BORDEAUX 1996 - Tournée The Cult Of Ray

        En 1996, le fan des Pixies que j'étais était déjà très atteint par la frankblackïte aiguë, en particulier grâce à Teenager Of The Year. J'étais un peu moins convaincu par son premier effort solo, par contre The Cult Of Ray, récemment sorti, tournait encore en boucle. Cela se passait à Bordeaux (enfin à Talence), c'est à dire à deux pas de chez moi. Après l'ouverture Thérapiesque des déjà oubliés La Chair, le concert fut épique, un terrible happening punk qui vit quelques uns des pogos les plus bourrins de l'histoire (j'en sais quelque chose, je suis resté dans la fosse pendant tout le concert). Si Scott Boutier n'était visiblement pas tout à fait à la hauteur de l'enjeu, Frank Black et Lyle Workman furent magistraux. Il faut reconnaître aussi que David McCaffrey est un bassiste des plus visuels. Ouverture sur les chapeaux de roues avec ni plus ni moins que Freedom Rock, ma chanson favorite de Charles Thompson en solo, l'extase, forcément. Aussitôt c'est l'émeute dans les premiers rangs. Le son est hénaurme, la bousculade l'est encore plus, inutile de chercher à rester devant la scène sous danger de finir écraser sous la masse d'un public qui retrouve le Bonheur de l'énergie punk-métal. Frank Black délivre un set épastrouillant, sans le moindre temps mort (ou du moins de récupération). Tous ses "tubes" y passent. Los Angeles, Headache, Two Reelers, Men In Black, Jesus Was Right, You Ain't Me, Speedy Marie, The Vanishing Spies, Czar... Demandé à corps et à cris par quelques fanatiques, Pray A Little Faster est expédié à toute vitesse. Brackish Boy assassine son monde. Et l'enchaînement Pong, Thallassocracy, Dance War achève les quelques survivants. C'est l'Apocalypse, le rock se meurt mais il a de biens beaux restes. Demandé lui aussi à corps et à cris, The Jacques Tati demeurera étrangement absent de ce concert mythique qui laissa tout le monde sourd, épuisé mais au 7e ciel.


