Harry Potter à l'école des sorciers

Harry Potter et la chambre des secrets

de Chris Columbus

        Spielberg a grandi, Lucas a vieilli, Peter Jackson s'adresse aux plus anciens, mais que reste-t-il pour les petits ? Où sont passés nos Indiana Jones, nos S.O.S. Fantômes, nos Secrets de la Pyramide ? Certes on essaie de gâter les petits avec beaucoup de bruits et de n'importe quoi (Spy Kids, par exemple, pas le pire), mais où est l'émerveillement, la magie et l'effroi des grandes heures des années 80 ? Et bien cette magie a refait surface là où on ne l'attendait plus. Dans les livres. Avec un succès publique et artistique phénoménal (le terme n'est pas galvaudé ici). Harry Potter, il n'y en a que pour lui. Jusqu'à l'overdose. Mais, et c'est là que tout le monde tombe par terre, c'est amplement mérité. La série de livre est une saga d'une richesse folle mais surtout d'une puissance dramatique étonnante. Débutant comme un conte pour les petits enfants sages (les deux premiers tomes) et se poursuivant dans la veine des grandes œuvres fantastiques. Impossible de ne pas être happé, ému et émerveillé, oui, émerveillé. Mais nous ne sommes pas là pour parler des livres, même s'il y aurait énormément à dire sur le sujet. Nous sommes là pour évoquer les films.

        Bien, avouons-le tout de suite, il y a un problème de taille. Si vous n'avez pas lu les livres (là, cela doit concerner environ 10% de la population mondiale), vous n'allez pas y comprendre grand chose. Mais, si vous avez lu les livres, vous allez vous ennuyer. Parce que les Harry Potter cinématographique sont longs, assez laborieux, très explicatifs, et en même temps rythmés à la truelle. On zappe ou l'on s'éternise, il n'y a pas vraiment de demie-mesure. D'un point de vue narratif, les Harry Potter sur grand écran sont proches de la catastrophe. La richesse psychologique des protagonistes ainsi que leur nombre, qui ferait frémir monsieur Tolkien, ont été tranché dans le vif. En gros il ne reste plus que Harry, Ron et Hermione. Et des seconds couteaux. Ce qui est une trahison affolante de l'œuvre de Rowling.

        Mais ! Si l'on se dit que les films ne sont pas là pour remplacer les livres, on va chercher et on trouve bien d'autres sources de plaisirs. Le plus grand de ces plaisirs est visuel. Si quelques choix de décors sont fort discutables, la force des images des deux films est parfois formidable. Hogwarts existe avec un luxe de détails qui enchante littéralement. Je pense notamment aux immenses couloirs peuplés de peintures "vivantes", où ni les effets spéciaux, ni l'éclairage, ni la mise en scène ne viennent briser un seul instant l'atmosphère de "bizarre quotidien" qui est l'un des grands bonheurs des livres. Ce visuel transporte par instants, tant les effets spéciaux sont réussis (bien plus que ceux des récents Star Wars, par exemple et ils font souvent de l'ombre à ceux du Seigneur des Anneaux).

        Sans nul doute la forme des Harry Potter est un bel accomplissement. Costumes, décors, créatures, musique, accessoires et autres babioles frôlent la perfection. De même, le casting est dans l'ensemble fort juste même si l'on pourra regretter quelques faiblesses et excès du côté des jeunes comédiens (ah ! ce n'est pas facile d'incarner le fameux Harry Potter !). Par contre, des coups de génie du niveau de Robbie Coltrane dans le rôle de Hagrid, Maggie Smith dans celui du professeur McGonagall, le regretté Richard Harris dans celui de Dumbledore et surtout Alan Rickman dans celui de Snape, ne peuvent qu'être applaudis avec toutes nos mains disponibles. Alan Rickman, d'ailleurs, le plus grand des méchants du cinéma Hollywoodien contemporain, ici transformé en sosie de Trent Reznor, ne laisse pas de ravir à chacune de ses apparitions. Il EST Snape.

