Contamination

de Luigi Cozzi

Le cahier des charges du projet Contamination était clair pour Luigi Cozzi : on lui demandait un mélange d’Alien (succès surprise du moment) et de James Bond (parce que cela marchait toujours). De la SF, de l’espionnage, et du gore (en débauchant le Ian McCulloch de l’Enfer des zombies), tout ce qu’il faut pour emballer une série B un peu Z, sympathique bien que pas toujours passionnante. Le point fort du film demeure ses effets sanglants, très impressionnants, qui proposent une surenchère sur l’explosion thoracique d’Alien.

Pour le reste, on flirte largement avec le plagiat (les œufs verts et visqueux cachés sur la planète hostile…) tout en jouant sur les limites du budget (un monstre final à la fois craignos et intrigant). Certes ce n’est pas du grand cinéma, mais Cozzi est un bon artisan et la BO est signée par le groupe Goblin en pleine verve « Argentoesque ». A réserver aux amateurs et aux nostalgiques, Contamination fait plutôt partie du haut du panier des imitations à l’italienne.


Mondo Cane

de Jacopetti et Prosperi

Parler de Mondo cane, c’est se lancer dans l’un des territoires les plus polémiques de l’histoire de la cinéphilie. Œuvre culte, accueillie avec révérence (et effroi) au moment de sa sortie au point d’avoir été sélectionnée au festival de Cannes 1962, le film est avant tout considéré comme le premier des « shockumentaries ». Ce sous-genre, extrêmement populaire jusqu’à la fin des années 70, aura pour avatars de nombreux (et consternants) « Mondo » mais aussi tout le cinéma pseudo documentaire qui culminera avec l’insurpassable Cannibal holocaust. Source d’inspiration majeure pour une multitude de cinéastes, Mondo cane mérite sans nul doute de retrouver sa place dans l’histoire « officielle ».

Exploitation, racisme, condescendance, complaisance, les griefs à l’encontre de l’œuvre de Jacopetti et Prosperi sont innombrables et généralement justifiés. Mais ne s’arrêter qu’à la surface de l’image est une grossière erreur, souvent commise. Bien sûr il est facile de rejeter en bloc les séquences parfois insoutenables qui composent Mondo cane : massacre de porcs à coups de gourdins, décapitations de taureaux, pêche brutale de requins. Ceux qui ne supportent pas les petites séquences « snuff » envers les animaux dans Cannibal holocaust peuvent immédiatement passer leur chemin. Mais il ne faut surtout pas se limiter à l’aspect choc qui n’est qu’une facette d’une œuvre très riche en sens et en interprétations.

Les réalisateurs prétendent avoir tourné le premier des anti-documentaires. En effet, avec humour mais aussi gravité, ils se jouent des codes du genre pour proposer une immense mise en perspective et une leçon de relativisme à l’échelle mondiale. La juxtaposition de comportements animaux et humains, de cruauté et d’espoir, d’humour burlesque et de critique très moderne, construit un tableau déplaisant et terrible de notre condition et de notre influence sur la nature. Cynique (d’où le titre « Ce monde de chien »), réaliste, subjectif et sans concession, Mondo cane demeure d’une force surprenante.

Certaines séquences gardent un impact bouleversant, en particulier l’agonie des tortues dont le sens de l’orientation a été annihilé par les essais nucléaires américains dans l’atoll de Bikini. Portées par une musique lyrique (et nommée aux Oscars), ces images s’avèrent déchirantes. Tout comme le final, poétique et poignant sur les tribus s’adonnant au « culte du cargo » qui inspira Gainsbourg pour le final de Melody Nelson. A la fois plein de distance (parfois amusée) et de pathos, la voix off ajoute au flou entourant les véritables intentions de l’œuvre. La polémique ne trouvera jamais de fin, et chaque spectateur percevra Mondo cane d’une manière unique. Vous adorerez ou détesterez ce film, mais il s’agit d’une expérience inoubliable bien que réservée à un public averti.


