge Away

HERE COMES YOUR MAN - ep - (1989)

Phénoménal single pour la divine chanson Here Comes Your Man. Outre le fier Pitbull de la pochette, ce maxi contient 3 pures perles inédites. Une réinterprétation magistrale de Wave Of Mutilation (une version plus belle que l'originale). Le clouant Into The White (même si Kim Deal chante, le morceau est bien de Black Francis), cette chanson fantastique trouve sa pleine mesure en live, en particulier lors du final apocalyptique. Bailey's Walk est un folie agressive et complexe qui parachève ce ep comme toujours indispensable.

- Here Comes Your Man

- Wave Of Mutilation (UK Surf)

- Into The White

- Bailey's Walk


Bossanova

VELOURIA - ep - (1990)

Le premier extrait de Bossanova est une balade de folie pure franchement merveilleuse (ah ! le clip !). Les inédits dégagent juste comme il faut. En particulier Make Believe chanté par David Lovering, tout d'un standard. Sur I've Been Waiting For You c'est Kim Deal qui s'y colle avec panache, c'est bô. The Thing est une variation sur Down To The Well, mignon tout plein.

- Velouria

- Make Believe

- I've Been Waiting For You

- The Thing

BOSSANOVA - lp - (1990)

        Peut-être le plus mal aimé des albums du groupe. Le plus nuancé en tout cas, un album en clair obscur à l'image des morceaux qui l'achèvent, l'entétant Stormy Weather et le délicat Havalina. Avec le recul Bossanova est le digne successeur de Doolittle. Certes il n'en posséde pas l'originalité et il n'a pas l'énergie destructrice et l'iréalité totale de Trompe Le Monde, mais néanmoins Bossanova regorge de chansons hallucinantes et reste merveilleux à écouter à la tombée de la nuit les soirs d'été (juste après un ptit Blondie et juste avant un KLF, quoi). Non, je voudrais être bien clair, si Bossanova n'est pas aussi révolutionnaire en apparence que Doolittle et s'il est moins parfait que son successeur, c'est un album qui dégage une telle magie qu'il est plus qu'indispensable ; c'est l'un des 20 meilleurs disques du siècle, ce n'est pas rien ! Cecilia Ann (une reprise il est vrai mais quand même) est le surf rock tel qu'on le rêve, un morceau d'une efficacité proverbiale. Rock Music est l'indispensable électrochoc pour accrocher l'attention de l'auditeur avant LE tube de l'album, le dantesque Velouria, balade fracassée dopée par un riff historique. Ce riff monstrueux et très heavy qui débarque dans les conduits auditifs avant de s'envoler "through the roof" et vers les étoiles, le souffle pixisien dans tout sa splendeur. Si Allison est une boule d'énergie sonique typiquement Pixiesienne, Is She Weird est peut-être le chef-d'oeuvre de Bossanova. Tout ce qui a fait des Pixies le plus grand groupe du monde est contenu dans ce morceau fascinant, unique, qui ne ressemble à rien (sauf aux Pixies, bien sûr !). 10 chansons en une seule, la lumière et les ténèbres, l'évidence et la complexité, la perfection. Ana est primordial dans l'ambiance "coucher de soleil" de Bossanova. All Over The World est une longue chanson torturée (comme toutes les longues chansons de Charles Thompson). Dig For Fire est du pixies pur jus, presque trop "classique". Down To The Well annonce la série de chansons formidables qui précède la fin du disque, accrochez vous à votre siège. The Happening est l'autre immense chef-d'oeuvre du disque (mais j'oublie Velouria, là). Deux sublimes chansons pour le prix d'une. La seconde moitié du morceau est tellement magnifique qu'elle échappe à tous les qualificatifs, les paroles sont proches du génie (oui ça parle des E.T.s qui débarquent, et alors ? C'est sublimissime). Blown Away n'est pas très loin de ce niveau, textes faramineux, magie palpable, le genre de chanson directement branché sur l'inconscient de son créateur et de son auditeur. Hang Wire est clouant. Stormy Weather est hypnotique et Havalina est l'une des plus belles chansons du monde, le soir tombe, le ciel s'embrase, les vagues roulent doucement sur la plage, quelques nuages fondent avec l'horizon ensanglanté, la mélodie d'Havalina file avec la brise du crépuscule... Cet album, dans lequel la production de Gil Norton n'a jamais été aussi fine et riche, est une oeuvre d'art bouleversante qui annonce le définitif Trompe Le Monde avec un panache traumatisant.