        Les atouts des deux films sont assez similaires. Le premier Harry Potter est plus léger et mieux rythmé que le second, qui lui, par contre, gagne déjà en maturité et en moments éprouvants. Certes, comme les livres, ces deux premières parties demeurent assez enfantines (notamment avec des gags à base de "WC pour filles" et autres "vomis de sangsues" (particulièrement beurk)). Et si La Chambre des Secrets semble interminable, les grands moments sont tout simplement exceptionnels. Outre un beau match de Quidditch, on notera une hallucinante scène d'araignées géantes (qui rentrent directement dans le top 10 des scènes d'araignées les plus flippantes du cinéma, rien que ça) ainsi qu'un combat final qui, sans atteindre la tension du livre, délivre quelques beaux moments. On regrettera juste que Chris Columbus n'ait fait absolument AUCUN effort d'adaptation, ni dans the Sorcerer's Stone, ni dans la Chambre des Secrets, et que donc ce soit un petit peu le bordel pour tout fait tenir dans un scénario cohérent. D'où le gâchis de certaines scènes clefs (les larmes du Phénix, par exemple) et l'extension à outrance de sous-intrigues moyennement utiles. Heureusement Columbus arrête sa contribution à la série et on souhaite de tout notre cœur que les adaptations suivantes soient de vraies adaptations.

        Sans, bien sûr, remplacer ou égaler le pouvoir de l'oeuvre écrite, ces premiers Harry Potter parviennent à raviver la flamme d'un époque révolue. On y retrouve un peu de ce qui faisait le charme des films que j'ai cité au tout début. Le côté à la fois merveilleux et horrifique des Indiana Jones ou du Secret de la Pyramide (auxquels on pense parfois énormément, d'ailleurs). J'aimerais avoir 11 ans à nouveau pour pouvoir vous hurler ma passion pour Harry Potter. Mais il semblerait que j'ai passé l'âge. Oui, c'est vrai, les films m'ont plu sans m'emballer (sauf les tableaux vivants, et puis Hagrid, et puis les araignées, et puis la basilic, et puis John Cleese dans un caméo inénarrable, et puis... hum... hum...). Mais quand même !

En résumé : Si vous avez un petit frère, une petite sœur, des enfants, ils adorent, ils vont adorer, c'est quand même mieux que Pokemon. De toute façon, c'est à voir et à ne surtout pas snober. Visuellement c'est parfois renversant, même si totalement bordélique dans ce que ça raconte. On s'en fout, on en prend plein les yeux. Et on est content. Heureux, même. Quant aux livres, ils sont rigoureusement indispensables, mais ça, vous le saviez sans doute déjà depuis longtemps.


La Chute du Faucon Noir

de Ridley Scott

        Quand Jerry Bruckheimer s'associe avec Ridley Scott, on peut craindre le pire, mais l'on sait que l'on va sortir de là, avec la migraine certes, mais difficilement déçu par rapport à ce que l'on était venu chercher. Car, que venir chercher devant un tel film à part 2h30 d'action bourrine et de spectacle brutal ? Le résultat ne déçoit à aucun moment, et va même au-delà des attentes. Si Spielberg et son Soldat Ryan offraient sans doute une histoire un peu plus solide et des personnages plus intéressants, les deux insoutenables scènes de combats duraient environ une longue cinquantaine de minutes sur l'ensemble des 3 heures. 50 minutes, de surcroît, coupées en deux, au début et à la fin du métrage. Dans la Chute du Faucon Noir, Ridley Scott oblige, il faut aller plus loin, plus haut, plus fort. Donc nous avons droit à quasiment 1h30 non-stop de guérilla urbaine d'une violence incroyable, même pour les plus blasés des spectateurs. Au début, on se dit que cela peut être amusant, comme un grand jeu vidéo en live. Et rapidement, on réalise que le divertissement fait place au dégoût. On ne peut pas accuser Bruckheimer et Scott d'avoir donné une image "fun" de la guerre. En effet, le film devient vite tellement gore, angoissant, cruel, ambigu et surtout brutal, que l'on n'est pas loin d'être physiquement malade. Comme devant le Soldat Ryan, mais encore plus longtemps. Trop longtemps.

