Bilan 2017 à mi-chemin

 

1

Hurray for the Riff Raff - The Navigator

De la tête et des épaules, The Navigator a dominé la première moitié de 2017. Disque parfait, où la musique, les textes, l'interprétation, l'ambition, l'émotion, fusionnent pour atteindre des sommets rarement approchés. Un chef-d'oeuvre.

 

2

Lorde - Melodrama

Pour moi c'est une immense surprise. Je n'ai jamais accroché au premier album de Lorde, Pure Heroine, qui m'a toujours vaguement ennuyé. Et pourtant, la toute jeune néo-zélandaise réussit avec son deuxième album le disque de pop parfait. Une musique ancrée dans son temps, mais jamais facile, transcendée par le récit d'une déprime ultra-moderne. Derrière l'histoire d'un coeur brisé, un poème d'éternelle jeunesse. Et, par endroits, des fulgurances sur "le lendemain de fête, le lendemain de l'amour" qui en font, toutes proportions non gardées, le This Is Hardcore d'une génération.

 

3

Slowdive - Slowdive

Nouvel étalon du "retour d'une légende qui ne déçoit pas", cet album de Slowdive est aussi une vraie surprise. Oui, il y a des reformations tardives qui ne se prennent pas les pieds dans le tapis. On est souvent heureux d'avoir "juste" un bon disque à se glisser dans le conduit auditif (voir Grandaddy, un peu plus loin sur cette page). Mais bon sang, qu'un grand groupe revienne 20 ans plus tard avec un chef-d'oeuvre. Wow ! Ca nous la coupe, non ? Slowdive (le disque), c'est la fusion entre Souvlaki et Pygmalion, des chansons accessibles plongées dans une ambiance unique. Que des merveilles, un album sublime. Et émouvant, en prime, comme ça, en bonus.

 

4

Gas - Narkopop

Autre retour réussi, celui du plus célèbre projet de l'allemand Wolfgang Voigt. Petite révolution dans le monde de l'ambient dans les années 90, les albums de Gas sont nés des expériences sous LSD du compositeur dans la Forêt-Noire allemande. En résulte une musique transcendante, sorte d'incarnation musicale d'un panthéisme total. Immersive, hypnotique, incandescente, la musique couchée sur ce nouvel album atteint les plus hautes sphères de l'ambient. Narkopop est un classique immédiat, un des plus grands disques du genre de ces dernières années. Si ce n'est le plus grand.

 

5

Rose Elinor Dougall - Stellular

Autre retour attendu (moins longtemps que celui de Slowdive, certes), celui de l'anglaise Rose Elinor Dougall. Après ses débuts parmi les Pipettes, elle avait brillé avec un superbe premier album de chamber pop. Ce deuxième opus, longtemps en préparation, est extrêmement généreux et ose de nouveaux genres, en particulier des tubes de synthpop imparables. Délicat et percutant à la fois, d'une classe folle, Stellular tutoie les étoiles.

 

6

Laura Marling - Semper Femina

Laura Marling a 27 ans et déjà 6 (grands) disques à son actif. Semper Femina est peut-être son meilleur, en tout cas il voisine avec le sommet de Once I Was An Eagle. C'est du folk rock, mais avec toutes les qualités espérées : compositions soignées, textes précieux, chant subtil, arrangements sophistiqués. Grand disque.

 

7

Johnny Jewel - Windswept

Que vous dire ? C'est la musique composée par Johnny Jewel (Chromatics, Glass Candy, Symmmetry) pour l'événement artistique de 2017. Mais si, vous savez. Une chose anecdotique qui est en train de changer l'histoire de l'art. La saison 3 de Twin Peaks, bien sûr, l'oeuvre somme de David Lynch dont je parlerai ailleurs. Là, c'est juste pour mentionner Windswept, merveille d'ambiances à mi-chemin entre Badalamenti et les compositions habituelles de Jewel. Le meilleur de deux mondes, d'autant plus bouleversant une fois que les sons se retrouvent associés à des scènes inoubliables.