- Cecilia Ann

- Rock Music

- Velouria

- Allison

- Is She Weird

- Ana

- All Over The World

- Dig For Fire

- Down To The Well

- The Happening

- Blown Away

- Hang Wire

- Stormy Weather

- Havalina

DIG FOR FIRE - ep - (1990)

Dig For Fire n'est pas la chanson la plus évidente de Bossanova mais elle fait finalement un single de toute beauté. Velvety Instrumental Version est un bon petit instrumental (comme son nom l'indique), du remplissage qui n'en est pas. La reprise de Winterlong de Neil Young est purement divine, un peu dans la même veine que le fameux I Can't Forget de Leonard Cohen. Santo est un bon morceau doté d'un grand refrain (comme quoi Kim Deal n'était pas qu'un porte-manteaux de luxe).

- Dig For Fire

- Velvety Instrumental Version

- Winterlong

- Santo

 


Trompe Le Monde

PLANET OF SOUND - ep - (1991)

Premier extrait du chef-d'oeuvre du groupe, ce maxi est ce que Black Francis a produit de plus génialement hilarant. Planet Of Sound est une merveille mais les face B lui vole la vedette. Theme From Narc est un instrumental d'une efficacité redoutable, inspiré d'une musique de jeu vidéo. Build High est une dinguerie totale façon country. Et Evil Hearted You est une reprise incroyable dans un espagnol décalqué de la tête.

- Planet Of Sound

- Theme From Narc

- Build High

- Evil Hearted You

TROMPE LE MONDE - lp - (1991)    textes

Le meilleur album du siècle, un point c'est tout. Bien sûr c'est très subjectif de prétendre que Trompe Le Monde est le meilleur album du plus grand groupe de tous les temps. Et je sais que ce point de vue est loin de faire l'unanimité. Et pourtant ! Pourtant l'adieu des Pixies est ce que j'ai entendu de plus enthousiasmant, de plus dynamique, de plus tétanisant. En tout cas c'est le plus parfait des albums des Pixies. Rien à jeter. C'est l'apothéose. La production de Gil Norton n'a jamais été aussi métallique, tranchante comme un rasoir multi-lames car oeuvrant aussi bien dans le cisaillement auditif de U-Mass que dans les méandres de Subbacultcha. Eric Drew Feldman (un ex de Captain Beefheart, carrément ! les grands malades se rencontrent toujours) vient apporter ses harmonies délivrées sur un vieux clavier détonnant, c'est tout simplement divin (cf Bird Dream). Certes la rupture Black/Deal est déjà là et la brave Kim ne fait plus qu'une lointaine figuration, certes Joey Santiago nous fait plus du métal que du folk, certes David Lovering n'a jamais tapé aussi fort, certes Black Francis n'a jamais autant pété les plombs et hurlé de manière aussi inhumaine. Mais cet album est l'oeuvre de puissances extra-terrestres, ce n'est plus un disque des Pixies, c'est un disque de Charles Thompson quatrième du nom dominé par son esprit psychiatrique. Pour preuve le titre même de l'album et de la première chanson, Trompe Le Monde (in french in the text), c'est clair, non ?

Et ce disque est trop parfait pour être humain, cela aussi est fort clair. Pour preuve l'inimaginable enchaînement des premiers morceaux de l'album. Sans aucun temps mort, laissant le pôvre auditeur cloué sur son siège, incrédule. Non mais vous avez déjà entendu une plus belle intro que Trompe Le Monde ? Un morceau plus punk que Planet Of Sound ? Une rythmique plus dingue et un final plus magique que celui d'Alec Eiffel ? Hein ? Hein ? Et le break de The Sad Punk ? Il n'est pas à se damner ? Ben si ! Et la reprise de Head On de Jesus and Mary Chain, ce n'est pas le meilleur remake du monde ? Et U-Mass ça vous décolle pas les tympans ? Et Palace Of The Brine ce n'est pas envoutant ? Et Letter To Memphis ce n'est pas LA définition de la chanson parfaite ? Et Bird Dream Of The Olympus Mons ce n'est pas délicatement sublime ? Et Space ce n'est pas l'un des trucs les plus fracassés que l'on puisse musicalement pondre ? (and now I'm gonna sing the Perry Mason theme, la lala la lala...). Et Subbacultcha ce n'est pas un hymne pour fans  de David Lynch ? Et Distance Equals Rate Times Time c'est pas le pogo suprême ? Et Lovely Day ça ne décoiffe pas comme c'est pas permis ? Et Motorway To Roswell ce n'est pas la plus belle chanson du monde ? Et The Navajo Know ce n'est pas la chanson la plus frustrante du monde ? Et oui c'est déjà fini ! Skywalk ! Pour sûr ! Le disque le plus vital du monde de tous les temps de partout. Over and out.