Mondo Cane 2

de Jacopetti et Prosperi

Conçu sans l’approbation de Jacopetti, avec une équipe différente et des chutes du premier film, Mondo cane 2 en est à la fois l’exagération et la parodie (plus ou moins volontaire). Jacopetti et Prosperi avaient déjà conçu l’original comme un « anti-documentaire », le concept est ici poussé au-delà du raisonnable. Cette suite ne retrouve ni l’intensité des meilleures séquences de Mondo cane, ni la force de ses parallèles. Tout ici prête plutôt au rire ou au voyeurisme, ce qui prouve que le genre est bien mort-né. La première moitié de l’œuvre est d’ailleurs une succession de saynètes qui ne valent que comme représentations du mauvais goût de l’époque. Quelques moments sont quand même relativement forts. Pour exemple, même si elle s’avère truquée, l’immolation du moine bouddhiste demeure très évocatrice.

Malheureusement Mondo cane 2 retombe bien vite dans l’anecdotique en s’attardant sur des images de pure exploitation qui semblent très sages de nos jours. A l’arraché, le film s’achève sur un sommet comique, souvent réutilisé depuis, un concert à coups de gifles, totalement hilarant. Ce pied de nez, aux antipodes de la conclusion émouvante du premier Mondo cane, confirme le caractère grotesque d’une suite inutile et opportuniste.


Zombie 4

de Claudio Fragasso

Avec le Zombie 4 de Claudio Fragasso, nous atteignons des contrées périlleuses où toutes les valeurs cinématographiques se trouvent inversées. L'oeuvre, plus connue sous le nom d'After death, est un produit opportuniste d'une nullité abyssale correspondant à l'arrière-garde des films de morts-vivants ayant empruntés les chemins du Zombie de Romero. En 1988, l'ineffable Fragasso (Scalps et Troll 2, d'autres grands moments) est déjà largement en retard et s'épanche n'importe comment dans les clichés du genre.

Pompant tout le monde sans le moindre répit (et en particulier l'Enfer des zombies), le réalisateur accumule les délires, sans jamais réussir à faire mouche mais en provoquant fréquemment le sourire, voire le rire. Il est bien servi par des acteurs formidables, dont la pornstar Jeff Stryker et les zédeux indécrottables que sont Jim Gaines et Don Wilson. En comparaison, la blonde de service, Candice Daly, est loin d'être la plus consternante. Dialogues et actions sont au diapason, alignant les aberrations.

Quand After death s'énerve, il faut avouer qu'on est amusé, malheureusement comme nombre de nanars, on s'ennuie aussi beaucoup. L'oeuvre est néanmoins assez gore et doublée d'une musique synthétique omniprésente qui renforce son potentiel comique. Par ailleurs ceux qui estiment que le House of the dead de Uwe Boll est un sommet de médiocrité feraient bien de se pencher sur ce grand-papa autrement plus foutraque.


Funny Man

de Simon Sprackling

Parmi les innombrables petits films d'horreur des années 90, Funny Man mérite d'être redécouvert. Passé relativement inaperçu au moment de sa sortie, ce joyeux mélange entre comédie britannique et slasher gore a su générer un humble culte qui justifie son exhumation tardive. Fauché, d'un mauvais goût pleinement assumé et cultivant le bizarre avec délectation, l'œuvre dégage une bonne humeur dans l'atroce assez jouissive. On pense tout autant à Freddy Kruger pour le côté croquemitaine pince-sans-rire qu'à des classiques anglais tel que le Docteur Phibes.

C'est drôle et très méchant, malgré un rythme pas toujours équilibré et certains gags médiocres. Mais les grands moments surréalistes, en particulier les dialogues entre le Funny Man et ses victimes, permettent au film de sortir de l'ordinaire du genre. On notera que Christopher Lee, mis en avant par la promotion, ne fait que de très brèves apparitions.

Très représentatif de son époque, Funny Man est un vrai plaisir nostalgique qui ne convaincra pas forcément tous les publics. L'horreur est ici prétexte à la déconne grasse et à la vanne acerbe, rien de bien original mais l'exécution (littérale) demeure très plaisante.