 

8

Pixx - The Age of Anxiety

Le premier album de Pixx est un jalon de pop "alternative". Elle oeuvre sur le même label que Grimes, mais dans des terres moins étonnantes tout en y retrouvant la même personnalité à fleur de peau. Pour un premier disque, c'est déjà une belle réussite, avec une ribambelle de refrains très entêtants.

 

9

The Mountains Goats - Goths

Réputé pour ses textes pour le moins incisifs, John Darnielle est aussi le spécialiste du "concept album". La dernière fois, c'était le catch. Cette fois, ce sont les premiers gothiques. Oui, les amateurs de musique gothique, du tout début des années 80, de préférence ceux de Californie, mais tout les fans se reconnaîtront plus ou moins. C'est un disque magnifique, très drôle, très émouvant, très respectueux, une ode à un genre et à des gens.

 

10

Fleet Floxes - Crack Up

C'était aussi un retour longtemps attendu et porteur de mille espoirs, celui des Fleet Foxes. Il est un peu problématique. Compliqué d'enchaîner après Helplessness Blues, chef-d'oeuvre total, un des très grands disques de cette décennie. Robin Pecknold a donc pris un chemin de traverse en signant un album "difficile". Du genre où tous les éléments familiers d'un groupe sont présents sans pour autant s'offrir de manière évidente. Le disque impressionne, mais ne cesse de réclamer de l'attention, de revenir, encore et encore. Après plusieurs dizaines d'écoute, la sensation de passer toujours à côté de quelque chose persiste. Il y a un grand disque ici, ou pas, il faudra encore quelques mois pour s'y immerger complètement.

 

11

The New Pornographers - Whiteout Conditions

Ouhla, me direz-vous, un album des New Pornographers classé aussi bas chez Edwood, c'est qu'il doit être drôlement raté. Taratata, que je vous réponds, bien sûr que non. Déjà un album raté des New Pornographers, cela n'existe pas. Même Together est un bon disque. Ensuite, sur le papier c'est vrai qu'il y avait de quoi être un peu inquiet : c'est le premier sans Dan Bejar. C'est grave, je sais. Mais en fait, non, parce que A.C. Newman n'est pas n'importe qui. Et il y a toujours Neko Case, Kathryn Calder et tous les autres pour le seconder. Musicalement, Whiteout Conditions souffre peut-être de sa proximité avec le fantastique Brill Bruisers, mais par contre au niveau des chansons, excusez du peu, c'est toujours du caviar. Le genre de disques qu'on écoute en boucle. Pendant des années.

 

12

Vinces Staples - Big Fish Theory

Alors comment le dire ? Il déchire cet album. Voilà, soyons sobres. C'est une explosion permanente. Déjà auteur d'un Summertime '06 qui fait partie de mes albums de rap favoris de la décennie, Vince Staples monte encore d'un cran avec Big Fish Theory, un disque qui déborde en tout sens d'idées. Ca fuse de partout, ça change d'une minute à l'autre, ça ne reste jamais en place. Le rap, c'est comme ça que je le préfère.

 

13

Jlin - Black Origami

J'avais dit ici de tout le bien que je pensais du premier album de "footwork" de Jlin, Dark Energy. Black Origami repousse encore les frontières du genre. C'est toujours aussi frénétique, chargé jusqu'à la gueule de rythmes, de samples et de détails, mais les compositions sont encore plus maîtrisées, surprenantes, accrocheuses. C'est l'équivalent de ce que faisait Aphex Twin, pour notre temps. Pas moins.

 

14

Kelly Lee Owens - Kelly Lee Owens

Chansons électroniques expérimentales, oui, il y a même une apparition de Jenny Hval, cela doit vous donner une piste sur les ambiances recherchées par Kelly Lee Owens. Alors, c'est moins bizarre, moins dans la confrontation que chez Jenny Hval, c'est sans doute plus accessible. Et c'est tout aussi bien.

 

15

Father John Misty - Pure Comedy

Ah, le chanteur qui divise, l'album qui creuse des tranchées. L'ancien batteur des Fleet Foxes est une star à part entière, depuis quelques années déjà. Son troisième album est un monument. Il faut accrocher aux textes, bien sûr, la musique surfant sur un soft rock qu'on aura pu aisément comparer à Elton John. Il faut accrocher au personnage, à sa misanthropie, à sa politesse du désespoir. Il faut accrocher à une vision du monde très noire, très cynique, où les éclairs d'espoir et de tendresse luisent d'autant plus forts.