        J'en remets une couche ! Trompe Le Monde est une Oeuvre d'Art qui surpasse tous les autres disques fait avec basse/guitare/batterie. Pourquoi ? Parce qu'il y a quelque chose dans cet album. Quoi ? J'aurais bien du mal à dire ce que c'est. Une chose qui est la somme de tous les créateurs de Trompe Le Monde, il y a Black Francis, avant tout, bien sûr, il y a Gil Norton, primordial, et surtout il y a Eric Drew Feldman qui donne au son Black/Norton, un souffle, une profondeur incroyables. Pour preuve le début de l'album, avec ce morceau inimaginable, Trompe Le Monde. Quand on dit que la musique transporte, et bien, ici, c'est littéral. Trompe Le Monde transporte et c'est vrai pour tout l'album. Planet Of Sound, cela pourrait être un morceau punk/métal très classique, avec riff et tout et tout. Mais il y a ce son unique, des milliers de bruits, de "petites perceptions" qui font comme une vague d'ondes délicieuses et mystérieuses. Sur Alec Eiffel, c'est cette rythmique, terriblement entraînante, on se sent une nouvelle fois porté, et lorsque que Feldman arrive avec son clavier surnaturel pour cette harmonie finale belle à en mourir, on sent toute la chanson glisser comme un rêve d'une richesse surréelle ; comme c'était le cas pour des morceaux comme Velouria, Wave Of Mutilation, Where Is My Mind ou Caribou. The Sad Punk débute comme un terrible morceau hardcore, écoutez bien la guitare de Santiago, c'est magnifique. Et puis vient le break, l'un des moments les plus tétanisants qu'il m'ait été donné d'entendre sur un disque. Toujours cette vague de son qui glisse dans les méandres d'harmonies innombrables. Et la fin toute en douceur est aussitôt relancé par la phénoménale reprise de Head On, une nouvelle fois on est littéralement transporté par la musique. Tout semble couler de source, tout est évident, rien n'accroche. Les accalmies sont suivies de terribles accords de Santiago. "Blow The Stars From The Sky", les paroles sont en osmoses avec la musique, et sur le pont, la batterie de Lovering est telle un rythme cardiaque emballé, Black Francis retrouve alors les accents du génial Candy's Room de Springsteen (l'une de ses grandes références).

U-Mass est incroyable (évidemment), le riff est d'une simplicité évangélique, la batterie rebondit, Black Francis fait dans la litanie, le son de basse est discoïde (!) et lorsque le morceau se lance on est une nouvelle fois entraîné par son ampleur sonique, et là arrive un truc incroyable, au moment où l'on croit la chanson achevée arrive un break terrifiant, la guitare de Santiago couine, Lovering fait son solo, Santiago reprend dans le n'importe quoi, c'est aussi beau que le premier Velvet avec le côté pop de Black Francis en plus. Palace Of The Brine est aussi délicieux qu'une vague sur un océan endormi, la simplicité de la chanson cache des chœurs à se damner et un pouvoir hypnotique effrayant. Ici débarque le fabuleux Letter To Memphis, et si c'était la plus belle chanson des Pixies ? C'est en tout cas l'illustration, toute en génie, de la chanson parfaite. Paroles superbes, mélodie phénoménale et puis toujours cette incroyable production. Letter To Memphis, à classer dans le top des chansons du siècle. Mais ce n'est pas fini, loin de là, car voici qu'arrive Bird Dream Of The Olympus Mons. Black Francis rêve qu'il vole, quelque part dans la région de Twin Peaks. Jamais une chanson n'a donné une telle sensation, Bird Dream fait voler, c'est clair. "Sun shines in the rusty morning", "into the moutain I will fall", c'est beau à se damner, le son est aérien, riche, passionnant et le clavier de Feldman nous emporte loin, très loin de la Terre. Space, ahlala, Space... La définition même de la chanson surréaliste et c'est là que l'on réalise pourquoi Trompe Le Monde est le meilleur album des Pixies. Trompe Le Monde possède le son qui sied à la folie de Black Francis, c'est à la fois heavy, tranchant, froid, tortueux, science fictionnel et incroyablement lointain, irréel, aérien, onirique. Voilà, onirique, c'est le mot. Trompe Le Monde est enveloppé dans un son qui est tel un brouillard onirique, cette distance qui sépare le rêve du réel. C'est tout aussi évident avec le formidable Subbacultcha. Black Francis retrouve les accents de Cactus et Dead pour délivrer sa chanson d'amour définitive. Les paroles sont magnifiques mais c'est surtout l'ambiance qui marque, la richesse de celle-ci transcende son aspect étouffant. Une nouvelle fois la symbiose entre les voix de Black et de Deal donne une chanson perturbante, effrayante, magique. Distance Equals relance l'album juste quand il le fallait. Il y a un souffle épique dans cette punkitude implacable. Lovely Day possède un riff de pur rockabilly, encore une fois la rythmique emporte tout sur son passage et pourtant Black Francis ne perd pas la finesse de son écriture, étonnant, inhumain.

