Une tortue géante.

Une tortue, non pas de 18 mètres comme la fourmi, mais bien de 130 mètres et des poussières d'étoiles...

Une tortue géante essentiellement incarnée par un cascadeur dissimulé sous un délirant costume en latex.

Cela n'a rien de sado-maso, mais on se dit que pour apprécier les aventures de Gamera, il faut quand même être un sacré pervers.

Un détraqué. Un vicieux. Un malade. Pire! Un nerd...

Car, lors de sa création dans les années 60, pour concurrencer le succès de ce gros ballot de Godzilla, notre tortue ressemblait à ça :

Ce qui n'est pas la classe absolue, certes non.

Et elle sévissait dans une poignée de nanars dont l'un d'entre eux circule en France sous le titre de "Gamera et les trois Superwomen".

Il faut bien le reconnaître, la honte n'est pas loin et c'est d'ailleurs elle qui plongea la bestiole dans un sommeil prolongé. Avant sa résurrection inespérée en plein coeur des années 90. La nouvelle génération de Godzilla de la Toho, débutée en 1985, achevait une décennie de hauts et de bas, aussi bien au niveau du succès public que de la qualité des métrages et surtout, ladite franchise du lézard atomique venait d'être vendue aux américains pour donner le champ libre au pathétique Godzilla torché par Roland Emmerich. La Daei, le studio détenteur de la franchise Gamera voit là une opportunité unique.

Car non, on ne peut pas laisser le genre "Kaiju" (monstres japonais géants qui cassent tout sur leur passage en se mettant sur la gueule à l'occasion) échapper au Japon. C'est un symbole, un étendard, une fierté nationale! Si les créateurs de Godzilla baissent les bras et se mettent à plat ventre devant les américains, il est temps de réveiller la bonne vieille tortue géante.

Mais quitte à reprendre ainsi le flambeau, autant le faire au mieux. Et personne ne s'attendait à ce que Gamera, en l'espace de trois films, enfonce six pieds (voire plutôt 60) sous terre tout ce qui avait existé avant. Car la tortue revient et cette fois elle n'est vraiment pas contente :

A première vue, la différence n'est pas flagrante. Mais n'allons pas trop vite en besogne et évoquons donc :

 

Gamera - Guardian of the Universe

        Si les effets spéciaux de ce premier opus sont encore assez maladroits et reposent sur des marionnettes et autres cascadeurs engoncés dans des costumes en latex (écrire cela demeure troublant), le film brille sur de nombreux autres points. En particulier un scénario étonnant, empreint d'un mysticisme intrigant, derrière lequel se cache la plume de Kazunori Ito, fidèle collaborateur de Mamoru Oshii, notamment sur le premier Ghost In The Shell. Les protagonistes humains transcendent peu à peu leurs stéréotypes pour devenir très attachants. Mais c'est surtout la mise en scène, quasi géniale, qui ne cesse de nous offrir des images de toute beauté. Les scènes de batailles entre bestioles géantes sont agréablement spectaculaires. Et le tout baigne dans des thèmes plus mâtures qu'à l'habitude. Le film se révélant parfois très violent, et, contrairement à Godzilla, Gamera se retrouve souvent blessée de manière explicite. L'ensemble n'est quasiment jamais ridicule et ne prête pas du tout à la moquerie. Guardian of the Universe expose idéalement la mythologie de Gamera, son rôle sur Terre, ses origines et celles de ses Nemesis les Gyaos.

 

Vient ensuite le volet de transition,

Gamera 2 - Attack of the Legion

 

        C'est une légère déception après les envolées du premier épisode. Le scénario de Ito est moins intéressant et rompt presque totalement avec les thèmes majeurs et les personnages de Guardian of the Universe. Les nouveaux héros humains manquent énormément de charisme et on se désintéresse très rapidement de leur sort, qui occupe malheureusement la majeure partie du métrage. Legion, le nouvel adversaire de Gamera, est aussi plutôt classique, même si certaines bonnes idées relancent l'intérêt des combats. Les effets spéciaux sont corrects, améliorés depuis le film précédent, mais encore assez kitsch. Le plus gros problème de Attack of the Legion demeure un manque de rythme assez pesant. Il reste une mise en scène toujours aussi impressionnante, quelques destructions massives délirantes et une poignée d'images magnifiques. Mais le meilleur reste à venir avec :

 

Gamera 3 - Revenge of Iris

        L'apothéose d'un genre, le chef-d'oeuvre du Kaïju, aucun Godzilla, ni le premier, ni les meilleurs des années 90, n'atteint la cheville de cette perle. Dans Revenge of Iris, tout est parfait. Le scénario est à nouveau brillant, presque tous les personnages du premier film sont de retour et l'héroïne est idéale d'ambiguïté. La mise en scène atteint des sommets hallucinants, avec de très nombreux plans apocalyptiques d'une puissance rarement aperçue sur un écran de cinéma. Les effets spéciaux passent avec bonheur du caoutchouc poétique au numérique luxueux (Iris est le plus beau monstre de l'histoire du genre). L'ambiance de fin du monde qui imprègne le métrage est parfaitement rendue par une violence très surprenante et cruelle, qui n'hésite jamais à montrer les conséquences des combats titanesques que se livrent les créatures géantes. Un plan comme celui du Gyaos enflammé qui chute en arrière-plan sur Tokyo, est immédiatement inoubliable. Passionnant, beau à mourir, divertissant, Revenge of Iris mérite à lui seul de se lancer dans l'aventure de la trilogie Gamera.

 
 
 
 
 
 
 
 
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