Une excellente année que ce 2006 cinématographique, un cru certes riche en déceptions (Scorsese, Gilliam, Mann, Pixar, en particulier), mais aussi en grandes surprises (cf. ci-dessous). A tel point que le top 10 se révèle un peu réducteur et que certains films absents (de Mémoires de Nos Pères à Paprika en passant par Flandres ou The Queen) méritent au moins une petite mention spéciale. C'est chose faite et donc place au décompte final.

10

Acheter une affiche de OSS 117, Le Caire nid d'espions

OSS 117

        Il aime se battre et il aime les poules. A l’heure où James Bond trouve une nouvelle jeunesse, la France se découvre enfin un (z)héros à sa mesure. Et c’est bien lorsque nous savons rire de nos pires travers que nous sommes les meilleurs. On pourra me rétorquer que la démarche des créateurs de OSS 117 est plus proche de l’humour anglais que des bases de notre terroir comique. C’est sans doute vrai, et c’est aussi pour cela que OSS 117 est le film français le plus hilarant (malgré certaines baisses de régime) et aussi le plus mémorable de l’année 2006.

 

9

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The Secret Life of Words

        Une réalisatrice espagnole, des acteurs anglo-saxons, les paysages de la mer du Nord, les ombres terrifiantes des guerres des Balkans, et une émotion universelle, The Secret Life of Words est sans doute le plus bel accomplissement artistique de la mondialisation en 2006. Tout en retenue, en confessions à mi-voix, en ressac des vagues, le récit du film d’Isabel Coixet se construit comme un suspens intime. Les non-dits dissimulent les plus douloureux secrets, et lorsque la confession bouleversante de Sarah Polley intervient peu avant la conclusion de l’œuvre, on comprend. Le pouvoir de guérison de la parole a rarement été évoqué avec autant de justesse.

 

8

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Bubba Ho-Tep 

        Elvis contre la Momie. Avec un tel sujet, Don Coscarelli avait de quoi réaliser un film d’horreur des années 50, très fauché et très ridicule. C’était sans compter sur les multiples coups de génie qui métamorphosent ce Bubba Ho-Tep du concept grotesque à la petite perle. Déjà, bien sûr, il y a Bruce Campbell en Elvis Presley grabataire, incontinent, obsédé mais prêt à laisser tomber le déambulateur pour ressortir ses cours de karaté face à un monstre millénaire. Ensuite il y a une ambiance, entre comédie, horreur et tendresse progressive. Car c’est dans son portrait de la vieillesse délaissée, finalement avide d’une dernière grande aventure avant de baisser le rideau, que Bubba Ho-Tep est le plus intéressant. La surprise est d’autant plus forte lorsque l’on se retrouve ému jusqu’aux larmes devant ce récit a priori si saugrenu.

 

7

Kamikaze girls

Kamikaze Girls

    Véritable petit bombe sur pellicule, Kamikaze Girls est peut-être le film le plus délirant de l’année, c’est surtout le plus attachant. Si l’histoire et la mise en scène tiennent de l’animé live, l’œuvre est transcendée par le charisme de ses deux interprètes principales, Kyoko Fukada et Anna Tsuchiya. Les premières minutes de Kamikaze Girls, gentiment surréalistes, un peu hystériques, intriguent, enthousiasment et font un peu peur, on se dit qu’on ne tiendra pas 102 minutes à ce rythme. Heureusement, après les présentations d’usage, l’histoire dérive vers un portrait fort réussi de deux adorables marginales, qui, peu à peu, vont développer une amitié originale et très touchante. Le film se révèle au final aussi étonnant que drôle, bourré de folie mais sachant aussi ménager une grande tendresse pour ses deux héroïnes.

 

6

Borat

Borat

Il paraît que le comble du politiquement correct est d’adorer Borat pour mieux prouver son ouverture d’esprit en excusant toutes les incroyables dérives de l’œuvre la plus audacieuse (formellement et surtout dans son propos) de l’année. Certes, cela semble logique, et pourtant il est aussi possible d’adorer Borat en toute bonne foi, pour sa bonne gueule de comédie tout aussi odieuse qu’intelligente. En détournant les codes de la « télé réalité » et de Jackass, Sacha Baron Cohen joue des attentes et des croyances des spectateurs, manipulant à tous les étages de son vrai-faux documentaire. Infiniment discutables, ses méthodes se jugent par leur résultat tout aussi hilarant que brillamment politique. Face à une incarnation globale de « l’étranger », les américains ne mettent pas longtemps à tomber les masques et à s’épancher en des aphorismes tout aussi incroyables que terrifiants. Bourré de symboles, en parfaite adéquation avec son époque, Borat incarne idéalement l’année 2006. Par ailleurs, Sacha Baron Cohen s’impose aisément comme le meilleur acteur de la période.

 

5

Shortbus 

Shortbus

Shortbus est un film d’amours, au pluriel, bien sûr, tant l’œuvre de John Cameron Mitchell se présente comme un hymne à la fusion totale (mais illusoire) des êtres. Bien conscient de l’aspect impossible de ses utopies, et malgré un final jouisseur et jouissif, le réalisateur laisse  une très grande place à la mélancolie et donne à son Shortbus les allures d’un rêve désenchanté plein de tendresse naïve. En explicitant le sexe sans jamais verser dans le glauque ou le démonstratif insistant, le film donne une vision nouvelle de thèmes finalement d’une grande banalité. Shortbus ne révolutionne pas le cinéma romantique, mais il s’avère si drôle, si vivant, si humain qu’on oublie les facilités pour mieux se plonger dans sa richesse émotionnelle. Certes, malgré une BO exceptionnelle, il manque ici la folie et une part de la puissance du génial Hedwig and the Angry Inch, John Cameron Mitchell s’étant paradoxalement un peu retenu. C'est un joli film pour les midinettes des années 2000.