Mais il y a bien plus inhumain que Lovely Day, c'est bien sûr l'inégalable Motorway To Roswell. Le morceau monte progressivement, se lance directement dans les étoiles, le décollage est réussi. "on a holiday..." Les paroles sont sublimissimes. Comme dans The Happening, Black Francis mélange ses obsessions science-fictionnelles avec un lyrisme délicat. En fond, Feldman contribue énormément à la beauté du morceau qui semble se relancer toujours plus haut dans l'espace infini. Les notes au piano de Motorway To Roswell sont si superbes qu'elles en coupent le souffle. Le vaisseau spatial des Pixies s'envole vers Alpha du Centaure, quelques étoiles mélodiques s'échappent de ses réacteurs, la voix de Black Francis s'évapore avec le vent solaire, dans la nuit le tumulte de leur départ s'éteint doucement sur un clavier céleste puis c'est le silence. The Black Francis Knows, oui, Black Francis et ses petits camarades savaient comment voler bien plus haut que les astres. Trompe Le Monde en est l'ultime et sublime démonstration. Sans le moindre temps mort, sans le moindre point faible, toujours plus haut dans les constellations de la perfection, les Pixies nous ont déposé au 7e ciel, nous léguant un testament inépuisable, à écouter en boucle toute une vie pour retrouver les sensations d'un voyage spatial, non, mieux ! Trompe Le Monde est le disque qui donne l'impression d'un rêve de vol au-dessus des montagnes.

Ma page Trompe Le Monde

- Trompe Le Monde

- Planet Of Sound

- Alec Eiffel

- The Sad Punk

- Head On

- U-Mass

- Palace Of The Brine

- Letter To Memphis

- Bird Dream Of The Olympus Mons

- Space (I Believe In)

- Subbacultcha

- Distance Equals Rate Times Time

- Lovely Day

- Motorway To Roswell

- The Navajo Know

ALEC EIFFEL - ep - (1991)

Un seul titre inédit sur ce maxi relativement rare, une version instrumentale du magique Letter To Memphis. Intéressant mais pas vital.

- Alec Eiffel

- Letter To Memphis (instrumental)

- Build High

- Evil Hearted You

HEAD ON - ep - (1991)

L'ultime maxi des Pixies avant la séparation (Black Francis vs le reste du monde) est bien évidemment merveilleux. Non seulement Head On est l'une des meilleures reprises de tous les temps mais les 3 lives sont tout simplement fabuleux, en particulier Planet Of Sound (où Black Francis place sa fameuse dédicace "to those who have been exposed to UFO like I was") et un Tame en rappel d'un concert fabuleux (qui existe en vidéo, enfin pas officiellement mais il existe) où le même Black Francis s'égosille comme jamais. Vital.

- Head On

- U-Mass

- Planet Of Sound (live)

- Tame (live)

- Debaser (live)

 


Death & BBC, B-Sides & Purple Tape

DEATH TO THE PIXIES - compilation + live - (1997)

La compilation est franchement bancale et ne comporte que deux titres du meilleur album des Pixies (Trompe Le Monde) ce qui démontre bien l'inutilité de l'entreprise. Le live est correct sans plus, on lui préférera certains pirates (CDs et surtout vidéos) et aussi le Pixies At The BBC qui reste (avec le maxi de Head On) le meilleur témoignage officiel des Pixies Live. A noter que pour l'occasion on a jugé bon de ressortir des singles des Pixies ne présentant qu'un très petit intérêt.

