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 Millennium Actress        Qui est l'actrice du  millénaire ? Qu'est-ce que Millennium Actress ? Un mélodrame ? Un mélodrame à  suspens ? Un thriller mélodramatique ? La rencontre d'Alfred Hitchcock, de Tsui  Hark, de Jacques Tati, de Charlie Chaplin et d'un peu plus d'un siècle de  cinéma ? Une quête ? Une course ? L'amour comme moteur de l'existence ? L'un  des plus beaux films du monde ? Un monument de mise en scène, de narration, de  créativité ? Tout cela à la fois. Certainement.... et tellement plus !         Millennium Actress suit  le destin de Chiyoko, star du cinéma japonais entre les années 30 et les  années 60, inspirée de l'actrice fétiche d'Ozu, Setsuko Hara. Mais Satoshi Kon refuse toutes les données narratives habituelles  et bouleverse le mélodrame de manière encore plus surprenante qu'il n'avait  bousculé le thriller avec Perfect Blue. Car dès les premières images du film,  la fiction s'entrecroise avec le réel pour mieux créer une réalité totale,  où l'imagination, les souvenirs, le cinéma, le rêve, l'espoir et la réalité  ne font plus qu'un. Une "sur-réalité" d'une richesse incroyable, qui  nous emporte grâce à une mise en scène d'une virtuosité qui n'appartient  qu'au monde de l'anime, grâce à un montage indescriptible qui repousse les  limites du 7e art et surtout grâce à un scénario qui parvient, en à peine  une heure et vingt minutes, à nous raconter une existence entière d'amour fou  et idéal. 
         Mené à un rythme  trépidant, sachant ménager aussi bien l'action, le rire et les larmes, Millennium Actress est un spectacle parfait, exaltant, sans presque   aucun  équivalent dans l'histoire du cinéma (du moins, à ma connaissance). Il  faudrait tout de suite vous jeter en pâture des noms tels que The   Lovers, Ed Wood ou Le Voyage de Chihiro pour vous donner une   idée du  sommet artistique qu'est le chef-d’œuvre de Satoshi Kon. Mais le film   est  incomparable. Offrant, par le biais du dessin animé, un univers jamais   vu  encore. Révolution complète des habitudes narratives et esthétiques, Millennium Actress explose les limites des genres. Et le tour de force   purement  formel est entièrement au service de l'histoire, l'un n'allant pas sans  l'autre. L’œuvre est aussi riche qu'immédiatement évidente. Même si l'on  imagine déjà les spectateurs-consommateurs vulgaires clamant des "g rien  conpri au film kk'un peu mexpliquais ?". On s'en désole par avance, mais  c'est le risque face à une expérience aussi novatrice et immense.                         
         Peu importe que je me  perde dans mes superlatifs, le discours sur Millennium Actress ne peut avoir  qu'un seul but : vous encourager, vous obliger, vous imposer de voir ce film, de  l'acheter même. Après, oh, on pourrait discourir pendant des pages en disséquant  tous les plans du film. Et sans nul doute, je vous le prédis, dans quelques  années toutes les écoles de cinéma de la planète se pencheront sur Millennium  Actress. Car l’œuvre ose emprunter chez tous les plus grands (Orson Welles,  Hitchcock, Mankiewicz, Chaplin, Ozu, Kubrick, Kurosawa, pour citer quelques uns des plus  évidents), mais sans jamais forcer le trait. Emporté par son récit  passionné, Millennium Actress adopte le rythme d'une course effrénée à  travers les années, à travers les films tournés par Chiyoko, à travers ses  rêves. Une quête bouleversante qui culmine sur un final de près de dix  minutes qui fait battre le cœur à toute vitesse, bien plus que tous les grands  spectacles bourrés d'effets spéciaux.                                 Les images inoubliables  se succèdent, les répliques ciselées aussi. On passe, au sein même d'une  scène, du rire le plus franc (grâce, en général, aux guides pour le  spectateur que sont les deux membres de l'équipe de tournage) aux larmes les  plus sincères. Car Satoshi Kon n'a pas à forcer les situations pour nous  émouvoir, il n'a qu'à dérouler le fil de cette destinée pour nous toucher en  plein cœur (de ces destinées ! le patron de cette fameuse équipe étant bien  plus qu'un second rôle comique, il est la seconde âme du film). Tout semble  alors évident au sein de ce conte, pourtant fragmenté jusqu'à donner le  tournis. De la première à la dernière image, Millennium Actress dégage une  force, une puissance rarement atteintes par une œuvre d'art quelle qu'elle  soit.                         
         Alors, non, je n'irais  pas vous disséquer tous les symboles contenus dans le film. D'une part parce  qu'ils sont innombrables et tous primordiaux. Et d'autre part parce qu'une telle  œuvre, aussi essentielle, aussi fragile, réclame toute votre sensibilité,  toute votre intériorité. C'est  l'expérience intime, unique, absolument subjective et personnelle qui  "crée" Millenium Actress. Le film est bien là, les images, les  musiques, l'histoire se donnent à vous ; mais, telle la "clef" de l’inconnu,  le "ghost", le "fantôme", le cœur de Millennium Actress s'échappe  perpétuellement. Il est partout en nous, et nulle part, et comme Chiyoko  recherche son amour d'un instant, nous poursuivons l'Actrice du Millénaire sans  jamais la rejoindre, ne pouvant que la regarder s'évader vers l'éternité,  emportant ses espoirs et son amour idéal, celui qui repose avec bienveillance  en chacun de nous.                                 Satoshi Kon parvient  donc à éveiller des sentiments, des sensations qui sommeillent le plus souvent  au plus profond de nos êtres. Millennium Actress est une œuvre qui exalte ce  qu'il y a de meilleur en nous, ce qui nous fait espérer, ce qui nous fait  courir jusqu'au bout de l'existence sans jamais vraiment savoir ce que l'on  recherche, ni ce que l'on va trouver. Et tel un véritable thriller, l'ultime  réplique du film offre la résolution de tout ce qui a précédé. Nous ouvrant  encore plus immensément l'esprit et nous (ré)confortant dans les plus belles  pensées possibles. Vous comprendrez pourquoi une telle œuvre dépasse toutes  les considérations habituelles face au cinéma ou à l'art en général.  L'objectivité, la subjectivité, le goût, l'esthétique, l'esprit critique,  tout cela est balayé, emporté par la course folle de Chiyoko.                         
         On ne peut trouver  qu'une seule chose à redire. En effet, Millennium Actress, l'une des plus belles histoires  d'amour qui soient, le film le plus novateur de ces dernières années, l'un des  plus grands films de tous les temps et, zut, alors, l'un de mes films favoris  avant tout et surtout, n'a jamais l'honneur d'une sortie en salles en  France. Imaginez l'aberration. Le scandale. Le retour vers les heures obscures où,  ni The Lovers, ni The Blade; n'abordaient nos contrées par la grande porte des  "multiplexes" naissants. On croyait ces temps révolus. Il n'en est  rien. Une nouvelle fois, ce fut  directement en DVD que l'oeuvre trouva sa place dans vos cœurs.  Et l'on se désole de devoir en passer par des considérations aussi  matérielles pour évoquer ce film. Mais c'est ainsi.          Et c'est donc ainsi que  vous pourrez découvrir (si ce n'est déjà fait), Millennium  Actress. Un chef-d’œuvre qui résume presque tout un siècle, tout un art et  toute la vie. L'actrice du millénaire ? Certainement... et tellement plus ! |