 

16

Elder - Reflections of a Floating World

C'est presque du métal instrumental, les parties vocales étant la portion congrues chez Elder. Bien souvent on est plus proche d'un post-rock épique, qui viserait moins les ambiances que l'efficacité maximale des guitares et des rythmes. C'est de l'orfèvrerie dans tous les cas.

 

17

Hundred Waters - Currency Ep

En amont du nouvel album qui sortira en septembre, Hundred Waters a sorti 5 titres. C'est suffisant pour mériter une place dans ce classement de milieu d'année. 5 titres de ce niveau, cela vaut bien des albums interminables. Pop électronique atmosphérique avec quelques gros rythmes (c'est un peu nouveau), disons, pour le genre, mais ça ne veut pas dire grand-chose. En plus vous pouvez l'écouter en entier gratuitement, c'est plus simple.

 

18

Jay Som - Everybody Works

Indie rock au féminin de très, très haute volée. Je vais avoir du mal à vous le décrire, vous devriez l'écouter, c'est presque parfait.

 

19

Ulver - The Assassination of Julius Caesar

Ah ah, Ulver. Ceux qui savent, savent. Ils ont commencé avec quelques uns des albums de black métal les plus radicaux des années 90 (sérieusement, essayez d'en écouter un, juste pour votre culture générale), puis ils ont presque tout essayé. Du moment que c'est étrange, et de préférence très bizarrel, Ulver est passé par là. Dernière transformation en date : Depeche Mode mieux que Depeche Mode. Je ne plaisante pas. Cet album c'est du Depeche Mode. Mais alors du très très grand Depeche Mode, avec un son impressionnant. De la synthpop dark, quoi, fait par un groupe de métal expérimental. Qui donne une leçon de pop music à tout le monde.

 

20

Pharmakon - Contact

Là aussi, ceux qui savent, savent. Si vous lisez régulièrement ce site, vous n'avez pas pu échapper à ma passion pour Pharmakon. C'est toujours le même principe, hein. Rythmes punitifs et hurlements, avec un concept perturbant et cathartique pour soutenir l'ensemble. Pas vraiment de demie mesure, soit vous aimez, soit vous fuyez.

 

21

Jesca Hoop - Memories Are Now

Folk rock de l'époque, très accessible, très plaisant, beaucoup de charme.

 

22

Austra - Future Politics

Un album d’Austra est toujours un événement. Rappelons à ceux qui ne suivent ce site que depuis peu qu’Olympia était arrivé au sommet de mon classement de fin d’année en 2013. Attendue avec mille espoirs, Future Politics ne déçoit presque pas. Toujours aussi engagée, toujours aussi atmosphérique, la musique de Katie Stelmanis possède une classe incomparable. Comme à chaque fois, les grands singles répondent présents (Utopia, Future Politics, I Love You More Than You Love Yourself), entourée par des chansons plus exigeantes, qui forment un tout cohérent et intense. Les moments mémorables s’enchaînent : la montée de cordes sur We Were Alive, le refrain de Future Politics, la grâce de Utopia, les abysses qui s’ouvrent au cœur de Beyond a Mortal…

 

23

Aimee Mann - Mental Illness

Chef-d'oeuvre tardif pour Aimee Mann dont on n'espérait probablement plus un album de ce calibre. Un recueil de superbes chansons folk.

 

24

Spoon - Hot Thoughts

La qualité Spoon, le groupe qui ne sait pas faire de mauvais disques (ils sont plusieurs dans ce cas, oui, je le disais plus haut). C'est du Spoon, et donc, paradoxalement, il y a toujours de (petites) surprises.

 

25

Juana Molina - Halo

Valeur sûre de la chanson "bizarre", l'argentine Juana Molina ne déçoit jamais. Sa riche discographie est sans cesse à redécouvrir. Halo est une de ses oeuvres les plus accessibles et aussi une des meilleures.