PIXIES AT THE BBC - live - (1998)

Le Live définitif de l'épopée Pixies. Sorti en mid price dans une certaine indifférence ce disque est aussi indispensable que tous les albums des farfadets. C'est court mais c'est le nirvana. De l'ouverture avec la reprise monstrueuse de Wild Honey Pie, jusqu'à la conclusion avec la reprise encore plus monstrueuse de In Heaven, ces sessions BBC sont tout simplement fabuleuses.

COMPLETE B-SIDES - compilation - (2001)    textes

La seule compilation que l'on puisse concevoir pour un groupe comme les Pixies. Tous les albums sont vitaux et tous les singles aussi. Alors pour la majorité des amateurs, pas vraiment prêts à partir en quête des singles mythiques et à débourser des sommes coquettes, 4AD leur offre ce qui est finalement le 5e album des Pixies. Toutes les faces B (mais pas les raretés, notamment la reprise de I Can't Forget qui n'avait pas été sortie chez 4AD), et c'est sublime, totalement sublime, du niveau des albums, sans l'ombre d'un doute. Bon, je détaille plus haut toutes ces petites choses, mais je ne peux m'empêcher de revenir sur des chefs-d'œuvre tels que Dancing The Manta Ray, la version surf de Wave Of Mutilation, l'apocalyptique Into The White, le grandiose Make Believe, le fou Evil Hearted You et le final sur la version instrumentale de Letter To Memphis. 19 chansons qui valent l'intégrale de tous les autres groupes de la planète. En mid price. Tout le monde, tout le monde ! va acheter ce disque, l'ultime chef-d'œuvre du plus grand groupe de rock du 20e siècle. Et ce n'est vraiment rien de le dire. Et en bonus, deux clips à regarder sur votre petit ordinateur. Alison, très court, forcément, et pas très intéressant (les 4 rigolos perdus au milieu d'un stade désert) et surtout Here Comes Your Man, franchement hilarant et qui permet d'affirmer haut et fort : les clips des Pixies sont des chefs-d'œuvre (aaah, le ralenti de Velouria, le ventilo d'Alec Eiffel...)

- River Euphrates

- Vamos (live)

- In Heaven (live)

- Manta Ray

- Weird At My School

- Dancing The Manta Ray

- Wave Of Mutilation (UK Surf)

- Into The White

- Bailey's Walk

- Make Believe

- I've Been Waiting For You

- The Thing

- Velvety (instrumental version)

- Winterlong

- Santo

- Theme From Narc

- Build High

- Evil Hearted You

- Letter From Memphis (instrumental)

THE PURPLE TAPE - démo - (1987)

        Mythique première démo enregistrée par le groupe avant Come On Pilgrim, The Purple Tape est un fantastique témoignage du génie de Black Francis dans ce qu'il a de plus brut. Et de bizarre. Certaines versions de grands classiques, très différentes de celles que nous connaissons par coeur, valent leur pesant d'or. Ne serait-ce que pour le son, très garage, tout en étant d'une puissance impressionnante. On découvre avec surprise que Build High (encore plus dingue), Down To The Well (quasiment identique à la version Bossanova), Here Comes Your Man (conquérante et funky, presque supérieure à l'originale) et Subbacultcha (troublante, forcément troublante et excellente, avec deux passages coupés de la version de Trompe Le Monde ("we'll have a real fuuuun !")), existaient depuis les débuts des Pixies. Certaines interprétations sont purement jouissives, telle celle de Broken Face ou la bordélique version de I'm Amazed. 

Précisons en conclusion et à destination des non fans : The Purple Tape ne dure que 18 minutes. 

- Broken Face

- Build High

- Rock A My Soul

- Down To The Well

- Break My Body

- I'm Amazed

- Here Comes Your Man

- Subbacultcha

- In Heaven

 


 Wave of Mutilation - The Best Of

WAVE OF MUTILATION - THE BEST OF - (2004)

        Voilà une compilation qui porte fort bien son nom, tant elle surfe sur le "revival" Pixies initié par la BO de Fight Club. Outre le fait qu'il remplace très avantageusement Death to the Pixies, ce disque aura sans doute précipité la reformation du groupe. Le Mythe est mort, vive le Mythe ! Car, bien sûr, tout est sublime sur ce Best Of. Comme toujours Bossanova et Trompe Le Monde sont les parents pauvres (même si, comme vous ls savez, ce sont pour moi les deux chefs-d'oeuvre du groupe). Et comme toujours l'intérêt de la chose est inexistant, car, rappelons-le, la discographie des Pixies se limite à 5 disques (en comptant les B-Sides), tous à prix cassé et rigoureusement indispensables. Et donc, comme pour Death To The Pixies (qui avait le mérite de proposer un live mais une sélection de titres encore plus réduite et discutable), ce Best Of ne s'adresse à personne, à part peut-être aux collégiens et lycéens qui passeront par là pour découvrir le meilleur groupe de rock des 15 dernières années. 