La Terreur des Morts-vivants

de Norman J. Warren

Sous le titre très présomptueux de Terror se dissimule un slasher médiocre, mis en scène par le petit faiseur Norman J. Warren. Rien ici ne viendra surprendre l'amateur du genre qui aura l'impression de revoir, en moins bien, toutes les séquences obligées. Il s'agit d'une malédiction ancestrale prononcée par une sorcière sur le bûcher (que d'originalité !), qui va posséder l'esprit d'une descendante de la famille honnie et ainsi procéder à l'élimination minutieuse d'un casting d'une fadeur attendrissante. Si les films d'horreur ne sont pas réputés pour la qualité de leurs interprètes, la Terreur des morts-vivants bénéficie d'une constance surprenante dans la nullité de ses acteurs.

Pas un pour rattraper les autres, d'autant que les personnages sont tous d'une stupidité mémorable. Du genre de la blonde qui va sa cacher dans une cabane pour échapper au tueur et qui en sort moins d'une minute plus tard comme si de rien n'était… pour se faire aussitôt trucider par des coups de couteau en faux raccords. Mis à part une très gratuite scène dans une boîte de strip-tease, un peu de sang sur les murs et un petit tranchage de gorge annonçant Inferno, l'amateur d'exploitation ne trouvera même pas là de quoi se faire plaisir. Très court, moins d'1h20, Terror parvient pourtant à ennuyer et à se traîner péniblement jusqu'à un final attendu et poliment ridicule. Voici une œoeuvre dont la rareté paraît relativement justifiée, un petit nanar à peine drôle, si ce n'est pour une voiture volante assez pittoresque.

Nue pour l'Assassin

de Andrea Bianchi

Nue pour l'assassin est un best of de tous les clichés liés au cinéma de genre italien des années 70. Si le titre révèle tout le propos du film (elles perdent leurs vêtements, elles se font trucider), il faut ajouter à cela une bonne dose de comédie grivoise, parfaitement incarnée par une longue scène grotesque où un monsieur au large embonpoint essaie en vain d'honorer une frêle demoiselle, avant de se rabattre sur sa poupée gonflable fétiche. Et nous passerons sagement sous silence la dernière séquence, d'une trivialité à peine digne d'un Aldo Maccione. Pour le reste, les morts se succèdent sur un rythme soutenu, dans un suspens bon enfant, jusqu'à la révélation finale sans éclat. L'intérêt de Nue pour l'assassin réside donc dans son exploitation outrancière des codes du Giallo : filles à poil et découpages sanglants à l'arme blanche. Si l'on est davantage gâté en matière d'érotisme, il faut reconnaître que quelques scènes s'avèrent très gores, en particulier le dernier double homicide.

Mais la majorité des spectateurs (mâles) n'auront d'yeux que pour les demoiselles largement dévoilées, sous tous les angles et en savants cadrages. Cerise sur le gâteau, c'est la superbe et mythique Edwige Fenech (que nous ne devrions normalement pas avoir à vous présenter) qui incarne la peu farouche héroïne. L'égrillard Nino Castelnuovo s'en donne à cœoeur joie dans le rôle du bellâtre de service, il n'est qu'au diapason du reste du casting : agréablement médiocre. Mais peu nous importe les tares nombreuses de Nue pour l'assassin, elles contribuent au charme kitsch de l'œoeuvre. Les amateurs éclairés se réjouiront de redécouvrir cette sucrerie perverse, les autres éviteront sciemment de se lancer dans le genre par l'intermédiaire d'un film aussi complaisant.


Spasmo

de Umberto Lenzi

Inutile de chercher à dresser un portrait exhaustif ou même vaguement représentatif de la carrière d'Umberto Lenzi, grand faiseur de la série B italienne du début des années 60 jusqu'à la fin des années 80. Le bonhomme aura touché à tous les (sous) genres, au gré des modes, sans jamais véritablement révéler une patte d'auteur ou une quelconque constance. Dans sa faculté d'imitation, il aura parfois eu des coups de génie, épars mais réels (tel que la Rançon de la peur), tout en sombrant à d'autres moments dans le n'importe quoi le plus hallucinant (un «Evil Dead 3» totalement pirate en 1988 ou un «Hitcher 2» l'année suivante).

