KLF, ahlala... KLF... C'est une si longue histoire. J'emploie souvent l'expression : "tout est là !". Mais c'est seulement dans le cas de Bill Drummond et de Jimmy Cauty que je peux, en bonne et due forme, affirmer : tout est vraiment là. Où ? Et bien je vous oriente tout de suite vers ma page KLF. Le lieu à la fois le plus ironique et le plus sincère de ce site. Paradoxalement, ce sont ces deux messieurs, qui refusent toute gloire, qui luttent devant toute starification, qui exècrent le culte qui les entoure, qui brûlent tous les vestiges de leurs œuvres, qui sont les plus fervents chantres de la "disparition" et de la "déception" ; ce sont ces deux messieurs que je reconnais le plus volontiers comme mes inspirateurs essentiels. Paradoxal et tout à fait logique. Je me retrouve en eux, dans leurs actes, dans leurs paroles, dans leurs innombrables contradictions, dans leurs doutes infinis, dans leur humanité bouleversante. Mais je suis en train de faire de la philosophie, et nous sommes là pour parler musique.

        L'œuvre musicale de Drummond et Cauty est immense. Mais il n'en reste quasiment plus rien. Même si je peux me vanter d'avoir réuni au fil des années (et ce en pleine contradiction avec la "pensée" KLF) la quasi intégralité de leurs travaux (enfin, c'est très prétentieux, ils ont commis tellement de délires underground...), pour le commun des mortels, tout a... forcément... disparu... Oublié, le vital album solo de Drummond, The Man. Enterrée, la définitive errance ambient de Space. Brûlé, le 1987 What The Fuck Is Going On ? qui mis fin au genre "rap" il y a déjà tant d'années. Aux objets trouvés, le It's Grim Up North qui inventa le "big beat" et toute la techno des années 90. Jamais éditée, la BO de la Bible surréaliste Bad Wisdom. Evaporée, la BO du film à jamais inédit, The White Room, avec les versions originales plus belles que tout de No More Tears et de Go To Sleep. Epuisé, le toujours aussi révolutionnaire single America What Time Is Love. Evanouie avec l'aube, la version originale de 3am Eternal, peut-être la plus magique chanson du monde. Jamais traduites et déjà "out of print", l'auto-biographie de Bill Drummond, "45", aussi essentielle que Le Rouge et le Noir ou que l'Ethique de Spinoza. Déjà du passé, l'hymne situationniste ultime, le dernier bras d'honneur du 20e siècle, Fuck The Millenium. Triste et merveilleux, tout à la fois. Triste de voir ainsi quelques unes des plus importantes œuvres musicales et extra-musicales demeurer inaccessibles. Et merveilleux de voir, contre vents et marrées, deux artistes aller jusqu'au bout et même plus loin. Sans concessions, en accord avec eux-mêmes, dans tous les doutes, les souffrances, les questionnements existentiels que cela supposent. Oui, ils ont brûlé 10 millions de francs, oui, c'est un acte terrible, aussi sublime que stupide, ils sont allés trop loin, pour se rendre compte qu'il n'y a finalement pas de limites. Génies ridicules, clowns philosophes, créateurs déçus, Drummond et Cauty incarnent comme peu d'autres, la définition même de l'Artiste avec un big A. Mais voilà, je me suis encore éloigné de la musique, ahlala...

        Chill Out ? L'album ambient absolu. 45 minutes de rêve. Un long voyage ferroviaire nocturne au cœur des Etats-Unis. La pensée, le songe, mis en musique. Le résultat défie le langage. Imaginez. Vous êtes dans un train de nuit. Vous entendez le bruit des machines, les murmures autour de vous. Vous regardez le paysage qui défile comme au ralenti. Vous entendez sans entendre la bande son de ces paysages. Le murmure d'un ruisseau, quelques gouttes de pluie, les cris des animaux nocturnes. Plus loin c'est un troupeau de moutons (why sheep ??), avec les appels du berger et les aboiements du chien qui résonnent dans votre esprit embrumé par le sommeil. Vous vous souvenez des indiens, premiers habitants de ces contrées, dont les chants millénaires remontent mystérieusement à vos oreilles. Vous divaguez, poursuivant une vieille mélodie qui vous a marqué, aujourd'hui ou il y a des années, Justified And Ancient, et surtout un monument d'Elvis The King, In The Ghetto. Entre rêve et réalité, vous filez au rythme de la guitare cotonneuse de David Gilmour, avant de vibrer sur l'électricité inégalée de Jimmy Hendrix. Un avion, une voiture, des chœurs angéliques... Le son d'une radio étouffée, sans doute amenée dans le train par un autre voyageur : les informations de la nuit, une publicité déclamée par un prêcheur fou, forcément fou...

