Dans ce dossier je fais un sort au groupe par lequel tout et même plus a commencé et à son plus charismatique membre. Promis, un de ces jours je ferais un dossier John Cale et Nico, qui méritent largement eux aussi un hors-série. Donc, plongeons dans les eaux boueuses du New-York glauque et sélectionnons quelques albums pour essayer de mieux comprendre l'influence hénaurme qu'ont pu avoir le Velvet et son Lou.


velvet-nico.jpg (9291 octets)     - The Velvet Underground & Nico (1967)

        Cet album est un mythe, une œuvre d'art totale qui demeure encore aujourd'hui franchement révolutionnaire. Tout ce qui s'est fait depuis 1967 est là. A la base il y a un happening de Warhol, un mélange sulfureux de musique, de bruits, d'images, de performances et de surréalisme glamour. Le casting fait toujours rêver : Lou Reed, le poète du sordide, incapable de chanter ou de jouer juste, chantre de la drogue et du stupre décadent. John Cale, extrémiste de l'avant-garde tcharbée, violeur de violon et futur producteur inspiré. Sterling Morrison, musicien par erreur, qui a vu de la lumière et qui est entré sans trop savoir pourquoi. Maureen Tucker, femme à poigne qui joue de la batterie debout. Et Nico, le top-model qui inventa le gothique et qui n'hésita jamais à repousser les limites de la décadence, de la haine de soi et des autres et de l'auto-destruction, elle fut la plus sophistiquée et la plus rock'n'roll, elle fit de son existence même une œuvre d'art baroque et morbide. Pas la peine d'en rajouter, on ose à peine imaginer le résultat. Et on a raison. Sur cet album en forme de clef de voûte du rock, il y a aussi bien la pop la plus cristalline passée à la moulinette (Sunday Morning, There She Goes) que l'expérimentation la plus pure, mille fois imitée, jamais égalée (Heroin, The Black Angel's Death Song, European Son). On y entend aussi bien le souffle de l'ange de la mort (All Tomottow's Parties, acte de naissance du gothique), que les râles du junkie (I'm Waiting For The Man). Ca crisse et ça cogne (Run Run Run) et ça murmure d'outre-tombe des menaces glamours (Femme Fatale). Et au final ça magnifie le sado-masochisme dans une profession de foi immortelle (Venus In Furs) et ça nous glisse la plus belle déclaration d'amour de ce côté-ci de l'Enfer (I'll Be Your Mirror). Ca vit au cœur des ténèbres et on imagine fort bien que de très nombreuses générations d'auditeurs resteront béats face à ce disque sublime et unique. Le reste n'est plus que littérature.

velvet-white.jpg (5560 octets)    - White Light / White Heat (1967)

        Moins "pop", plus hermétique, franchement expérimental, moins riche, aussi hypnotique que la meilleure techno, ce deuxième album fait encore baver d'envie tout le petit monde du rock "alternatif". Et oui, le Velvet c'est à la fois du pop-rock gracieusement sordide (la chanson titre, Here She Comes Now, I Heard Her Call My Name) et de formidables monstres sonores malades (The Gift et Sister Ray). Aussi important et inécoutable que le Loveless de My Bloody Valentine, cet album fait aussi peur qu'il fascine. Mazette...


velvet-velvet.jpg (7898 octets)    - The Velvet Underground (1969)

        John Cale était l'extrémiste de l'histoire (et c'est pourtant lui qui donnera l'album le plus gracieux post-Velvet avec Paris 1919) et après son départ du groupe (au profit de Doug Yule), un Lou Reed franchement pop-folk prend les commandes. Dès Candy Says, on croit presque entendre un nouveau groupe. Si les anciens "écarts" pop du Velvet étaient noyés dans des sonorités bizarres (Sunday Morning) ou un Fantastique à toute épreuve (tout ce que chantait Nico), ici on se trouve face à des chansons presque "normales". Alors, c'est à la force de la mélodie et de l'énergie que le nouveau Velvet trace son chemin. Et ça marche, forcément, on adore. C'est moins spectaculaire, mais largement aussi impressionnant au fil des écoutes. Toutes les chansons possèdent une personnalité gigantesque, pour exemple le divin Pale Blue Eyes ou le toujours très gothique I'm Set Free. Il reste bien une bizarrerie expérimentale (The Murder Mystery), mais dans l'ensemble le Velvet laisse de côté la provocation pour tout miser sur les chansons. Le résultat, un peu moins connu que les deux premiers albums, est largement aussi exceptionnel et indispensable. Ce troisième album est un recueil de petites perles immenses, si, si, qui n'ont pas pris l'ombre du début de la moindre ride. De quoi être K.O. sur place, je vous aurais prévenu, surtout quand Maureen fredonne l'immortel After Hours.

