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 Dark
                        Crystal est en quelque sorte l'apothéose du cinéma de fantasy. Un film qui réussit à créer un
                        univers vraiment différent ; où, même si l'anthropomorphisme est obligatoirement
                        toujours présent, les êtres humains sont totalement absents. Plus original que Star
                        Wars, plus beau que Legend, plus fascinant qu'un dessin animé, Dark Crystal est l'un des
                        plus beaux films du monde. Car il aurait sans doute suffit d'exposer la beauté des
                        décors, la réussite incroyable des marionnettes et des costumes pour faire de ce film
                        une merveille, mais Dark Crystal ne s'arrête pas là, c'est aussi un conte d'une rare
                        intelligence, un film pour enfant que les adultes adorent. Pour preuve ce Grand Prix
                        d'Avoriaz, logiquement décerné au film en 1983.         Dark Crystal est une uvre
                        parfaite, d'une finesse phénoménale, d'une magie indescriptible. A partir d'une histoire
                        qui fait passer Star Wars pour une comptine un peu débile, Jim Henson et Frank Oz
                        construise un univers d'une formidable cohérence dans le délire. Mais l'on peut avoir de
                        grandes visions sans réussir à les retranscrire à l'écran, et c'est ici que les
                        metteurs en scène triomphent. Leur film est d'une magnificence plastique sans égale, la
                        perfection d'une époque qui semble aujourd'hui révolue et c'est très dommage. Les
                        effets numériques ne remplaceront jamais les fabuleuses peintures sur verre de Dark
                        Crystal, il y a une magie unique dans ces décors crédibles et pourtant tellement
                        irréels. De même pour les personnages, costumes, marionnettes, animatronique, les moyens
                        sont énormes, la technique de l'époque est utilisée à son maximum, le résultat est
                        tétanisant. En fait ce qui réjouit tant dans Dark Crystal c'est que l'on ressent durant
                        tout le film une merveilleuse impression de "jamais vu", d'originalité
                        permanente et réjouissante. Un film-rêve que je compare souvent au Wizard Of Oz de
                        Victor Flemming, dans les deux cas les moyens sont énormes et les uvres sont
                        uniques grâce à leur univers et à leur ambiance. 
          Dark Crystal est un film intelligent,
                        dont l'absence de manichéisme n'est pas la moindre des qualités. Au début du film les
                        méchants sont très bêtes et méchants et les gentils sont très gentils et très mous.
                        Et l'idée géniale est de faire de ces méchants (les Skeksès) et de ces gentils (les
                        Mystiques) des moitiés qui se complètent pour obtenir des êtres parfaits et divins.
                        Grande et originale idée, il faut le reconnaître, pas de destruction du Mal mais une
                        fusion entre le Bien et le Mal, voilà qui change agréablement du manichéisme en vigueur
                        dans à peu près tous les films "grand public". Et Dark Crystal même s'il
                        soigne certains effets propres à amuser les enfants (à grand renfort d'humour souvent
                        très ludique), n'a pas grand chose d'un film "tout public". Entre des méchants
                        traumatisants pour les petits et une histoire pas toujours facile à suivre, Dark Crystal
                        n'a rien d'un produit démago et populiste. Au contraire, il faut le reconnaître
                        maintenant, Dark Crystal a trop vite été catalogué "film pour enfants" à
                        cause de la présence de Jim Henson au générique (alors que le Muppet Show était en
                        plein triomphe, Muppet Show pas tant pour les enfants que cela lui non plus). Non, Dark
                        Crystal est un pur film fantastique, un film de Fantasy, genre extrêmement peu traité au
                        Cinéma, justement à cause de la nécessité de la création d'un univers original.                               Le simple thème musical de Trevor
                        Jones suffit à plonger le spectateur au cur d'une Aventure comme le cinéma
                        réussissait encore à en produire à la fin des années 70 et au début des années 80,
                        avant que le cynisme, la parodie, le second degré, viennent plomber tout cela.
                        Aujourd'hui les grosses productions virent au grotesque, est-ce dans un Men In Black ou
                        dans un Armageddon qu'il faut rechercher le frisson des Star Wars, des Dark Crystal, des
                        E.T. d'autrefois ? Pas de nostalgie exacerbée toutefois, vu qu'il y a encore de très
                        grands films de nos jours, mais de grands films plus torturés (chez Burton, chez Gilliam,
                        chez Lynch, chez Jackson) ou la féerie n'échappe pas aux plus profondes ténèbres. Non,
                        Dark Crystal est un film qui se finit bien, c'est un film de pur plaisir intelligent,
                        c'est un pur spectacle original, envoûtant et, j'insiste, extrêmement beau. Aujourd'hui,
                        au milieu du film (ou dans le générique de fin) on aurait collé une chanson à la mode,
                        un tube en puissance pour rentabiliser, une faute de goût impardonnable (façon Titanic)
                        qui briserait toute la magie. Non ! Dans Dark Crystal, Trevor Jones est roi. Et finalement
                        c'est peut-être cette relative absence de grosses concessions aux commerces qui a fait
                        que Dark Crystal, une fois passé l'engouement de la sortie du film, ait peu à peu
                        sombré dans l'oubli.  
         Comme pour prouver un peu plus le statut unique de ce film dans
                        l'histoire du cinéma, il suffit de se remémorer Labyrinth, aussi de Jim Henson et Frank
                        Oz. Tout ce qui faisait la réussite de Dark Crystal est cruellement absent de ce
                        célèbre nanar, l'une des plus grandes déceptions de l'histoire du cinéma. Labyrinth
                        conjugue un scénario trisomique, des personnages foireux, un mauvais goût omniprésent
                        et une absence de magie attristante. Tout est en place pour que l'échec soit total :
                        plagiat d'Alice Aux Pays des Merveilles, effets spéciaux ratés (incroyable mais vrai !),
                        niaiserie intolérable, David Bowie complètement ridicule qui bêle des chansons
                        ignobles, etc... Seul point positif, seule motivation pour regarder le bidule jusqu'au
                        bout : Jennifer Connely (dans un rôle pathétique, oui, mais bon...), l'une des plus
                        sublimes actrices de la planète, l'une des plus sous-employées aussi. L'échec de
                        Labyrinth est une sorte de preuve par l'absurde que Dark Crystal était une réussite
                        miraculeuse.         Dark Crystal me semble donc un
                        chef-d'œuvre, un de mes films favoris en tout cas, dont je ne me lasserais sans
                        doute jamais. Et je ne désespère pas qu'un jour prochain, on redécouvre cette
                        uvre unique et que son statut de film culte soit reconnu par la majorité des
                        cinéphiles. Dark Crystal mérite vraiment une place d'honneur dans ce siècle de 7e Art. 
 Dark Crystal - Mis en scène par Jim Henson et Frank Oz. Scénario de David
                        Odell d'après une histoire de Jim Henson. Musique de Trevor Jones. Concepteur Artistique
                      : Brian Froud. Produit par Jim Henson et Gary Kurtz. 1982. 95 minutes. |