Tim Burton, ressemble en tout point à l'image d'Épinal de l'Artiste avec un grand A. Un peu dingue, un peu bizarre, névrosé, original et génial. Tim Burton est un Personnage. A tel point qu'il n'hésite pas à se mettre en scène de manière plus ou moins détournée dans la grande majorité de ses œuvres. Il est évidemment le Vincent Maloy de son premier court-métrage, il est l'Edward aux mains d'argent, il est l'Ed Wood avec du talent, etc... Il est même un patchwork des enfants bizarres de The Melancholy Death of Oyster Boy. Burton est un Auteur, c'est indéniable. Certains en arrivant à dire qu'il fait des films "juste pour lui", comme pur plaisir ou pure cure psychanalytique. Cela est tout à fait vrai, et c'est la définition même de la créativité artistique. Burton fait SES films, il raconte les histoires dont il a envie. Et il normal et même rassurant qu'il ne fasse pas l'unanimité. Si un film de Burton remporte du succès critique ou/et public, c'est qu'il y a eu erreur d'interprétation ou/et effet de mode. Car le monde burtonien est à l'image de son créateur, complexe, infiniment riche, extrêmement sombre et délicatement enfantin et innocent, en un mot : magique.

        Et c'est donc pour cela que la biographie de Burton est très courte à faire. Celui-ci parle beaucoup plus de lui à travers ses œuvres qu'explicitement. Son ouvrage, Burton On Burton, parle essentiellement de la création de ses films et possède très peu d'éléments véritablement auto-biographiques. D'ailleurs la vie de Burton est vraiment intéressante lorsqu'elle est en rapport avec les œuvres ou lorsqu'elle les explique. Je parle de la création des films et de leur contenu implicite dans la section filmographie, donc ici je vais brièvement présenter quelques points essentiels de la vie de Tim Burton, mais surtout des éléments susceptibles d'éclairer son "univers".

        Tim Burton est né le 25 Août 1958 dans la ville de Burbank en Californie. Une banlieue typique telle qu'on les voit dans les films de Spielberg. Il fut l'aîné de Bill et Jean Burton, qui trois ans plus tard lui donnèrent un frère, Daniel. Bill Burton travaillait au Burbank Parks and Recreation Departments et Jean Burton était gérante d'une boutique de cadeaux, Cats Plus, dont tous les produits possédaient un motif félin (ce qui fait écho au symbole des entreprises Schreck dans Batman Returns). Burbank est une ville très proche de Los Angeles, dans laquelle sont installés les studios de Warner Bros, Disney, Columbia et NBC.

    Très tôt, Burton se sent mal à l'aise dans cette banlieue banale et aseptisée. Et c'est dans Edward Scissorhands qu'il dépeindra le plus cette enfance ennuyante et triste. Burton définit ainsi Burbank : "It could be Anywhere USA". Pour échapper à la monotonie de la vie hypocrite et routinière de la banlieue, Burton se réfugie dans le monde du cinéma et de la télévision.

    Et c'est ici qu'il faut se détacher d'une étude chronologique de la vie de Tim Burton pour s'intéresser plus particulièrement aux images, aux personnages, aux œuvres qui ont marqué et créé son univers si particulier.

Les Films :

        Tim Burton n'est pas un fan des Grands Classiques. Il avouait en 1995 avoir vu Citizen Kane, "il y a longtemps", mais qu'il ne s'en souvenait pas du tout. De même il avouait n'avoir quasiment jamais vu un seul film "à Oscars". Burton est avant tout un fan de films d'horreur et de science-fiction. Adolescent il se débrouillait pour découvrir sur grand écran la majorité des séries B ou Z de l'époque. De la Black-exploitation pure comme Scream Blackula Scream, des grands classiques de la Hammer comme Dr Jekyll and Sister Hyde, etc...

    L'un de ses films favoris est le célèbre nanar The Brain That Wouldn't Die, qu'il découvrit à la télévision et qu'il qualifie de "tellement horrible qu'il en devient beau, de manière un peu surréaliste". Il adore aussi Jason et les Argonautes, essentiellement pour l'ambiance mythologique et les incroyables effets spéciaux de Ray Harryhausen (effets spéciaux d'animation qu'il ne cessera de reproduire ou de chercher à reproduire dans ses propres films).

    Il est aussi bien évidemment fan de grands classiques du Fantastique comme Frankenstein de James Whales (dont l'imagerie est présente dans à peu près tout ses films), King Kong de Cooper, The Creature from the Black Lagoon de Jack Arnold, Dracula de Tod Browning (Ah ! Bela !), Godzilla d'Inoshiro Honda (présent là aussi dans bon nombre de ses films), etc... Et bien sûr, Burton adore les films de Vincent Price, en particulier la série d'adaptation de Poe par Roger Corman, dont les titres phares sont des merveilles comme La Chute de la Maison Usher, La Chambre des Tortures ou bien encore Le Corbeau.

        De ses goûts cinématographiques on peut tirer les deux principales idoles du jeune Burton. Vincent Price, évidemment, qu'il a eu la chance de rencontrer quelques années avant sa mort. Il lui a dédié son premier court-métrage, Vincent, Price récitant de sa voix unique le texte écrit par Burton pour le film. Burton lui a aussi donné son dernier rôle sur grand écran, celui de l'Inventeur dans Edward Scissorhands, tout un symbole, très émouvant. Et il lui a aussi consacré tout un documentaire, malheureusement inédit en France. Et leur amitié trouve son écho dans l'amitié Wood/Lugosi d'Ed Wood.