velvet-loaded.jpg (10837 octets)    - Loaded (1970)

        Malgré le départ de Reed avant l'achèvement de l'album, Loaded est le digne successeur de The Velvet Underground. Encore plus pop, presque "normal" par instants, Loaded supporte très bien le poids des ans et sa réputation de Beach Boys glauque. Il suffit d'entendre Who Loves The Sun pour comprendre, c'est de la folie moins tonitruante que sur les premiers albums, mais c'est de la folie quand même, la même qui habite le Good God's Urge de Porno For Pyros. Les chœurs font "pa pa papa" et pourtant ce n'est pas du Sheila, croyez-moi. Et même si l'on s'est longtemps astiqué sur le riff (monstrueux) de Sweet Jane, Loaded vaut largement que l'on s'y arrête un (long) moment. Cet album a moins inspiré Sonic Youth que Eels ou Beck, comme quoi, le Velvet Underground a tout inventé, ça ne s'invente pas.


velvet-live.jpg (8870 octets)     - 1969 : The Velvet Undeground Live

        Deux CD pour un live absolument indispensable. Non seulement tous les classiques sont là, mais ils sont transcendés/mutilés par le groupe à son top du top. Ca dézingue sec avec 10 minutes d'Ocean et pas moins de 9 minutes de White Light/White Heat. Ah oui, ça se passe de commentaires en fait.

velvet-VU.jpg (5364 octets)     - VU (1985)

        Reconstitution miraculeuse de ce qui aurait dû être le successeur de The Velvet Underground, VU n'est pas une compilation de chutes opportunistes, c'est un album du Velvet à part entière. Et c'est évidemment un chef-d'œuvre, à ne surtout pas sous-estimer. Certes il y a ici des choses que l'on a retrouvé plus tard sur du Lou Reed solo (Stephanie Says (Caroline Says en plus aérien, une chanson totalement différente de celle de Berlin), Andy's Chest) et on osera affirmer (et je ne suis pas le seul) que les versions de VU sont supérieures. Et c'est un disque qui concilie à la perfection l'aspect très rock (I Can't Stand It) et le plus pure pop-folk (Lisa Says, Ocean) du groupe. Et là encore il n'y a que des merveilles, de l'or, des émeraudes, du cristal, la vache mais on n'a pas fait mieux depuis !



reed-transformer.jpg (9103 octets)    - Transformer (1972)

        C'est l'album le plus connu du Lou en solo. Ce n'est pas le meilleur, mais c'est sans doute le plus abordable. Du rock décadent et de la pop sordide mais pas trop quand même. Bowie pompe sous la table, mais Reed fait son show sans se poser de questions. Bon, bah c'est assez parfait dans l'ensemble, peut-être même trop. Ca va du sublime (Perfect Day) à l'hymne (Walk On The Wild Side) en passant par le délicieux (Make Up), le rock peinard (Wagon Wheel), la ballade dans les étoiles (Satellite Of Love), etc... Bon, vous imaginez, tout ça c'est en mid price, alors ça ne se refuse pas, au contraire, vous pouvez même en offrir autour de vous.

reed-berlin.jpg (9549 octets)     - Berlin (1973)

        Celui-là est considéré (à juste titre) comme LE chef-d'œuvre. Logique, il y a tout ce que l'on réclame et même plus. Tristesse insondable (Berlin, Bed), rock grandiloquent (Lady Day, Sad Song), ballade déchirante (Caroline Says II), misanthropie (Men Of Good Fortune), drogue (How Do You Think It Feels ?), cruauté (Kids) et le tout emballé dans ce qu'il faut de jolies mélodies et de production pyrotechnique. A l'aspect grandiose du son correspond une descente aux enfers bien craignos, toute en violence retenue. Très beau.