        Pour le choix sinon, pas grand chose à dire. Dans les absences révoltantes et incompréhensibles il y a par exemple Cactus (pourtant revenue à la mode depuis la reprise de Bowie), Levitate Me, I've Been Tired (pourtant entendue dans Incassable), The Happening, Is She Weird, All Over The World et Havalina (les quatre sommets de Bossanova) et puis tout Trompe Le Monde ou presque, en particulier Motorway To Rosswell (que pourtant tout le monde adore). Dans ce qui fait plaisir, la présence de Broken Face, de Hey, de Tame, de Into The White, de Alec Eiffel et de Winterlong. Mais bon, comme je le disais, rien qui ne soit pas présent en mille fois plus sur les albums.

1. Bone Machine
2. Nimrod's Son
3. Holiday Song
4. Caribou
5. Broken Face
6. Gigantic
7. Vamos
8. Hey
9. Monkey Gone to Heaven
10. Debaser
11. Gouge Away
12. Wave of Mutilation
13. Here Comes Your Man
14. Tame
15. Where Is My Mind?
16. Into the White
17. Velouria
18. Allison
19. Dig for Fire
20. U-Mass
21. Alec Eiffel
22. Planet of Sound
23. Winterlong

Pixies - DVD - (2004)

        Attendu comme le Messie, ce DVD accompagnant la sortie du nouveau Best Of et la tournée de reformation du groupe, déçoit quand même beaucoup. En effet, il n'y a pas grand chose d'intéressant à se mettre sous la dent dans cet objet moyennement versatile. La pièce de résistance est soit-disant un concert de 1988, lors de la première tournée européenne du groupe. On peut y découvrir des petits jeunots amusants, en particulière un Black Francis presque mince et plein de cheveux. Si l'énergie est bien présente, le répertoire est encore trop étriqué et tout cela ne vaut pas le monstrueux concert de Londres en 1991, qui reste la référence en matière de restranscription visuelle et sonore des Pixies en concert. Mais on nous répète que ce fameux concert aura droit à une sortie DVD... à part... forcément. Il reste, donc, que tout cela est sympathique et les 15 chansons interprétées (le concert est donc très très court) sont logiquement sublimes. Et cela fait vraiment plaisir de voir le groupe jouer des classiques cultes tels que Levitate Me, Ed Is Dead, Something Against You, In Heaven, Tony's Theme et Wild Honey Pie.

        En fait, l'essentiel de ce DVD, ce sont les clips. Tous présents, forcément. Rappelons-le pour ceux qui ne le sauraient pas, ces bidules font partie des plus fauchés de l'histoire du média. Suivant son degré de fanatisme pixisien, on trouvera tout cela horriblement minable ou totalement génial. A part Monkey Gone To Heaven (trop banal) et Debaser (pas d'époque mais fabriqué au moment de Death To The Pixies et donc trop "sophistiqué"), tout est magnifiquement idiot et réjouissant. On a ainsi droit au Pixies déformés et bouches bées sur le superbe Here Comes Your Man. Au ralenti ultra ralenti dans le clip le plus culte de tous les temps (ou presque), Velouria, qui vaut à lui seul l'achat du DVD (mais bon, venez pas vous plaindre après). L'enchaînement Dig For Fire (les rigolos en cuir et à moto) / Allison (les mêmes au milieu d'un stade désert). Alec Eiffel (et le ventilateur géant). Et enfin Head On (les Pixies découpés et réduits, belle symbolique d'un groupe en pleine explosion en vol).

        En bonus, deux "documentaires". On The Road, avec une demie-heure bien marrante de Pixies en voyage. Et Gouge, un docu élégiaque sur le génie du plus fantastique groupe d'anti rock stars de tous les temps. Pour l'instant je ne suis pas arrivé au bout ni de l'un, ni de l'autre... Mais dans l'ensemble, forcément, à 17 euros, ce DVD est vital.