Avec ce Spasmo, mis en scène en 1974, Lenzi mélange plusieurs tendances de l'époque, avec une certaine réussite. En effet, sur les bases du giallo alors triomphant, il insuffle un peu de thriller psychologique à l'américaine et quelques idées de mise en scène plutôt typiques du polar hardcore à l'italienne. Pour créer une atmosphère de désordre mental, Lenzi joue sur les ellipses et le montage brut. Ce qui serait considéré ailleurs comme des failles risibles de la narration deviennent ici des clefs de l'oeœuvre. Le style demande alors un temps d'adaptation, le spectateur ne sachant pas s'il s'agit de maladresses ou d'une véritable volonté artistique.

Onirique, angoissant, d'une étrangeté progressive mais prenante, Spasmo imite bien sûr d'autres maîtres, en particulier Mario Bava, copieusement cité, ou même le petit Dario Argento qui venait de brillamment débuter sa carrière quelques années plus tôt. Ce film n'est pas d'une originalité absolue, et les twists pourront paraître aussi puissants qu'un peu grotesques. Mais cela demeure l'un des aspects les plus réjouissants du cinéma italien des années 70, cette absence de retenue, ce désir d'impressionner le spectateur sans se préoccuper de bon ou de mauvais goût.

Lenzi est particulièrement bien secondé par la musique d'Ennio Morricone, alors en pleine verve créatrice, alliant un thème lyrique, proche du kitsch, et des ambiances atonales très inventives. L'acteur principal, Robert Hoffman, vague sosie blond d'Alain Delon, est très crédible, et les yeux bleus des actrices (dont la belle Suzy Kendall) sont souvent cadrés en des gros plans complaisants. Spasmo n'est pas un chef-d'oeœuvre, mais c'est un giallo original, qui détourne une partie des clichés du genre, en proposant un climat de folie tout à fait convaincant.


Réveillon Sanglant

de Norman J. Warren

Plus encore que le déjà gratiné la Terreur des morts-vivant, Réveillon sanglant est un irrésistible nanar d'horreur qui cumule tout ce qui peut réjouir dans le genre. Les acteurs dépassent de nouvelles frontières en matière de médiocrité, la mise en scène est approximative, la musique synthétique et l'histoire ridicules. Mais c'est dans l'accumulation de détails grotesques que Bloody new year dépasse son statut de ratage pour atteindre la galaxie des (très) mauvais films sympathiques.

Entre les objets vindicatifs (dont une cuisine en folie), les zombies ringards (à base de sacs poubelles), les événements sans aucun lien logique et des images hilarantes de maladresse (voir pour cela l'absence de réaction des héros lorsque l'un d'entre eux se fait attaquer par un scheik mort-vivant), tout concourt à rendre le film extraordinaire. Certes c'est parfois ennuyeux, et ces acteurs jouent vraiment trop mal, mais pour peu que l'on goûte aux plaisirs des slashers idiots, Réveillon sanglant est un petit sommet. 


The Woods

de Lucky McKee

Quatre ans après May, c’est directement en DVD que nous parvient le nouveau long-métrage de Lucky McKee, une oeuvre accouchée dans la douleur et pour un résultat aussi inégal que fascinant. Car s’il y a bien un point, déjà évident dans son premier film, que confirme la vision de The Woods, c’est que le réalisateur aime le Fantastique et qu’il ne le prend jamais de haut, emballant une histoire très classique avec un savoir-faire respectueux et efficace. C’est dans l’univers des écoles de jeunes filles des années 60, à mi-chemin entre les Magdalene sisters et les Créatures célestes de Peter Jackson, que débute l’intrigue, avant de bien vite avouer où elle plonge ses racines : le Suspiria de Dario Argento, cité jusqu’à plus soif. D’autres clins d’œil se glissent ici et là, le plus délicieux d’entre eux étant sans doute la présence de Bruce Campbell, qui, entouré par des branchages agressifs, provoquera l’enthousiasme des fans dans sa recherche d’une arme (tout le monde s’attend à ce qu’il déniche une tronçonneuse…).