TOULOUSE 1999 - Tournée Pistolero

        A Toulouse, en 1999, Frank Black et ses Catholics venaient vendre le tout frais Pistolero, formidable album prêt à tout assassiner en live. La tournée précédente avait été annulée, Frank nous devait une revanche. Le Bikini était bien loin d'être bondé lorsque Reid Pailey ouvrit les hostilités. Reid Pailey est un phénomène, un éthylique fini qui tricote un rock à l'ancienne, fortement inspiré par le Boss, que ce soit au niveau du look que de la musique et des textes, seul avec sa guitare et sa grande... bouche. C'est une bête de scène, qui arrive fort bien à communiquer avec son public. Si tout cela manque cruellement d'originalité, le gars et sa musique dégagent une sympathie indéniable. Frank Black et ses Catholics débarquent fort tard mais on leur pardonne. Première constatation, le nouveau guitariste, Rich Gilbert, qui remplace Lyle Workman (jugé, comme Nick Vincent, "trop talentueux" pour jouer avec Frank), a un look de pingo intégral. Fringues oranges fluos, tête de Andy Warhol défoncé, il est l'élément comique du concert. Ses riffs bordéliques et terriblement lourds sont accompagnés par des mouvements épileptiques inénarables, car le bonhomme ne bouge jamais les jambes. Hilarant. Les premières notes d'un tube de Frank Black se font entendre. Un tube très connu, mais dont on n'arrive pas à trouver le nom. On se regarde les uns les autres. Un ange passe... Ah mais oui ! Ce fameux tube c'est... Wave Of Mutilation (???!!!???). Les exclamations fusent de ci de là, mais la majorité du public, soit s'en fout (ce qui est le cas, on y reviendra), soit est tellement surpris qu'elle en reste muette. Frank Black joue les Pixies en live !!! C'est l'événement le plus important du concert. Frank Black débute avec la UK surf version de Wave Of Mutilation. C'est dingue. Tout revient un peu à la normal avec les tubes suivants. Western Star, Kicked In The Taco (excellent), I Switched You (phénoménal !), I Love Your Brain, Suffering, I Gotta Move (quelqu'un a-t-il entendu les chœurs ?),You're Such A Wire et surtout le magnifique Man Of Steel. Le concert semble quand même un peu mou. Frank Black joue principalement les titres "lents" de Pistolero et les chansons du premier Catholics sont effectivement un peu... molles du genou. Sur So Hard To Make Things Out, sublime chanson de Pistolero, un début de pogo est lancé par l'un de mes potes, sans grand résultat. Pourtant tout cela appelle l'émeute. Bah non... Mes pauvres amis, les temps ont changé depuis 1996, les jeunes ne bougent plus dans les concerts de Rock. Et pour couronner le tout, Frank Black fait la gueule. Si si ! Il ne sourit pas, il ne regarde pas son public, il le méprise, il ne communique pas, il à l'air de s'emmerder sec. Il poursuit avec I Need Peace, autre pièce épique, autre merveille, mais qui endort encore plus le public. Le formidable Ten Percenter réveille un peu quelques fans, mais ce n'est pas ça. Pour faire bouger le monde il défouraille ni plus ni moins que The Holiday Song des Pixies. Résultat : le seul vrai pogo digne de ce nom de la soirée. Cela n'a pas l'air de faire très plaisir au gros Charles. Il place All My Ghosts (superbe), Dog Gone, Speedy Marie (là on se rend bien compte que Gilbert n'est pas fin du tout) et le sublimissime Calistan. Avec le rappel Frank décoche Bad Harmony et entame Headache avant de l'arrêter au bout de trois mesures. Gag ? Apparemment. Car c'est le monumental Los Angeles qui débarque. Gilbert nous sort un bout de bois et fait du bruit, c'est dantesque, c'est son grand moment de grâce. Los Angeles met tout le monde d'accord. En final c'est l'inattendu Sister Isabel qui nous dit au revoir. Très bonne version en live, bonne conclusion. Mais le Jacques Tati est absent. Sans parler de Men In Black, Parry The Wind, Pong, Dance War, Big Red, I'm Starting To Lose It et surtout I Want Rock'n'Roll. Ce soir, Frank Black ne voulait pas de Rock'n'Roll et a assuré le minimum syndical. Un minimum syndical fabuleux, soit dit en passant. Grands moments : Wave Of Mutilation, All My Ghosts, I Switched You, Ten Percenter, Los Angeles, Man Of Steel, So Hard To Make Things Out, Kicked In The Taco, Calistan, Sister Isabel...


ANGOULEME 1999 - Tournée Pistolero

        Angoulême, une semaine plus tard, est encore plus surréaliste. La Nef, perdue dans une zone industrielle au milieu de terrains vagues, est un night club pittoresque d'apparence extérieure. Lorsque nous débarquons (les 3 fans bordelais, fidèles depuis 96), il n'y a pas grand monde. C'est l'occasion de faire un petit tour derrière la salle et de rencontrer... bah oui... Reid Pailey ! (déjà bien éméché) et... Frank Black (si si ! le vrai). Photo exclusive à l'appui, voici le souvenir de quelques minutes de Légende. Quand des petits french fans apeurés qui perdent en route leur peu d'anglais, croisent leur Idole. Frank Black est occupé mais Frank Black est sympa. Il a des yeux fantastiques (oui bon, n'allez pas vous imaginer des bêtises non plus...). La photo est excellente (pas de moi, d'ailleurs, moi je suis sur la droite, là, on me voit pas, mais c'est moi qui dit "thanque you vhairy meucheu" à la fin), cela valait la peine de venir. Le concert est meilleur qu'à Toulouse. Il n'y a pas grand monde, c'est la catastrophe. On ne se bouscule même pas pour être devant. Personne ne va bouger. Beaucoup vont rester au bar. Le rock n'est pas mort, c'est le public rock qui est mort. Reid Pailey est épastrouillant, encore plus qu'à Toulouse. Je suis juste devant lui pendant son set. C'est un grand amuseur. Il parle beaucoup, il échange à sens unique avec le public aussi éméché que lui. Il sort quelques blagues lourdes hilarantes ("If you were my daughter, you'll be in psychotherapy"), donne l'adresse internet de Goodnoise, engueule ceux qui stagnent au bar (la majorité de la faible audience du concert), et remporte l'adhésion de tous ceux qui ont pris la peine d'assister à son one man show. A quand Reid Pailey dans les Catholics ? Frank Black débarque, toujours en retard. Visiblement plus détendu il n'hésitera pas à plaisanter (ou du moins à communiquer, bel effort) avec ses musiciens. Il reste une certaine impression de lassitude voire de mépris dans son concert. Mais c'est déjà mieux qu'à Toulouse. Pas de Los Angeles ce soir, dommage, en guise de placebo c'est bien Headache qui s'y colle. All My Ghosts ouvre le bal. Mais on aura quand même droit à Wave Of Mutilation et à The Holiday Song (mais bien plus tard). Man Of Steel est toujours LE grand moment. Ainsi que I Switched You (terriblement sautillant, bien sûr), So Hard To Make Things Out, Calistan, Ten Percenter... Gilbert est toujours aussi drôle à regarder. Ah oui, j'allais oublier. Scott Boutier en prenant du poids s'est aussi largement amélioré et tient désormais diantrement bien la route. Le public est totalement endormi, chacun bouge un peu dans son coin. Important de noter que finalement c'est le public féminin (fort charmant dans son ensemble, d'ailleurs) qui semble le plus motivé. C'est encore une fois un très très bon concert, parce que les chansons sont excellentes, parce que Frank Black est le chanteur le plus charismatique de cette fin de siècle, parce que tout cela respire l'énergie. Sister Isabel conclut une nouvelle fois le set. Pas de second rappel, même si l'on veut nous le faire croire. Minimum syndical encore une fois. Et pas de Jacques Tati ! Pourtant celui-ci fut réclamé, comme en 1996 (était-ce la même personne ?). Outre le public féminin donc, les grands moments furent à peu près les mêmes qu'à Toulouse. Angoulême 99 est un formidable souvenir de fans de toute façon. D'ailleurs en voici la photographie culte. Si vous la voulez sur votre site, n'oubliez pas de glisser un petit lien vers le mien, c'est tout, je ne demande pas plus.