    Une autre de ses idoles est "le type qui est à l'intérieur du costume de Godzilla". Dans son enfance Burton avait pour ambition de devenir l'acteur dans la peau du monstre mythique du cinéma japonais. Il rêvait de passer ses journées à écraser des maquettes de villes et à se bagarrer avec d'autres monstres en caoutchouc. Un bien beau rêve, il faut l'avouer.

Les Livres :

        Tim Burton avoue ne pas lire beaucoup. Il n'est pas très intéressé par la littérature. Et il apprécie surtout les livres pour enfants du Dr Seuss, dont le célèbre The Cat In The Hat et The Grinch That Stole Christmas dont il s'est inspiré pour créer The Nightmare Before Christmas. Burton aime ces histoires simples en apparence mais d'une grande complexité symbolique. De la subversion cachée derrière des histoires enfantines... toute l'œuvre de Burton se définit ainsi.

    Et par suite il adore aussi les contes pour enfants, son favori restant la Belle et la Bête, thème que l'on retrouve dans un grand nombre de ses œuvres, encore. On peut citer ses paroles à propos du mythe de La Belle et la Bête : "C'est vraiment un thème dont on pourrait faire des centaines de variantes et qui me plairait toujours. Sauf le dessin animé qui a été fait récemment par Disney. Celui-là ne m'a pas plu du tout." Pas de doute, Burton a toujours en travers de la gorge son passage dans les studios Disney...

    Pour ce qui est de la poésie, Burton est bien évidemment fan d'Edgar Allan Poe, et plus particulièrement de The Raven, poème gothique et bouleversant.

La Musique :

        En matière de musique, voici comment Burton définit ses goûts : "j'aime tout, du moment que c'est... dramatique". Il aime de nombreux genres sauf la country (ce qui est logique, la country étant le musette américain). En musique classique il adore Bach. Mais il est surtout fan de la musique de la fin des années 70 et du début des années 80. Pas le disco, bien sûr, mais bien le punk, la cold wave et la new wave. Son groupe favori restant Cure. Il emprunte d'ailleurs l'apparence du leader du groupe, Robert Smith, pour trouver l'esthétique d'Edward et même sa propre apparence (cheveux en bataille). L'univers de Cure correspondant là encore à celui de Burton. Sombre, tortueux, romantique et parfois traversé d'éclairs de gaieté lumineux. Il aime aussi les Sex Pistols, les Dead Kennedys... Un homme de goût, donc... Mais aussi Siouxsie and the Banshees, qu'il invitera sur la bande originale de Batman Returns pour un Face To Face historique. Budgie, le batteur des Banshees (et maintenant la moitié des Creatures avec Siouxsie) parle de sa collaboration avec Burton comme d'une expérience fascinante. Et enfin Oingo Boingo, le groupe de Danny Elfman, dont l'univers est véritablement très proche de celui de Burton. A tel point que Danny Elfman deviendra son ami et son compositeur fétiche.

       Que dire de plus ? Que l'objet fétiche de Tim Burton est une paire de chaussette à rayures noires ? Et bien oui, il les porte dans toutes les grandes occasions. Par exemple lors de la remise des prix à Cannes en 1997 lorsqu'il était membre du Jury (c'est vrai, j'ai les images !). Les rayures que l'on retrouve (avec les coutures) très souvent dans son imagerie.

 

        En 1992, Burton rencontre Lisa Marie, une ex-mannequin. Leur relation fait immédiatement "tilt !". Car ils possèdent le même univers, la même biographie, les mêmes fascinations. Lisa Marie devient immédiatement LA Muse burtonienne. Elle est le modèle de ses photos les plus délirantes et les plus sublimes. Il lui dédie son livre, The Melancholy Death of Oyster Boy. Il en fait sa nouvelle actrice fétiche. Lisa Marie apparaissant pour des rôles de plus en plus importants dans tous les films de son compagnon depuis leur rencontre. En 1995 dans Ed Wood elle est une Vampira encore plus plantureuse et fascinante que l'originale. En 1997 elle est la vraie-fausse martienne de Mars Attacks !, une prestation muette et anthologique. En 1999, elle est la mère d'Ichabod Crane, apparaissant dans les plus belles scènes de Sleepy Hollow

        Pourtant, durant le tournage de La Planète des Singes en 2001, Tim Burton rencontre Helena Bonham Carter. Celle-ci vient remplacer Lisa Marie dans son cœur. Aujourd'hui Tim Burton est papa et marié avec l'actrice de Fight Club. Leur collaboration est devenue proverbiale et presque aussi constante qu'avec Johnny Depp. On retrouve Helena Bonham Carter dans quasiment tous les films de son époux depuis, généralement pour le meilleur, comme dans Sweeney Todd ou Dark Shadows.

         Tim Burton fait donc preuve d'une unité thématique exceptionnelle. Utilisant tous ses fantasmes, toute l'imagerie de son enfance pour transcender ses œuvres. Mais finalement peu importe la biographie de l'auteur, les images et les textes parlent bien mieux d'eux-mêmes et de lui-même...

 
 
 
 
 
 
 
 
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