L’acteur culte est quasiment la seule présence masculine de The Woods, œuvre très féminine, comme l’était déjà May, et qui prouve, s’il en était encore besoin, que McKee choisit et dirige ses actrices avec une sensibilité rare. Dans le rôle principal, Agnes Bruckner est aussi mémorable qu’Angela Bettis en May. Nuancé, parfois effrayant, souvent intense, son jeu est l’une des plus grandes forces du métrage. Si la mise en scène, virtuose même dans ses effets les plus prévisibles, séduit aussi totalement, c’est au niveau de l’écriture que The Woods ne convainc pas tout à fait. Dans son dénouement l’œuvre fléchit de manière regrettable, l’ambiance sophistiquée faisant place à une explication expéditive et bancale, des scènes obligées et des confrontations bâclées en deux coups de hache. On peut imaginer plus d’une raison à cette déroute in extremis : le budget ne pouvait plus suivre les ambitions de McKee, le temps manquait, les coupes et le remontage du film contre l’avis du réalisateur ont vraiment porté tort à l’intégrité de l’ensemble, mais on peut aussi admettre que les problèmes résidaient directement au niveau du scénario.

Malgré ces réserves, le film demeure une belle réussite, pour toutes les raisons évoquées plus haut, mais aussi pour l’univers qu’il propose, une sorte de version vraiment Fantastique du Village de Shyamalan, le propos politique étant remplacé par des arbres vindicatifs et des frissons à l’ancienne. Si The Woods déçoit en son final, frustre là où on espérait l’apothéose promise et manque de l’émotion qui donnait à May les allures d’un petit chef-d’œuvre, on ne cesse d’aimer Lucky McKee et sa capacité à transformer un sujet casse-gueule, des clichés balisés et des images proches du grotesques en des instants d’une classe indiscutable. Rien que pour la patte de ce réalisateur, en passe de devenir un des nouveaux maîtres du genre et pour la performance d’Agnès Bruckner, The Woods est à voir, et pourra même provoquer de vrais coups de cœur pour peu que l’on se laisse séduire par les murmures de sa forêt maléfique.


Le Prince et l'Arnaqueur

de Liu Chia-Liang

Aussi drôle que spectaculaire, Le Prince et l’arnaqueur est un point d’entrée idéal dans le domaine de la comédie kung-fu. Les sceptiques auront bien du mal à résister au rythme endiablé, à l’humour simple mais réjouissant et surtout aux chorégraphies incroyables conçues par Liu Chia-Liang. Si le réalisateur ne joue pas dans ce film, il s’éclipse au profit d’un fantastique duo composé de Yue Wong (en arnaqueur maladroit) et de Gordon Liu (en prince moustachu et esthète). Les deux acteurs font évidemment preuve de capacités physiques hors normes, mais aussi d’un talent réel pour la comédie. Certaines scènes, en particulier les confrontations contre les « handicapés » et contre les « Sept Tristes », sont d’une inventivité délicieuse. Le genre se permet tout, défiant à la fois les lois de la pesanteur et celles de l’humour. Mais loin des errances de mauvais goût de certaines comédies cantonaises, Le Prince et l’arnaqueur demeure léger et pour tout dire totalement convaincant, à tel point que la confrontation finale, certes à la hauteur, arrive bien trop vite.



Mad Monkey Kung-fu

de Liu Chia-Liang

Souvent cité comme le chef-d’œuvre de Liu Chia-Liang, Mad monkey kung-fu va au-delà de la comédie pure en proposant notamment une histoire de vengeance assez dure, en particulier dans son refus du happy end idyllique. Le film demeure assez classique dans son déroulement, en particulier dans la phase d’apprentissage où le maître enseigne sa technique unique à l’élève volage. Mais, comme dans un Drunken Master, le style en question est très haut en couleurs (le « Mad Monkey », avec ce que cela suppose de gestes délirants), ce qui donne aux confrontations des allures burlesques très appréciables. L’humour est finalement moins présent que dans d’autres films du réalisateur, mais cela permet de remarquer la précision de la mise en scène, qui sait mettre en valeur les talents martiaux sans sacrifier de trop à l’effet facile.