        Ahlala. On n'a pas attendu Scott pour savoir que la guerre c'est stupide et horrible. Et dans le "genre" rien ne peut atteindre La Ligne Rouge, le seul et unique chef-d'œuvre absolu des dernières tendances guerrières d'Hollywood. Mais là, c'est le point limite. Impossible ou presque de reconnaître les protagonistes du film, tout le monde hurle, courre, tire, hurle encore, explose dans tous les sens. On pourra bien sûr rester abasourdi devant le fait que "seulement" 19 soldats américains sont tués au cours de la mission, quand plus de 1000 somaliens périssent. Constat parfaitement rendu à l'écran, les somaliens tombant comme des mouches dans un délire guerrier assourdissant. La Chute du Faucon Noir, derrière ses aspects de spectacle primaires, cache un grand film beurk, un film malade. Qui, sans doute bien plus que l'encore plus larmoyant Gladiator (auquel il ressemble parfois comme un frère jumeau), est le signe d'une possible résurrection du grand Scott que l'on a tellement admiré au début des années 80.

        Bien sûr, les tics exaspérants de Gladiator sont toujours là (la musique souvent pas du tout de circonstances et parfois ridicule, les filtres bleus partout, le pathétique qui surgit n'importe quand, n'importe comment, une complaisance dans le spectaculaire qui noie toute tentative de propos), mais les bons aspects aussi. La force dramatique, indéniable, qui permet d'être happé très rapidement par ce qui se passe à l'écran. Il manque juste Russell Crowe pour que l'on chante des cantiques en choeur. L'efficacité de la mise en scène et les "mais bon sang comment ils ont réussi à filmer ça !". L'impression de s'en prendre vraiment plein la gueule et d'être heureux. Mais aussi l'impression que Scott essaie, en veux, se donne à fond, tente de faire quelque chose qui sort de l'ordinaire. L'impression que l'on ne se moque pas de nous. Problème, quand on voit Hannibal, on déchante, là, c'est sûr, Scott se fout de nous. Mais ne le fait-il pas exprès ??

        Pour sûr, on est encore à des années lumières de la classe de Alien ou de Blade Runner (incroyables chefs-d'œuvre, dont on devine parfois la lointaine parenté avec les Scott actuels), mais la guérison se fait sentir. Car La Chute du Faucon Noir atteint ses objectifs, à savoir nous divertir avec la guerre pour mieux nous en dégoûter au final. Et en étant coincé entre le désir d'offrir du jamais-vu au spectateur et la dénonciation de la bêtise des conflits, Scott rend assez bien compte de notre rapport à la violence. La guerre nous fascine, nous préoccupe, nous excite sans doute au fond de nous-mêmes, on l'appréhende, elle nous terrifie, on la désire, c'est la pulsion la plus basique et aussi la plus refoulée. Voir s'étaler toute cette violence absurde et insoutenable nous met directement au pied du mur. Scott n'a pas le recul philosophique de Terence Malick ou le sentimentalisme tout à fait estimable de Spielberg, il nous montre des faits. Et on reste sous le choc. Vaguement malade et vaguement satisfait. On se dit aussi que s'il y a une guerre en Irak (inévitable, il paraît) et bien ce qui se passe à l'écran va redevenir réalité. Presque dans les mêmes décors et les mêmes circonstances. Alors on retient sa nausée et on se pose sur une chaise. On respire à fond, on pense, on se sent triste et très faible. La Chute du Faucon Noir est un hymne à la fatalité. Un sale film, quoi.

En résumé : Aussi spectaculaire que beurk, La Chute du Faucon Noir fait partie des films que l'on veut voir pour se divertir, comme on va à Disneyland, et dont on ressort avec la gerbe et la migraine, comme à Disneyland. A la fois un accomplissement admirable de cinéma et un pavé inattendu dans la mare des bonnes consciences belliqueuses. Bien sûr, ça fait quelques années qu'il est sorti, maintenant, tout le monde a oublié. D'ailleurs on va remettre ça. Dans quatre ans, ne manquez pas la Chute du Faucon Noir 2, Piège à Bagdad. Malaise.