PARIS 2001 - Tournée Dog In The Sand

        On y était, on a vu, entendu, on a survécu, ce fut grandiose, forcément. Fort d'un répertoire d'une qualité de plus en plus formidable et d'un groupe de plus en en plus talentueux. Frank Black a tenu toutes les promesses, et c'est un euphémisme. Le groupe ? Rich Gilbert à la guitare heavy et au synthé space, David McCaffey à la basse hard-rock, Scott Boutier à la batterie bourrine et le petit nouveau Dave Philips à la guitare rock et aux claviers désabusés. Avec "mister Frank Black" à la guitare inclassable et aux voix inhumaines. Pressé par le temps, pris entre les Festins d'Aden et une soirée brésilienne (???!), devant avoir fini pour 23h, Frank Black n'a pas joué très longtemps, mais a compensé par un track listing affolant.

        Le manque de temps n'a pas que de mauvais aspects, il a ainsi réduit la prestation de Raphael à la portion congrue. Quant au valiumesque Tom McRae, il s'est planté dans son set et nous a rejoué près de 7 ou 8 fois de suite le même morceau (son "tube", You Cut Her Hair). On a bien essayé de le lui dire, mais il n'a rien entendu. Normal, il paraît que la masturbation rend sourd. Dans une salle pleine, surchauffée, où les premiers rangs se serrent comme dans le métro et où il était bien difficile, je vous l'accorde, de remarquer le gars au t-shirt Ed Wood (oui, c'était moi, mais je n'ai pas quitté mon manteau, il est vrai), l'attente se fait assez épuisante. Surtout que le public, n'a pas l'air, comme ça, a priori, d'être au bon endroit. Fort heureusement, cette impression s'avère relativement fausse et devant cela va bouger correctement tout le temps. Et ce, même sur All My Ghosts, ce qui est rassurant, il y a avait des fans de Frank Black dans la salle. Mais nous avons été quand même dominé par les nostalgiques des Pixies, chose inévitable, tant le plus grand groupe de tous les temps a marqué une, deux, voire déjà trois générations.

        Les Catholics, princiers, montent sur scène pour décocher une version merveilleuse de Fiddle Riddle. On sait que l'on vit un moment unique, historique même, car ce concert de Frank Black à l'Elysée Montmartre, en mars 2001, risque de rester dans la légende. Parce qu'il a permis, dix ans plus tard, de faire revivre comme jamais l'âme des Pixies, tout en confirmant que Frank Black en solo, c'est aussi bon que du temps où il y avait Joey Santiago à la droite du saigneur. Alors il nous a joué quoi ? Beaucoup de Pixies. Gouge Away, affolant, Mr Grieves, épastrouillant (tous ensembles : la la lala la la lala), Nimrod's Son, repris par plus de 1000 personnes, Dancing The Manta Ray, chorégraphié, Monkey Gone To Heaven, en hymne immortel, et Where Is My Mind, en frisson absolu, devant le regard d'un Charles Thompson heureux, ravi, réconcilié avec son passé et son (ses) public.