 

4

The Host

The Host

            L’image sportive de l’année sera donc la pêche au gros poisson à coups de flèches enflammées (ça change des sushi !). The Host est un film « d’anti super héros », et donc forcément beaucoup plus intéressant que tous les X-Men et autres Superman. Après on pourra trouver cela trop classique (dans son déroulement) ou trop bizarre (dans son détail), peu importe. On pourra aussi accuser un effet de mode qui accompagne tout ce qui vient de Corée, ce serait jouer la facilité (surtout qu’en ces lieux on n’a pas vraiment apprécié le vilain Old Boy). Non, The Host vaut en lui-même, pour ce qu’il propose directement au spectateur, et sa générosité en matière d’humour déplacé, d’effroi bien senti et de spectacle efficace est l’un des plus grands bonheurs de 2006.

 

3

Fils de l'homme

Les Fils de l'Homme

Les Fils de l’Homme est le grand film inaperçu de l’année 2006. Totalement sacrifié par ses distributeurs, très mal vendu, à peine soutenu par une presse et un bouche à oreille dithyrambiques, Children of Men n’a pas eu la moindre chance de véritablement trouver son public. Mais c’est ainsi que naissent les œuvres cultes et il semble évident que Alfonso Cuaron vient de nous en offrir une. Il est bien rare de croiser un récit d’anticipation aussi crédible et maîtrisé, qui soit à la fois prenant et mis en scène de manière inoubliable. Le réalisateur cisèle des plans séquences incroyables qui sont autant de scènes d’action inédites et tétanisantes. En ce sens, la « poursuite » au ralenti entre voitures qui ne veulent pas démarrer sur un chemin de campagne est un petit miracle de suspens, d’humour et d’originalité. Mais la mise en scène ne serait rien sans l’excellent univers d’Angleterre fascisante créé pour le film, et finalement plus proche du V Pour Vendetta d’Alan Moore que le film éponyme soi-disant inspiré du Comics. Clive Owen est excellent, de même que l’ensemble du casting (dont la belle Julianne Moore) et on parvient sans peine à croire à ce qui nous est conté. Le plus frappant demeure sans doute cette capacité à concevoir une œuvre très réaliste malgré les déploiements d’effets (et de rebondissements). Cuaron le laissait entrevoir avec son formidable Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, et il le confirme avec Children of Men, c’est un réalisateur de grand talent et définitivement à suivre.

 

2

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The Fountain

   Jamais je n’aurais pu imaginer que l’une de mes têtes de turc préférées, l’autrefois lourdingue Darren Aronofsky, allait offrir l’un des films les plus beaux et délicats de 2006. Sans mettre de côté ses ambitions visuelles, le réalisateur les adapte à un récit romantico-métaphysique qui pourrait être aisément qualifié de prétentieux s’il n’était finalement aussi humble dans son approche. Mi-lyrique, mi-murmuré, cette histoire d’amour et de mort, qui cherche à revenir à l’essence même de ces concepts, est un crève-cœur qui ose se confronter à l’ombre de Kubrick et de Tarkovski. Transcendé par son sujet, Aronofsky affronte le ridicule, assume pleinement le kitsch de certaines de ses images, et désarme l’esprit critique par une sincérité rapidement bouleversante. La courte durée du film aidant à impliquer le spectateur, en un rêve permanent, d’un équilibre miraculeux, à la fois totalement évident et d’une rare profondeur.

 

1

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Le Nouveau Monde

Il est devenu un peu facile de qualifier le dernier film de Terrence Malick de « sublime » et de « mélancolique », même si ces adjectifs définissent fort bien et très efficacement les sentiments qui dominent à la vision du Nouveau Monde. Malgré la fadeur, finalement assez justifiable, de Colin Farrel, les images inoubliables sont nombreuses, de l’arrivée des bateaux britanniques sur un prélude de Wagner aux jardins déserts de l’Angleterre grisâtre. Bien sûr il y a la beauté anachronique de Q’orianka Kilcher, son innocence idéalisée et sa tristesse déchirante. Au même titre que les Fils de l’homme et The Fountain, le Nouveau Monde est un récit de fin du monde, d’infime espoir en la Nature immortelle. La splendeur du récit ne parvient pas à dissimuler la noirceur terrible du propos. Les derniers feux du « nouveau monde » incarnent la plus grande des nostalgies humaines, celle d’un Eden qui n’a existé que dans les contes et les mémoires. Il s'agit là de l'un des plus beaux films qui soient.

 

Hors classement

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Nausicaä / Pompoko

Un Miyazaki fondateur et un Takahata faussement mineur auront enfin atteint, avec beaucoup de retard, les salles françaises. Plus de 20 ans après sa création, Nausicaä demeure la matrice de bon nombre de films d’animation, japonais ou autres, et prouve que Miyazaki avait du génie depuis le tout début (au cas où l’on en aurait douté). Épique, foisonnant, aérien et déjà d’une immense sagesse, Nausicaä n’a jamais autant mérité le qualificatif de chef-d’œuvre. Pompoko, avec son humour incongru et son rythme chaotique, pourra paraître nettement moins essentiel. Ce serait passer à côté d’une fable écologiste d’une grande noirceur et d’une mélancolie qui serre la gorge.

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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