 

26

Bonzie - Zone on Nine

Ne pas se fier à la pochette quelque peu incitative, ce n'est ni un album de r'n'b, ni un disque de pop un gentiment vulgaire. Bonzie c'est Nina Ferraro, une chanteuse américaine dont vous n'avez probablement jamais entendu parler. Pourtant, Zone on Nine est son deuxième album, une petite perle d'indie rock un peu folk, portée par de belles chansons. C'est une miniature, ce disque, qui passe sous les radars critiques et publics. Mais il y a de la personnalité à revendre, quelques mélodies imparables, le petit truc qui sort du lot.

 

27

Jens Lekman - Life Will See You Now

Jens Lekman, c'est un de mes grands amours. Je suis d'ailleurs le premier surpris de le retrouver si bas dans ce classement de mi-année. Qu'est-ce que c'est que ce travail ? La priorité aux nouveaux ? La priorité à des retours plus impressionnants ? Peut-être. Peut-être que c'est du Jens Lekman trop classique. Donc, c'est très bien, très beau, très mélodique, superbement écrit, joliment existentiel, mais sans surprise. Juste un beau disque. On s'habitue vraiment facilement à être gâté en fait. Pardon Jens, si ça se trouve en fin d'année tu auras gagné 10 places.

 

28

Saint Etienne - Home Counties

Un nouveau très bel album à ajouter à la discographie quasi impeccable de Saint Etienne. De belles chansons classiques mais qui n'appartiennent qu'au groupe britannique.

 

29

Forest Swords - Compassion

Encore un retour très attendu, légèrement en-deçà du disque précédent (le magnifique Engravings). Du sample, des rythmes, des atmosphères...

 

30

Desperate Journalist - Grow Up

J'y suis venu pour le nom du groupe, évidemment. J'y suis resté pour la voix (voisine de Siouxsie) et pour la musique (un peu post-punk, très efficace). Rien de révolutionnaire, juste un (très) bon album.

 

31

Grandaddy - Last Place

Alors oui, c'est de l'ironie facile de classer Last Place en dernière place, mais ça tombait ainsi, que voulez-vous ? Le grand retour de Grandaddy n'est pas celui de Slowdive, sans être, pour autant, une déception. C'est un retour adéquat, confortable, qui mise beaucoup sur le "fan-service", sans réserver de grande surprise. Les chansons sont belles (la moindre des choses) et il y a un chef-d'oeuvre (A Lost Machine). Une coda discrète à la carrière fulgurante de ceux qui furent l'un des groupes les plus importants du début du millénaire.

 


 

Hurray for the Riff Raff - The Navigator

Le meilleur disque de ce début d'année marque la consécration du groupe d'Alynda Segarra. Après cinq albums de country-blues-folk déjà remarquables, The Navigator est un bond en avant. Il s'agit d'un disque concept dans lequel Segarra revient sur sa jeunesse dans le Bronx de New-York et sur ses origines portoricaines. L'œuvre est tendue entre un récit personnel et une histoire de la communauté portoricaine aux Etats-Unis. L'intime et l'universel se répondent pour peindre une fresque d'une puissance qui donne fréquemment le frisson. Les compositions d'Alynda Segarra sont toujours brèves mais pleines à craquer. Stylistiquement, c'est l'album le plus varié du groupe, et faire la liste des influences serait fastidieux. On va bien au-delà de l'Americana qui demeure la colonne vertébrale de cette musique.

Les mélodies sont souvent remarquables et il est possible que The Navigator entre prochainement dans la catégorie des rares albums dont j'aime toutes les chansons sans exception. Le morceau le plus long est l'avant dernier, celui qui forme la conclusion, le cri du cœur et le pic émotionnel de The Navigator. Intitulé Pa'lante, c'est un chef-d'œuvre à lui-seul, un hymne. Mais il n'est au final qu'une pièce de ce monument discret, de cette autobiographie magnifique. Bref, vous devez écouter The Navigator. Vraiment l'écouter, vous en imprégner, y revenir, le ressentir, avant de vous y plonger toujours davantage. C'est un disque bouleversant, très accessible, débordant d'humanité. Une oeuvre militante, conquérante, blessée, fragile. Son importance en cette année 2017 ne saurait être sous-estimée. C'est la musique qu'il nous faut, maintenant.

 
 
 
 
 
 
 
 
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