Requiem For A Dream

de Darren Aronofsky

        J'ai enfin eu l'occasion de voir Requiem For A Dream. Disons, que j'ai provoqué cette occasion, parce que bon, tout le monde en a parlé, il fallait quand même juger par soi-même. Brisons le suspens immédiatement. Ce faux film culte, vrai film pour les djeunz, est un flan cinématographique. Je n'ai pas spécialement envie d'être méchant et je n'ai pas regardé le film avec des tonnes de préjugés (j'adore Jennifer Connelly, hein, faut le dire, d'ailleur on retrouve quasiment le même plan final que dans Dark City), mais chaque minute est rapidement devenue un calvaire. Aronofski accumulant tous les pires tics du cinéma actuel. Filtres moches (verts "Matrix" et bleus "80's" de préférence), montage pseudo "choc" (qui ferait bien rigoler le De Palma de Phantom Of The Paradise (1974, quand même)), mise en scène tarabiscotée qui veut faire croire qu'elle colle à son sujet (la drogue, l'incompréhension, la violence au quotidien, tout ça), musique grotesque (un mélange de sons électroniques, de beats industriels et d'orchestre symphonique que refuserait même un Trent Reznor ou un Al Jourgensen défoncé au dernier degré), des acteurs vachement impliqué qui joue très bien les gens qui ne vont pas bien, etc... etc... Sans parler du "message" tellement lourdingue qu'on croirait un sketch des Guignols de l'Info période Bruno Gaccio. Vous voyez, la drogue, c'est pas bien, mais c'est un cri de détresse. C'est la société qui nous a fait comme ça, quoi. Et puis la TV, c'est pareil que la drogue, c'est même pire ! Mais c'est un cri de détresse. A ne pas manquer, le parallèle à mourir de rire entre la prise de l'héroïne et la prise de la télécommande. On voit la finesse.

        Encore plus prétentieux que son Pi (le "je veux être" Eraserhead le plus embarrassant des années 90), Requiem For A Dream (rien que le titre, même pas celui du roman) ne fait que conforter l'image d'Aronofski. Celle d'un petit malin qui aime faire joujou avec sa caméra. Mais contrairement à Fincher, il choisit bien mal les sujets qui lui servent de prétexte à ses amusements. Seven avait pour lui un suspens de haute volée et une ambiance novatrice (en son temps, plagiée par tout le monde depuis), Fight Club osait raconter n'importe quoi et plonger tous les genres dans un vaste bouillon jouissif, Panic Room ne pétait pas plus haut que son cul. Mais là, Requiem For A Dream, vous voyez, les jeunes, y a un message. Et puis il est fort le message. Du moins on te l'imprime dans ta gueule de fan de MTV, le message. Et soudain, on comprend, on se souvient, on retrouve la mémoire. C'est bien sûr à Natural Born Killers (Tueurs Nés en VF), l'autre flan culte, auquel on pense. Comme Oliver Stone, Aronofski veut dénoncer la violence, mais surtout celle des médias, avec la grâce et la légèreté d'un troupeau d'éléphants murgés à la vodka russe.

        Dans un final qui se veut vachement puissant (mais qui est surtout bruyant), Aronofski tombe le masque et s'empêtre dans les mêmes filets que Gaspar Noé au début de Irréversible. Mais voilà, Noé a été bien plus malin, lui ; son final ridicule, il l'a mis au début et c'est un peu ainsi qu'il sauve son film. Chez Aronofski, rien de tout cela, ce qui était prévisible (et irréversible, donc, on va pas faire dans la finesse, je vous l'ai dit), se produit bien à la fin et dans un déluge visuel et sonore démesuré. On admire les performances d'acteurs au passage (car ma foi, les acteurs sont bons), on verse sa petite larme (parce que c'est larmoyant, vous pouvez pas imaginer, c'est américain, tout ça), et puis voilà. On est à des années lumières de la classe de ces terribles descentes aux enfers que sont Taxi Driver, Ragging Bull ou bien sûr Voyage Au Bout de l'Enfer. Ici c'est plutôt la méthode Apocalypse Now, le côté "sons et lumières glauque". Mais bon, tout cela tient de la vidéo à montrer dans les écoles. La drogue c'est pas bien, la télévision c'est pas bien, l'incompréhension dans les familles c'est pas bien, il faut aider les gens plutôt que de les frapper, les enfermer, les électrochoquer, les abandonner à leur triste sort. Ah oui, c'est un film sur la solitude. Au cas où on ne l'aurait pas compris dès les premières secondes et l'emploi du split-screen. L'incompréhension et la solitude. C'est vachement fort. Et comme si ce n'était pas assez fort on va vous rajouter des flashes dans la figure, pour que vous compreniez bien que c'est tragique.