        Certes il reste du progrès à faire. Car, quand on se retrouve tout seul à sauter comme un fan sur le formidable So Hard To Make Things Out, alors que 200 personnes font le pogo sur Nimrod's Son, c'est... gênant.... Mais c'est toujours un plaisir de voir autant de gens, hommes et femmes, garçons et filles, reprendre en chœur les paroles de Calistan, de Sir Rockabye et même de Bullet. Et les grands moments s'enchaînent. La reprise de The Black Rider, qui m'a laissé cette fois-là sur ma fin, sans doute étais-je encore trop sous l'emprise de la phénoménale version originale (Frank Black + Tom Waits = deux fous géniaux fait pour s'entendre). Oddball, Everytime I Go Around Here (intro acoustique réussie du premier coup si je ne m'abuse), Fu Manchu (pour le bonheur du public), Llano Del Rio, le magique I'll Be Blue, le magique aussi Sir Rockabye, Dog Gone, All My Ghosts (avec une foule en délire), Los Angeles (idem), Hermaphroditos (avec la ligne cultissime : Forget your Ying and go fuck your Yang), I've Seen Your Picture (monstrueux), Such A Wire, Dog In The Sand...

        Six-Sixty-Six !!! Dans une version lente, typiquement Black Sabbath Hard-Rock-Métal, vraiment apocalyptique. Et un Frank Black possédé en train de hurler, grimacer et finalement dessiner avec l'index un 666 sur son front grassouillet. Et un rappel de folie notamment sur un Men In Black terrifiant qui a redonné espoir à l'humanité entière (et au moins aux personnes présentes, prêtes à hurler les paroles jusqu'aux étoiles). Et le final sur la reprise de Re-Make/Re-Model (du Bryan Ferry à la base, ah oui, difficile d'imaginer cela), qui permet à chacun des membres du groupe de briller à tour de rôle. Et un Frank Black, décontracté, heureux, drôle, en état de grâce, salut son public et nous confirme que le 21e siècle sera Black ou ne sera pas.

        Car si on fait les comptes. Entre Dog In The Sand, acclamé par la critique, qui cartonne un peu partout dans le monde (en particulier en Angleterre). La compilation de faces B des Pixies. Une tournée affolante qui risque de marquer l'Histoire. Tous les albums des Pixies à prix cassé un peu partout. Fight Club. Une flopée d'excellents sites webs. 10 ans après Trompe Le Monde, c'est bien d'une résurrection luxueuse dont il s'agit. Et plutôt que de rester coller contre le rétroviseur comme avec la compilation Death To The Pixies, là il y a de la nouveauté fastueuse à se mettre sous l'oreille. Imaginait-on que cela allait être aussi grandiose ? Sans doute pas à ce point, non. Frank Black est revenu sur le devant de la scène, s'il enchaîne sur un ou deux albums au moins aussi réussis que Dog In The Sand et des tournées aussi magistrales, il risque fort de retrouver avec ses Catholics la même popularité et la même influence que du temps des Pixies. C'est vous dire si le 21e siècle sera Black, Black, Black !

Meilleurs moments : Six-Sixty-Six, So Hard To Make Things Out, Re-Make/Re-Model, Men In Black, Dancing The Manta Ray, All My Ghosts, Nimrod's Son, Hermaphroditos, Los Angeles, I've Seen Your Picture, Fiddle Riddle, Where Is My Mind... 


TOULOUSE 2001 - Tournée Dog In The Sand

        On ne vit pas deux fois dans sa vie un tel concert. En fait c'était le concert dont je rêvais depuis que je traîne mes guêtres (pas trop souvent en fait, mais quand même) dans les salles où l'on passe de la musique trop fort avec des gens qui font les porte-manteaux sur une scène mal éclairée devant un public d'abrutis qui fument des tarpés et qui boivent de la bière à la limonade. Que ce concert, LE concert, soit l'œuvre de Frank Black, finalement ce n'est que justice et ce n'est que logique. Il m'est arrivé d'effleurer l'extase, déjà devant monsieur Charles Thompson, mais aussi, bien sûr, en présence de Siouxsie Sioux. Mais là, il s'est passé quelque chose de plus, de plus grand, de plus fort. Encore sous le choc du concert de Paris, on ne s'attendait pas à ce qui s'est passé ce mardi soir de mars 2001. On ne s'attendait pas à ce que Frank Black, pendant près de 2h30, repousse les limites, devant un public qui n'a pas compris grand chose à ce qui se passait à cet instant. Mais nous allons détailler tout cela, longuement.