        Un petit mot sur les covers des Pixies qui circulent ici et là (j'avoue ne pas avoir tenté l'écoute du tribute sorti il y a quelques années). I Bleed par Rise And Fall Of A Decade est l'une des plus réussies, l'orchestration est grandiose, le démarquage est osé sans être une pure traîtrise, c'est excellent, mais la voix de Black Francis manque cruellement. Debaser par Kerbdog ne possède quasiment aucun intérêt, c'est exactement la version originale sans les Pixies, les ptits gars de Kerbdog se sont sans doute fait un gros plaisir mais c'est tout. Manta Ray par Man Or Astroman est aussi extrêmement fidèle à la version originale, juste un peu plus rapide. Tout ce qui ressort de cette reprise c'est que cette face B est une chanson phénoménale. Nettement supérieure est la reprise de Gigantic par Orange, une agréable voix qui nous change de celle de Kim Deal, une orchestration toute en douceur, Gigantic devient une comptine aérienne qu'on jurerait sortie d'un album des voisins de label, les planants Cocteau Twins. La meilleure reprise d'une chanson des Pixies, avec le I Bleed cité plus haut. Where Is My Mind ? par Gosh est une photocopie conforme du morceau originale, à une exception près, les voix, qui donnent à la chose une touche de surréalisme bien venue. Encore une fois la reprise ne sert qu'à confirmer (s'il en était besoin) que l'originale est une merveille. Et j'ai gardé le meilleur pour la fin, l'hilarante et limite géniale parodie des Pixies par Chris Morris, Motherbanger. Tout y est, la basse répétitive, les multiples voix de Black Francis, les interventions limitées de Joey Santiago, les paroles débiles. Une perle. Récemment, c'est le rigolo Liam Lynch qui s'est essayé avec talent à la parodie des Pixies sur son Fake Songs.


Pixies - Ep-1

Ce qui frappe en premier à l'écoute de cet Ep-1 (et de Bagboy, le single qui l'a précédé), c'est la cohérence des Pixies. Le son, toujours secondé par le producteur Gil Norton, est exactement celui qu'on pouvait attendre après Trompe Le Monde. Grandiose, puissant, juste actualisé pour le XXIe siècle. Certes, entre-temps il y a eu la carrière solo de Black Francis, avec ses hauts très hauts et ses bas plutôt bas, et il est impossible de ne pas s'y référer. Il y a aussi eu la reformation besogneuse, sorte de Radio Nostalgie Live pour la génération du rock indépendant. Et il y a eu le départ de Kim Deal, dont on rappelle qu'elle n'a jamais fait grand-chose dans le groupe et qu'elle avait déjà été mise au placard après Doolittle. Si le son est celui qu'on pouvait donc imaginer, les nouvelles compositions sont le fruit de plus de 20 ans d'histoires.

Je ne l'ai jamais caché, les Pixies sont mon groupe de rock favori. Et de ce groupe, c'est Trompe Le Monde qui est mon album préféré, ce qui fait de moi un cas un peu à part. J'ai aussi adoré la majeure partie de l’œuvre de Frank Black, cet autre double fou-fou de Charles Thompson. Mais sur Ep-1, je reconnais sans mal les Pixies, la chose de Black Francis. Les Pixies, mais avec ces 20 années de plus, à la fois toujours prêts à sortir les grosses guitares, mais plus posés. Les fans, amateurs de tombeaux et de musées bien rangés, vont pouvoir s'égosiller à la place du chanteur. Ils voudraient que ce soit toujours Surfer Rosa, toujours Doolittle, mais surtout pas Trompe Le Monde et encore moins ce qui a suivi. Il ne faudrait jamais sortir des années 80 et que tout ressemble à Hey et à Gouge Away.

En niant l'évolution d'un artiste, en niant le plaisir évident que ces Pixies 2.0 ont à créer de nouveau ensemble, lesdits fans ont une réaction des plus prévisibles. Je la comprends sans mal et j'en suis un peu désolé pour eux. Désolé, oui, parce qu'à mes oreilles, le superbe Andro Queen, porté par un Black Francis, qui chante de mieux en mieux, crie « chef-d'oeuvre » à chaque instant. L'écho flottant, les guitares qui ondulent, la mélodie qui caresse, le pont avec l'espagnol baragouiné, c'est du grand Charles Thompson avec juste ce qu'il faut de « fan-service ». Plus classique, Another Toe se laisse porter par l'inimitable basse. De même pour What Goes Boom qui rebondit sur sa vindicte à la fois menaçante et délicieuse. Le sommet de ce disque, en forme de mise en bouche, se nomme Indie Cindy, qui synthétise en moins de cinq minutes (presque) tout ce qu'on aime chez les Pixies. Pas besoin d'analyser, du texte aux ruptures de ton, c'est une madeleine de Proust pour la génération X.