        Requiem For A Dream mouline donc de la bonne conscience à peine digne d'un téléfilm de M6. Mais il le mouline très fort. Le film reste à voir, car sa forme possède un intérêt tout relatif. Un peu comme Matrix, les deux œuvres étant finalement assez proches. On reconnaîtra aussi le talent des acteurs, investis sans réserve. Juste pour eux, vous ferez sans doute l'effort de tenir jusqu'au bout. Mais tant qu'à faire, sur le même sujet, pourquoi ne pas revoir Trainspotting ? La démarche était un peu la même (la drogue, la solitude, essayer de s'en sortir, le tout avec une mise en scène et une bande son dans ta gueule), mais autrement plus intéressante (de l'humour, de l'optimisme, sans exclure les moments terribles et cruels). Et je ne reviendrais pas sur les chefs-d'œuvre de Scorsese, parce que j'ai été suffisamment méchant avec Aronofski. Mais il le mérite. Quand même. C'est lui qui a commencé. D'abord !

En résumé : Encore un film creux, décidément, c'est pas moi qui les invente. De la forme, de la forme, de la forme, avec un fond prétexte d'une banalité, d'une bonne conscience et d'une vacuité attristantes. Un film pour les sorties scolaires. C'est déjà moins chiant que les productions Claude Berri, me direz-vous.


Le Cauchemar de Dracula

de Terence Fisher

        Quand Warner Video fait des efforts, ma foi, cela peut être payant, pour exemples fameux, les éditions spectaculaires du Magicien d'Oz et de La Mort Aux Trousses. Alors, pourquoi ? Pourquoi faire un aussi triste sort à l'un des plus grands classiques du cinéma Fantastique ? Dans le DVD du Cauchemar de Dracula, l'un des films fondateurs du fameux studio Hammer, il n'y a rien, à part le film, et encore. Car si la copie ne présente pas trop de défauts, elle reste bien terne. On sait fort bien que le Technicolor pourrait être bien plus flamboyant. Quant à la piste sonore, elle est étrangement mixée. Les dialogues sont enfoncées dans les limbes et la légendaire musique (plus ou moins pompée pour le très mauvais Dracula de Coppola) explose en première ligne à faire renverser tout le vaisselier. Et je ne vous parle même pas du sous-titrage, qui assure le strict minimum syndical, quand il ne s'offre pas carrément des contre-sens. Ouf. C'est un peu désolant. Heureusement Warner n'a, cette fois, pas jugé bon de fournir une copie censurée. Le film doit être suffisamment ancien pour paraître sans conséquences. Ah si, quand même, on nous précise qu'il demeure interdit aux moins de 12 ans. Et c'est justifié.

        Car, on rigole, on rigole de nos jours, car Christopher Lee est surtout connu pour son inénarrable incarnation de Saroumane pour Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, ainsi que pour son passage dans l'Attaque des Clones. De manière amusante, et sans doute calculée, son éternel ennemi cinématographique, l'encore plus génial Peter Cushing, est maintenant plutôt célèbre pour sa quasi figuration dans le premier Star Wars. Ah, le temps détruit vraiment tout. Heureusement, peu à peu, les grandes heures de la Hammer refont surface. Ainsi, le fondateur Frankenstein S'est Echappé et le non moins mythique La Malédiction des Pharaons, viennent aussi de sortir en France. De surcroît, une édition estimable et peu onéreuse du Chien des Baskervilles circule ça et là. Bon, d'ici peu on trouvera du Freddie Francis dans votre Monoprix. Je sais, je fais de l'éducatif, là, mais bon, faut-il ajouter quelque chose sur la qualités de ces œuvres ?