        Toulouse, ah ! Toulouse ! Je n'ai rien à dire de particulier à dire sur cette ville. Par contre il y aurait à dire sur le Bikini, hangar caché au creux d'un virage effrayant sur une affreuse route dangereuse qui longe la Garonne. Pas de signalisation, et même si on commence à savoir comment s'y repérer ("c'est Heineken !", les habitués comprendront), c'est toujours aussi invivable. Entre le parking qui ouvre à peine un peu plus d'une heure avant le début du concert et le point de vue "zone industrielle en friches", c'est charmant, tout de suite, charmant... Et bon, ce n'est pas fini. Je ne vais pas me plaindre des attentes interminables rythmées par de la drum'n'bass infâme et Zebda en boucle (non non, ce n'est PAS de la propagande ce truc, Big Brother ne vous regarde pas du tout du tout), car l'attente est inévitable dans les concerts. Raphael, survivant de Paris (mais heureusement pas de Tom McRae à l'horizon), provoque d'abord la consternation de mon entourage, avant de déclencher un grand éclat de rire salvateur, grâce aux paroles hallucinantes de ses chansons ("un dimanche en famille" (fixette Radiohead-No Surprises avec une louche de Placebo, mais on se sent toujours bien plus près de Patriiiiick Bruel), "l'ennemi vient de l'intérieur", l'inénarrable "choisis ton camp" en conclusion). Il serait trèèèèès facile d'être trèèèèès méchant. Mais ce n'est pas la peine d'insister, let's move away.

        Frank Black et ses Catholics vont monter sur scène à une heure où à Paris ils avaient déjà fini. Sans limite de temps ce soir, ils vont se lâcher pour délivrer un concert marathon digne du Boss. Tout Dog In The Sand va être joué (à part, encore, St Francis Dam Disaster et The Swimmer), à peu près tout le set de Paris va y passer, plus une flopée de bonus affolants. Si, sous l'impulsion de Dolmancé et de votre serviteur, le public arrive à réagir quelque peu durant la première partie, la seconde moitié verra une salle épuisée rester tétanisée par le Titan. A tel point que profitant de la consternation consécutive à l'absence de mouvement de foule sur le génial All My Ghosts, je fis retraite vers les toilettes, avant de revenir terminer le concert dans mon coin (à droite près des enceintes ("mais comment fait-il ?", boules Quiès (tm), tel est le secret !), sautant tout seul comme le fan sourd et aveugle que je suis. Si vous étiez dans la salle, vous m'avez sans doute forcément remarqué (hé ! Tout vêtu de noir, bien évidemment !). Mais nous sommes déjà à la fin alors que nous n'avons pas encore commencé. Car en ce mardi 13, Frank Black voulait du rock'n'roll, croyez-moi !

        Je ne vais pas faire le détail dans l'ordre, disons que les points d'orgue furent en grande majorité les mêmes qu'à Paris, mais encore plus hauts. J'ai plusieurs favoris au titre de "plus grands moments" de ce concert (et de tous les concerts que j'ai vécu en fait). Mais j'avoue qu'en premier lieu je citerai avant tout et surtout, la reprise du Black Rider de Tom Waits. Qui ne m'avait pas vraiment convaincu à Paris, mais qui, là, en ce mardi soir béni des Dieux, m'a transporté plus haut que le 7e ciel. Dolmancé (qui venait de découvrir la géniale version originale à peine quelques heures avant) et moi-même (fan hardcore de Tom Waits depuis un long moment), nous sommes mis à hurler les paroles absolument sublimes de cette folie. Frank Black en délivre une version métal touchant les étoiles (au moins du niveau de la reprise de Head On, par exemple, c'est vous dire). COME ON ALONG WITH THE BLACK RIDER !!! WE'LL HAVE A GAY OLD TIME !!!! Avec un pogo, sans doute le plus brutal du concert, qui a vu les dix premiers rangs se condenser en à peine trois. A cet instant-là, indéniablement, je ne peux pas vous le cacher, il fallait être présent dans cette salle, ce soir-là, au moment où Frank Black, possédé par l'esprit de Tom Waits (et inversement), réclamait notre compagnie et nous annonçait, avec un humour et une énergie à jamais inimitable : I'll Drink Your Blood Like Wine. Je ne sais pas si un jour il enregistrera cette reprise en studio, tout ce que je sais c'est que ce n'est qu'en live, entre sauts et hurlements, que l'on peut vraiment vivre cette dernière folie avant l'apocalypse.

