The Web's Worst Page a vu le jour en avril 1998. Britney Spears a enregistré la chanson...Baby One More Time en mai 1998. Si le succès de ce single qui a changé l'histoire de la pop est arrivé en fin d'année et si je n'ai commencé à parler de Britney dans ces pages qu'en 1999, la coïncidence reste notable.

Car coïncidence il y a eu, dans tous les sens du terme, tant les premières années de The Web's Worst Page ont évoqué avec passion les premières années de la carrière de la chanteuse. Il était difficile en ce temps-là pour un jeune post-ado provincial d'assumer un intérêt sérieux pour ce genre de musiques et d'autant plus difficile de revendiquer une certaine affection, autre que purement libidineuse, pour une artiste apparaissant immédiatement comme la proie du monde entier.

L'histoire de Britney, avec ses innombrables moments tragiques et sa fin, pour l'instant, heureuse, est documentée dans le détail ailleurs. Les dernières années ont été le théâtre d'un vaste mea culpa, en particulier de la part de médias qui n'ont cessé de tourmenter la chanteuse quand elle était la plus vulnérable. South Park l'avait fort bien et crûment résumé à l'époque, avec la fonction littéralement "sacrificielle" d'une gamine que la Terre entière semblait vouloir crucifier ou regarder brûler dans l'indifférence plus ou moins goguenarde.

Comme je l'ai dit plus haut, il n'était pas facile au tournant du millénaire pour un hétéro cis provincial d'une vingtaine d'années, entourés de fans de métal, de rap ou de Noir Désir, d'assumer son penchant pour la pop à paillettes, la pure, la vraie, la dure. D'où des textes parfois non dénués de cruauté dans Edwood vs MTV. Mais je l'ai dit, plus ou moins dès le départ, les chansons taillées par Max Martin pour Britney Spears c'était quand même quelque chose.

Certes, la production faisait souvent mal aux oreilles, certes les textes étaient au-delà du problématique, certes la voix de Britney ne se donne pas à tout le monde. Oui, mais quand les chansons étaient vraiment bonnes, rien ne pouvaient les arrêter.

A écouter avec les oreilles d'aujourd'hui, les textes du premier album, en particulier, sont un sacré cauchemar. Il y a ...Baby One More Time, bien sûr, avec sa vraie-fausse ambigüité sur la signification de "hit me". Il y a I Was Born To Make You Happy et même Sometimes, sorte d'hymnes "tradi wife" assez glaçants si on veut bien creuser au-delà des mélodies parfaites.

Ce premier album verse copieusement dans une forme de "teen porn pop" qui donnera immédiatement à Britney l'image de la fausse prude juste bonne à satisfaire les fantasmes des mâles. En marge, bien sûr, les auditeurs attentifs et attentionnés ont déjà repéré autre chose. Une tension qui ne cessera de croître, même et surtout, si Britney n'avait aucun contrôle sur ce qu'on lui faisait chanter.

Les albums suivants font ainsi cohabiter du moulin à fantasmes (I'm a slave 4 U, hein, franchement) et des tentatives d'évasion toujours plus intrigantes (Stronger, I'm not a girl, not yet a woman). Le chef-d'oeuvre de cette première période, c'est évidemment In The Zone, porté par la doublette Toxic (son meilleur "banger") et Everytime (sa meilleure ballade).

J'ai largement documenté cette première période jusqu'au best of qui scinde un peu la carrière de Britney en deux phases (My Prerogative). Et, aléas de l'existence faisant, je suis passé à côté de la suite au moment de sa sortie. Je crois avoir écrit des choses désobligeantes sur les singles de Blackout sans jamais avoir écouté l'album en entier.

C'est donc aussi l'occasion aujourd'hui de faire mon propre mea culpa : Blackout c'est le meilleur album de Britney Spears, à égalité avec... Glory.

Glory, oui, sorti en 2016, dernier album en date de la chanteuse, et, peut-être, son dernier album tout court, du moins pour encore un certain temps. Parce que Britney est désormais libre, libre de ses tutelles, libre de chanter ou non. Pourvu, bien sûr, que cela dure éternellement ainsi, on le lui souhaite.

Mais sinon, le meilleur c'est Blackout et le petit monde critique s'accorde à peu près sur ce point désormais. C'est un excellent disque, avec le son de son époque de sortie, mais ayant bien supporté le poids des ans. Conçu dans la période la plus chaotique de l'existence de Britney, le disque semble dire des choses étrangement personnelles, alors qu'elle n'avait aucun contrôle sur la musique. J'avais raté tout cela à l'époque, me croyant, sans doute, au-dessus de ça. Jamais trop tôt, ni trop tard, pour reconnaître ses erreurs.

Tout cela pour dire que je regrette certaines horreurs que j'ai pu écrire sur Britney Spears, il y a plus de 20 ans de cela. Mais je ne regrette pas d'avoir défendu sa musique, même au détour des moqueries. Je ne regrette bien sûr pas d'avoir écrit des critiques très positives de l'album Britney et de In The Zone. Si c'était à refaire, j'y mettrais moins de honte et plus de sérieux, sans doute. Et de toute façon, je le disais déjà à l'époque, qu'il fallait mettre toute honte de côté en écoutant Britney.

Bref, il y a eu un moment où The WWP avait pris Brit-Brit sous son aile. Pas que cela ait changé quoi que ce soit à la carrière de ladite Brit-Brit, mais cela m'a donné l'occasion d'écrire des pages dantesques et, mine de rien, d'assumer toujours davantage mon amour pour la pop qui fait des bulles.

25 ans d'évolution pour atteindre un âge où ça paraît encore plus louche d'aimer la teen pop (j'ai bien dit "pop", je crois n'avoir jamais eu l'âge pour apprécier le teen porn dont je n'ai jamais bien compris l'intérêt, mais bon, il paraît qu'il y a un public). Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Et il y aura toujours de la place pour un nouvel album de Britney Spears dans ma discothèque, à côté de mon dernier coup de coeur de folk gothique expérimentale, d'électro écorchée ou de death metal caverneux. Donc, oui, pardon Brit-Brit. Je te demande pardon d'avoir parfois participé à la horde sauvage qui gloussait devant tes maladresses et tes errances. Pardon d'avoir contribué à ma manière à ta médiatisation la plus triviale. L'excuse de l'âge, de l'époque, du contexte ? Non, pas l'excuse, mais l'explication, la compréhension. Comprendre, ce n'est pas excuser.

Je comprends donc pourquoi j'écrivais ce que j'écrivais en 1999. En plus, d'ailleurs, bien sûr, j'étais probablement "amoureux", comme j'ai toujours eu tendance à tomber amoureux de tout ce qui me fait ressentir une profonde joie artistique, un vrai bonheur esthétique. C'est bien normal, on est des êtres vivants, après tout. Aimer ce qui nous plaît, la plus évidente des évidences. Britney et sa musique me plaisaient et me plaisent encore, même si je ne les croise plus que rarement dans mon existence. Mais j'aime prendre de leurs nouvelles, que ce soit de la chanteuse ou de ses chansons, c'est rendre visite à une vieille amie (enfin, "vieille", on a presque le même âge, donc bon).

La carrière musicale de Britney Spears a 25 ans, The Web's Worst Page aussi. On est là, on va (relativement) bien, c'est agréable, on en profite.

 


 

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