        Bien loin d'avoir pris des rides, le Cauchemar de Dracula n'a rien perdu de son efficacité. Maintenant, on a droit à des tonnes d'effets spéciaux, du montage charcutier, des mouvements de caméra pas possibles, des lumières qui clignotent, de la musique omniprésente, des acteurs hystériques, du second degré pour les cons et des budgets incroyablement plus élevés. Mais alors, ma bonne dame, le résultat n'atteint même pas la classe du générique d'ouverture de cette grande merveille de Terence Fisher. Car, sans avoir recours à un montage brutal ou à des tonnes d'effets qui finissent par tuer la force des images, le Cauchemar de Dracula maintient un rythme éprouvant, angoissant, sans faiblesse. Fisher transgresse grandement le roman de Bram Stocker, mais on s'en fiche. L'efficacité de l'histoire, l'incroyable puissance du visuel (pourtant étriqué au possible) et la qualité exceptionnelle de l'interprétation, offrent l'éternelle jeunesse au film. Là où l'adaptation niaise de Coppola devient année après année un monument de kitsch, Le Cauchemar de Dracula reste une référence. Difficile d'imaginer un Dracula plus brutal, animal et effrayant que Christopher Lee et impossible de remplacer Cushing dans le rôle de Van Helsing. Acteur tendu comme un arc, magnétique et inspiré, Cushing a offert les interprétations cinématographiques définitives de personnages tels que le docteur Frankenstein, Sherlock Holmes et bien sûr Van Helsing. Si pour Sherlock Holmes, Jeremy Brett, dans la série télévisée, reste l'interprète idéal, pour Van Helsing, ce n'est même plus la peine de s'y frotter.

En résumé : Toujours aussi angoissant, brillant et riche, le Cauchemar de Dracula domine l'histoire du cinéma Fantastique d'une ombre difficile à oublier. Si le DVD Warner rend très moyennement grâce à ce pur chef-d'œuvre du 7e art, l'achat demeure indispensable. Juste pour bien réaliser que l'on n'a que très rarement fait mieux depuis, et pourtant Dieu sait que le genre Fantastique est l'un des favoris du public. Oui, mais la classe du trio Fisher/Cushing/Lee est inégalable. Sublime.


Nid de Guêpes

de Florent Emilio Siri

        Vous avez déjà du en entendre beaucoup de bien. Et pourtant vous êtes loin d'être convaincus. C'est sûr, a priori, ça a tout pour craindre. Un énième "film de genre" français nouvelle génération. La banlieue de Strasbourg (tellement glamour). Un scénario très convenu. Et puis Samy Nacéri, l'idole des djeunz, Taxi & co. Ca calme. On fuit. On ne veut même pas en entendre parler. Mais bon, on en a lu tellement de bonnes choses, qu'on se dit qu'on va donner une chance, une ultime (?) chance au cinoche français des années 2000. Au mieux ce sera drôle (comme le Pacte des Loups ou Vidocq) au pire ce sera infâme (comme les productions Besson). Et bah on se fourre le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Nid de Guêpes est tout simplement le film que John Carpenter n'arrive plus vraiment à faire (du moins qu'il a bien raté avec Ghosts Of Mars). Un film de siège carré, niquel, sans fioritures inutiles, brutal, classique et classe. Une fantastique série B qui ne révolutionne rien, quoique au niveau du paysage français, si, Nid de Guêpes tient d'une petite révolution. Parce que Florent Emilio Siri refuse toutes les facilités du "nouveau cinéma de genre". Pas de second degré, pas d'humour, pas de rap, de techno ou de chansons à la mode, pas de focalisation sur une "star", pas de vulgarités. Son Nid de Guêpes respecte ses héros, respecte sa très belle musique symphonique, respecte sa superbe mise en scène. Sans jamais en faire trop, mais sans jamais ne pas donner le maximum pour autant. Certains moments du film parviennent ainsi à être exceptionnels. Et si l'on pense énormément à Carpenter (et a Assaut, référence trop évidente, mais pourtant omniprésente), Nid de Guêpes ne joue par la carte de la nostalgie passéiste.

         Fort de personnages touchants et jamais ridicules (à part peut-être le "super méchant", un peu trop chargé, mais finalement pas plus que dans un film HK) et d'une progression dramatique étouffante, Nid de Guêpes n'ennuie pas une seule seconde. La surprise est donc de taille, tant ce film est jouissif, prenant et admirable. On n'osait plus en espérer un comme ça, là, tenez, avouons-le. Un film qui ose affronter et se fondre dans le genre qu'il vise, sans essayer d'être plus malin (et donc le plus souvent d'être totalement crétin). Siri ne s'embarrasse d'aucune sous-intrigues, va droit à l'essentiel, décanille méthodiquement ses protagonistes, insiste sur l'honneur, le sacrifice, la bravoure. Tout ce que l'on aime dans un bon gros film d'action. Et dans le genre Nid de Guêpes est une référence.

 
 
 
 
 
 
 
 
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