reed-coney-island.jpg (5593 octets)    - Coney Island Baby (1976)

        Après avoir fait "gentiment" n'importe quoi (Metal Machine Music, plagié par tous les emmerdeurs noise-techno-indus depuis 35 ans), Lou Reed revient à la bonne vieille chanson décadente et nous donne un joli disque "parfait". Impeccable pour tous les publics et aussi agréable que consensuel. Certes dessus il y a Kick, un bidule malade comme au bon vieux temps du Velvet, mais Coney Island Baby est à la fois l'apothéose et l'aveux d'impuissance du Lou Reed solo.

reed-street-hassle.jpg (8156 octets)    - Street Hassle (1978)

        Fallait pas lui faire ça au Lou. Lui balancer le punk dans les dents, lui qui était bien plus punk que les punks bien avant les punks. Il allait leur montrer qui était le plus affreux. Et ça allait faire mal. Street Hassle est le chef-d'œuvre de Lou Reed, l'album qui ressemble le plus à l'image que l'on se fait du gars. C'est méchant, sordide, ça sonne faux, ça ressemble à tout et à rien. Lou Reed se parodie, se répond, se vomit dessus (le formidable Gimmie Some Good Times plagiat tcharbé de Sweet Jane, le massacre de Real Good Time Together). Ce sont des chansons d'alcolo drogué pas bien dans sa tête. On empile les pistes de choeurs dézingués, ça crachote, ça postillonne, ça part en couilles au moindre break, c'est aussi fort que les premiers Velvet. Aux premières écoutes, on y comprend rien, mais on sait que c'est grand. Et puis au milieu il y a le big masterpiece, la chanson Street Hassle, 11 minutes de récit glauque, de poésie sub-urbaine, de velours de métro, porté par une contrebasse magique. Street Hassle est un album affreux, sale et méchant. Et beau comme un ange déchu. Le plus indispensable des indispensables.


reed-blue-mask.jpg (5295 octets)    - The Blue Mask (1982)

        Oui il y a eu une vie pour Lou Reed entre Street Hassle et New York. Oui, les années 80 ne furent pas un No Man's Land complet. The Blue Mask est l'album de la résurrection. Au moment où le gars va au plus mal, il rechange de femme (il fait ça régulièrement, c'est une bonne chose). Et cela donne ce disque carré, en pleine cure de désyntox. Par instant on a du mal à y croire, c'est vraiment trop propre pour être honnête (Women, Heroin, Underneath The Bottle). Mais heureusement il reste des merveilles comme on les aime (My House, l'excellente chanson titre, le récit de la mort de Kennedy, le grandiose Waves Of Fear, le divin Heavenly Arms). Un grand disque.

reed-ny.jpg (10973 octets)     - New York (1989)

        Mistrial ? Quoi, Mistrial ? Non, rien... Nous voilà donc à la fin des années 80. Lou Reed s'éveille, enfin... Il retrouve sa verve et son talent. Il retrouve LE son et la hargne. New York est un chef-d'œuvre, et il n'y a presque rien à jeter. Tout est génial. De Dirty Blvd. à Last Great American Whale en passant par Sick Of You et Strawman, Lou Reed est revenu au top. Le temps a passé, l'effet de surprise n'est plus là, mais il y a l'essentiel : des chansons, de grandes chansons, de belles chansons.

reed-drella.jpg (3979 octets)     - Songs For Drella (1990)

        Quel disque meilleur que celui-ci pour conclure ce dossier ? Lou Reed et John Cale se retrouve, très longtemps après, leur carrière solo en dents de scie remisée l'espace d'une nuit. Et l'objet de la réunion ? Warhol, évidemment. Le résultat est bouleversant et s'impose (presque) comme le chef-d'œuvre des deux carrières solos en question. Alors certes, il y a Street Hassle et Paris 1919, mais il y a aussi Songs For Drella pour faire le lien. Et ce lien est indispensable, croyez-moi !

 
 
 
 
 
 
 
 
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