        Et Apocalypse il y eut ! Car Mister Thompson nous a sorti le grand jeu. Délivrant les versions live parfaites d'une grande partie de son répertoire. Fiddle Riddle, Everytime I Go Around Here, Sir Rockabye, Such A Wire, Steak'n'Sabre, Oddball, Skeleton Man, Fu Manchu, Superabound (SUPERABOUND !!!), Dog Gone, All My Ghosts... Une version, comme à Paris, malheureusement un peu lourdaude de Calistan (qui reste malgré tout l'une des plus belles chansons de l'histoire de l'humanité), on s'en fiche, on chante en chœur quand même. Et puis les instants de folie pure et de grâce absolue. Los Angeles, évidemment, toujours aussi géniale. So Hard To Make Things Out, qui reste encore et toujours l'un des plus grands moments des concerts. Encore une fois, Dolmancé et moi étions les seuls à réagir dès le début du morceau. Sur ce coup-là, c'est sûr, c'est moi qui ai lancé le pogo, j'ai poussé Dolmancé et la machine s'est mise en route toute seule. Ce fut épique. La quasi intégralité de Dog In The Sand, donc. Blast Off, presque en fin de concert, quand tout le monde était mort, plaisir évident. I've Seen Your Picture, intense à crever sur place. Robert Onion (enfin !), digne de ce que l'on pouvait attendre d'elle, c'est à dire une monstruosité métal. Stupid Me, en surprise, pause délicate au milieu de la bataille. Bullet, phénoménale, et ça y est je commence à manquer de superlatifs. Hermaphroditos, tout à fait au début, ça se passe de commentaires, on y a survécu, si si ! I'll Be Blue, tout à la fin, juste avant le rappel, quand monsieur Black a repris sa guitare acoustique, on en pleure de bonheur (presque !). Llano Del Rio, de plus en plus sympathique. Dog In The Sand, juste avant l'inévitable Where Is My Mind, un instant de magie, forcément.... If your heart is sad... Give your dog a bone.... Et If It Takes All Night ? Oh oh ! Attendez, je vous la garde pour le final !

        Six Sixty-Six !!!!! En version Black Sabbath, toujours et encore ! Pendant un instant j'ai eu peur qu'il ne la joue pas, et ce fut un tel instant orgasmique quand il l'a débuté que, ahlala, c'est indescriptible. Affolant, tout simplement, affolant. Avec plusieurs fois le signe de l'Antéchrist sur le front ! Et le public totalement tétanisé. Tant pis pour lui, il n'a pas compris ce qui se passait à cet instant devant ses yeux et dans ses oreilles. L'un des plus grands concerts de tous les temps, oh que oui ! On vous a parlé des Who, des Rolling Stones, de Springsteen, et bien ce mardi soir il y avait Frank Black & The Catholics à leurs côtés. Et les Pixies ?? Toujours les favoris du public, qu'on le veuille ou non. Ce qui énerve toujours mon ami Dolmancé, qui a copieusement insulté les personnes présentes à coups de "public Fight Club !" (ce qui est pour lui une injure conséquente). Le pauvre Dolmancé, coincé au milieu de la salle pendant la seconde moitié du concert, et incapable de donner libre cours à son fanatisme sans subir les regards réprobateurs de quelques coincés. Pour en revenir à votre serviteur, j'étais vraiment très peinard sur la droite de la scène pour cette seconde partie du live, étant parfaitement libre d'épancher mon fanatisme sans risquer de percuter un rigolo quelconque. Oui je sais, on n'a pas vraiment l'air intelligent à remuer le haut du corps d'avant en arrière sur le rythme ou à sauter sur place quand tout le monde s'en fout. Mais c'est ça la symbiose. Et croyez-moi, niveau symbiose, je n'ai pas été déçu. J'en profite, et oui, bah voyons, pour remarquer, encore et toujours, que c'est le public féminin qui a le mieux tenu le choc (désespoir légitime devant le fait que la plupart des gracieuses fans proches de ma personne ne s'éloignaient jamais très loin de leurs forcément très antipathiques boyfriends). Ce qui me fait penser que je me suis retrouvé juste derrière le monsieur qui réclame "play The Jacques Tati !!!" à chaque fois (l'encourageant d'ailleurs par un "ouais !" bien senti), est-ce le même depuis 96 ? Me lit-il ?