Lady Kung-fu

de Liu Chia-Liang

Lady kung-fu (My young auntie) est un bonheur de deux heures où le genre de la comédie kung-fu atteint une certaine apothéose. Outre la présence de l’acteur-réalisateur et de Hou Hsiao, le film bénéficie du charme de Kara Hui aussi ravissante que peu avare en prouesses martiales. Un peu de féminisme, un peu de suspens, beaucoup d’humour et surtout des chorégraphies superbement pensées et exécutées. La scène du bal est le sommet de l’œuvre et peut-être du genre. Rendant à la fois hommage à la comédie musicale hollywoodienne mais aussi aux films de cape et d’épée avec toute la fantaisie du cinéma de Hong-Kong, la séquence est un tour de force. Pour le spectateur actuel, l’une des forces d’un film tel que Lady kung-fu est son humour qui désamorce totalement l’aspect kitsch des couleurs et des décors de la Shaw Brothers. On rit avec le film, et jamais à ses dépends. Les effets sonores, les ralentis, les raccords pas toujours parfaits, tout est tourné en dérision et participe au spectacle total. Le cinéma de Liu Chia-Liang mérite d’être redécouvert tant son aspect divertissant n’a pas pris une ride.


Versus

de Ryuhei Kitamura

Pour supporter Versus, il faut mettre de côtés toutes les notions de bon et de mauvais goût cinématographique. Inutile de chercher ici un scénario, des acteurs ou de la mise en scène, tout est en roue libre, filant au petit bonheur sur les chemins balisés du cinéma bis. L’histoire se résume à une poignée de figurants se mettant sur la gueule pendant un peu plus de deux heures. Les acteurs redéfinissent à la fois le terme cabotinage mais aussi les limites de la non expressivité. Enfin, le réalisateur Ryuhei Kitamura fait n’importe quoi avec sa caméra, en comparaison Michael Bay et Jean-Marie Poiré sont des modèles de sobriété. Si on ajoute à cela l’aspect fauché de l’ensemble, l’étirement complaisant de la moindre scène d’action et une musique très datée, Versus a des allures de monstrueuse série Z de l’enfer.

Mais aussi assumés que soient les partis-pris de Kitamura, son film demeure étrangement hésitant. S’il revendique un humour potache et gore, façon Evil Dead 2, Versus se perd aussi dans de longs tunnels explicatifs inintéressants, lesquels, ajoutés aux répétitives scènes de baston, entraînent l’œuvre au-delà des deux heures. La version « ultimate » ajoutant même 10 minutes de combats et de poses supplémentaires, le spectateur se retrouve endormi par ce qui devrait normalement être des sommets jouissifs.

Pourtant le plaisir pris devant Versus est réel et parfois exaltant. C’est bête et méchant, bourrin et stupide, un joyeux bordel qui n’a peur de rien et qui ose tout, que cela fonctionne ou non. Toute la sous-culture des années 2000 est ainsi passée en revue, des jeux vidéos aux mangas en passant par les séries TV façon Bioman. Dans ses meilleurs moments, le film de Kitamura ressemble à la seule adaptation réussie de Resident Evil, et à d’autres instants on se croirait devant un terrible nanar italien des années 80 (la coda futuriste étant particulièrement gratinée à ce niveau). On pourrait alors taxer de manière facile et méprisante Versus de chef-d’œuvre pour geeks et autres nerds, tant tout est ici compilé pour les ravir. Ce serait franchement remettre en question les facultés critiques desdits nerds (même si elles sont parfois effectivement limitées lorsqu’il s’agit de démastiquer du zombie à coup de tatanes).

On peut donc reconnaître les qualités de Versus (imagination débordante, énergie enthousiasmante) mais aussi ses très regrettables travers (durée abusive, absence totale de maîtrise, abus de la pose qui insiste sur le fait que l’œuvre se rêve plus culte que le culte). On se demandera surtout pourquoi l’auteur a essayé de bouffer à ce point à tous les râteliers, imposant une ridicule tentative de scénario au milieu d’une collection de scènes gratuites et idéalement conçues comme telles. Plus ramassé vers le film d’action non-stop, Versus aurait sans doute était meilleur (et plus court !), en l’état on ne cesse d’être surpris par la faculté d’ennui dégagé par un ouvrage qui se voudrait le trip fun ultime.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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