        Chill Out c'est cela et un milliard de choses encore. Tout est dans ce disque. Il suffit de lire les titres des "morceaux" pour comprendre. "Six Hours To Louisiana, Black Coffee Going Cold", "Dream Time In Lake Jackson", "3am Somewhere Out Of Beaumont", "A Melody From A Past Life Keeps Pulling Me Back" et le plus beau titre de l'histoire du disque "Alone Again With The Dawn Coming Up". Chill Out est le disque qu'il faut emmener sur une île déserte. C'est le disque qui accompagne tous les moments de la vie. Et bien sûr c'est la bande son idéale pour toutes les longues soirées d'hiver, d'été, de printemps, d'automne. Toutes les nuits solitaires ou non. Vous n'aimez pas Chill Out ? Vous n'aimez pas la vie.

        The White Room ? Le plus grand album de dance de tous les temps. Le plus grand album de house, de techno, d'ambient house, etc... On s'en fiche, tout est là (encore une fois). C'est très court (il y a un maxi bonus, mais bon, cela ne fait jamais qu'une chanson (géniale) de plus). 10 morceaux pour tout réinventer et pour offrir au monde des instants comme il n'en a jamais entendu. Ca démarre sur What Time Is Love. Ou presque... Tout d'abord, sur une brise légère, voici l'intro de la version originale de Justified and Ancient (enfin, il n'y a pas de "version originale" de cette chanson, qui a connu des dizaines d'incarnations différentes depuis sa vraie première version sur 1987 : Hey Hey We're Not The Monkeys), et au bout d'un refrain, bam ! Le sample mythique du MC5 ! "It's time to, it's time to... KICK OUT THE JAMS MOTHERFUCKERS !" Notez l'efficacité de la chose. JAMS étant le nom le plus fréquemment utilisé par Drummond et Cauty (Justified Ancients Of Mu Mu), et ce morceau des MC5 étant l'une des plus célèbres incarnations du rock tel qu'on le rêve. Aussitôt on enchaîne sur le morceau de techno-dance le plus efficace des années 90. Comment décrire What Time Is Love ? Rien ne peut lui faire de l'ombre, pour l'éternité vous êtes condamnés à vous épuiser sur ce chef-d'œuvre.

        Une pause sur le premier morceau "Soul" de l'album, le fantastique Make It Rain. Puis vient la version Live At The S.S.L. de 3am Eternal, moins poétique et onirique que la version originale, mais d'une énergie redoutable. Irrésistible. KLF IS GONNA ROCK YOU !  Une autre pause sur la profession de foi de Church Of The KLF ("tout a été essayé, amour, haine, etc... la religion du KLF est celle du doute !" c'est bien plus intelligent qu'il n'y paraît). Et la troisième partie de la trilogie Stadium House (les trois morceaux dance les plus efficaces du 20e siècle), après What Time et 3Am, voilà Last Train To Trancentral qui va vous laisser exsangue sur le sol. Anecdote ultra célèbre, les cris et applaudissements du public ont été samplés du Rattle and Hum de U2, comme quoi, U2 peut faire de bonnes choses.

        La fin de l'album calme le jeu sur un enchaînement de ballades soul d'une beauté incroyable. D'abord Build A Fire, magique, puis la chanson titre, The White Room, phénoménale. Et le sommet émotionnel, No More Tears, peut-être (et même sans doute), le plus sublime morceau de l'album. On ne sait plus quoi dire, c'est trop splendide. "Sunshine on a winter's day.""No more tears, as we roll, roll, roll through the years." C'est aussi simple que génial. Et on termine sur la version avortée au début de l'album de Justified And Ancient, toute simple, pleine "d'âme". Les paroles rigolotes, le mysticisme délirant des KLF, fonctionnent comme ceux de Frank Black/Black Francis des Pixies. On est touché alors que c'est "n'importe quoi". KLF ne se prend jamais au sérieux, jamais, c'est une règle d'or. On ne les remerciera jamais assez pour cela. Une dernière preuve avec le maxi single de Justified and Ancient, la version avec Tammy Wynette, la regrettée première Dame de la country. Un tube en or massif, d'une efficacité proverbiale. Drôle et enthousiasmant, gai, léger, plein de vie et de magie. Que demander de plus ? Oui, bon sang, TOUT est là !

        Les KLF étaient excessifs. Les KLF étaient discrets (pendant longtemps, en hommage aux Residents, ils refusaient toute apparition publique, se cachant derrière une voiture (!!!) ou d'énormes lunettes noires avec de grands K-Ways capuches rabattues (merci messieurs de Daft Punk, vous arrivez après la bataille)). En parlant de Daft Punk, aucun problème, il suffit d'écouter The White Room pour découvrir un disque qui semble être sorti 30 ans après toutes les bouillies primaires de la "french touch". Les KLF, musicalement, ont toujours de nombreuses années d'avance. Les KLF, dans leurs œuvres, seront TOUJOURS en avance sur tous les autres. Inégalables, ils le resteront. Du strict point de vue musical, ils sont parmi les plus grand inventeurs des années 90. De tous les autres points de vue, ils sont incomparables. Et bien sûr, inimitables, car imiter Drummond et Cauty, c'est n'avoir rien, mais alors rien, compris au film. Achetez leurs disques, copiez leurs disques, faites tout ce que vous voulez. KLF c'est un art de vivre, mais c'est aussi de la musique pour accompagner cette vie.

 
 
 
 
 
 
 
 
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