Deux reproches, soyons honnêtes. C'est mignon de sortir des petites choses un peu n'importe comment, sans label, sur le web, hop, sans prévenir. C'est joyeusement bordélique et sans doute dans l'esprit du groupe, d'ailleurs ils vont continuer ainsi. Mais on aimerait bien un album en bonne et due forme. Ou alors ils gardent le meilleur pour la fin, et tout cela n'est effectivement qu'une bande-annonce, ce ne serait pas étonnant. Ensuite, bon, on aimerait un poil de folie supplémentaire, en ce sens, Bagboy était encore plus enthousiasmant que les quatre morceaux de cet Ep. Les chansons sont belles, et probablement plus attachantes (surtout Andro Queen et Indie Cindy), mais il faut aussi équilibrer avec des trucs improbables. Ceci dit cela revient à contredire un peu ce que j'écrivais plus haut. Charles Thompson n'a plus 20 ans, et la musique des Pixies reflète aujourd'hui ses idées et ses envies. Elle demeure unique et le trône du plus grand groupe de rock du monde risque d'être repris par la force, et sans pitié, d'ici peu.


Pixies - Indie Cindy

Dans la critique musicale il y a aussi des injustices qu'on a bien du mal à comprendre. Jugez par vous-mêmes. My Bloody Valentine revient après plus de vingt ans pour sortir un album à peu près identique à leurs oeuvres du début des années 90, la critique s'extasie. Les Pixies reviennent avec un album qui pourrait être la suite logique de Trompe Le Monde et c'est le scandale. Pourtant, au moins, chez les Pixies il y a le signe du temps qui passe. Car Black Francis a intégré à cette renaissance sa riche expérience en solo. Ce sont les Pixies, nul doute à cela, mais relu sous le prisme de Frank Black, et même de Frank Black & The Catholics. Donc, OK, Indie Cindy ferait un excellent album solo de Charles Thompson (oui, je parle du même depuis le début) et donc un bon album des Pixies.

On peut donc se scandaliser de ce fait : jusqu'à Indie Cindy il n'y avait que des chefs-d'œuvre dans la discographie du groupe. C'est sûr, en quatre années d'existence, il n'y a pas vraiment eu la place pour produire du médiocre : créativité maximale en l'espace de 5 disques et d'une poignée de faces B. Cela fait donc un choc d'entendre les Pixies avec 20 ans de plus, donc apaisés, plus débonnaires. C'est que les messieurs, depuis l'éviction de Kim Deal, ont décidé de vivre sur leur réputation, sans trop forcer, mais en assurant le spectacle. Cet album n'est donc pas (seulement) issu de l'appât du gain, on y ressent un vrai plaisir de rejouer ensemble, de s'amuser un peu et même, ici et là, de recréer des chansons suffisamment bizarres pour entrer de plein droit dans le canon du groupe.

Dans le cas de Andro Queen, Indie Cindy, Bagboy ou de Magdalena 318 faire la fine bouche c'est avoir encore plus vieilli que les Pixies. Il n'y a rien de honteux dans ces chansons atmosphériques, mélanges parfaits d'énervement attendu et de poésie rugueuse. Sur le reste de l'album on passe du hard rock efficace (What Goes Boom, Blue Eyed Hexe, Another Toe in the Ocean) aux miniatures plaisantes (Greens and Blues, Ring The Bell, Silver Snail). Rien de honteux même si les éclairs de génie ne sont pas pour autant au rendez-vous, Indie Cindy étant en cela très inférieur à Teenager of the Year ou même à Dog in the Sand et au si méconnu Black Letter Days.

Bref, c'est un bon disque, carré, efficace et même franchement attachant, comme presque toujours avec Charles Thompson. Après qu'on estime être en droit de demander plus à ce qui fut le plus grand groupe de rock de la planète, c'est normal. Mais bon sang, 20 ans plus tard, accueillir de nouvelles chansons, certaines excellentes, c'était inespéré. Profitons donc.

 

 

Concert du 14 juin 2004 au Zénith de Paris

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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