        Mais revenons aux Pixies. Et bien il y a eu Gouge Away, connu par cœur par tout le monde. Puis Nimrod's Son, connu par cœur aussi. Mr Grieves, toujours, des "la la lala" partout, et un mouvement de foule affolant. Et Dancing The Manta Ray, moins connu, hé hé hé, mais totalement sublime. Puis un long moment sans farfadets. Ce qui fut une pause bienvenue. Avant l'apparition de l'inévitable Monkey Gone To Heaven, bouleversifiant. Et en final, et oui, la version la plus incroyable, la plus intense, la plus formidable que vous puissiez imaginer de Where Is My Mind. Communion totale. Sans se préoccuper du public ou de l'effet de mode qui entoure ce morceau. C'est un tel chef-d'œuvre absolu, si tranchant et planant tout à la fois, que l'on se prend à rêver, à toucher les étoiles. Le monde s'effondre au ralenti, tout disparaît, le néant et le petit poisson, là, regardez-le nager au fond de l'eau. Un riff de guitare de fin de l'univers. Une rythmique qui fait vibrer le corps. Et la voix de Charles Thompson, inhumaine. Mais déjà c'est fini. Que des souvenirs, rien que des souvenirs. Oui, il fallait être là, il faudra être là la prochaine fois, je ne sais pas, croyez-moi, on ne voit pas ça tous les jours.

        Et le rappel, avec avant tout l'inédit 21 Reasons, qui laisse le public par terre, mort, achevé. Et un Edwood en train de sauter tout seul sur les solos affolants de notre nouvel ami Dave Phillips. Et l'ultime des ultimes ? Malheureusement pas Re-Make/Re-Model. Mais on ne perd pas au change avec ! avec ? avec If It Takes All Night ! Le fameux plus grand morceau de rock'n'roll de tous les temps (si si !). Accrochez-vous, il s'agit de tout donner. Le public s'en fout (ou du moins ne peut plus rien faire), mais j'avoue que j'ai failli pousser tout le monde sur cette irrésistible montée de refrain à se damner pour les 2000 ans à venir. Mais bon, c'est difficile de jouer les bourrins de 1m86 quand on à côté de soi de charmantes demoiselles de 1m50, surtout que je n'ai rien, mais alors rien d'un bourrin "en vrai" (oui mais, là, un concert de Frank Black, c'est "out of the reality"). Mais ce n'était pas grave, pas la peine d'être violent pour apprécier, là, en soi, résonnant dans la chair et l'esprit, cette musique libératrice, jouissive, vivante.

        Et voilà, il est 1h du matin et c'est bel et bien fini. 2h30 ! Bien plus qu'à Paris, pour un concert en à peu près tous les points supérieur. Malgré l'absence de deux des plus grands moments parisiens, Men In Black et Re-Make/Re-Model. Frank Black & ses de plus en plus excellents Catholics, ont délivré un spectacle incroyable. D'une énergie et d'une qualité phénoménales. Alliant ainsi la qualité live à la qualité des albums studios, et prenant facilement le titre de plus grand groupe de rock de la planète. Forget Your Ying And Go Fuck Your Yang ! Il ne reste vraiment rien pour les autres. Frank Black c'est l'humour, la bonhomie, la folie, la violence, l'émotion, tout et même plus. Oui c'est un fanatique qui parle, je sais, je sais. Mais franchement, et oui, c'était et c'est aussi bien que cela !

Meilleurs moments : The Black Rider, Six-Sixty-Six, So Hard To Make Things Out, Where Is My Mind, If It Takes All Night, 21 Reasons, Dancing The Manta Ray, Fiddle Riddle, Robert Onion, I've Seen Your Picture, Gouge Away, Dog In The Sand...


Photographies du concert de Frank Black en solo au Batofar en juin 2003


FRANK BLACK & THE CATHOLICS - PARIS - LE BATACLAN - 29/11/03

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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