Ce n'est sans doute pas une surprise qu'une année aussi tourmentée que 2020 ait donné naissance à une ribambelle de grands disques de métal. Il a donc été très aisé pour moi de faire une sélection de 30 albums assez représentatifs des principaux genres et sous-genres du métal. Il y a un petit peu plus de 30 disques, en fait, car certains artistes, particulièrement inspirés, en ont sorti plusieurs cette année. Sans compter le fait que les monuments qui peuplent le top 5 dépassent fréquemment les deux heures. Il y a de quoi se plonger, longtemps, très longtemps, dans des musiques intenses, évocatrices, cathartiques, parfois juste fun, qui englobent tout le spectre des émotions.


 

30

Pallbearer - Forgotten Days

En même temps que le black métal "pour hipsters", il y a eu le doom métal "pour hipsters", avec comme fer de lance Pallbearer. Ici c'est leur album le moins doom et le roboratif, il y a un peu de tout pour tout le monde. C'est très accessible et c'est bien de commencer ce classement par cet disque qui n'effrayera pas ceux qui ont du mal avec le métal en général.


 

29

Intronaut - Fluid Existential Inversions

Du métal progressif hyper technique. C'est assez amusant parce que ça donne l'illusion d'être accessible. En fait, pas du tout. Parce qu'avec les passages calmes, avec du chant clair, par moments on croirait du metalcore. Mais non, tiens, ça part dans tous les sens et c'est composé comme du technical death. En gros, ça prend tout à contretemps et à contre-pieds. C'est moins agressif que du death, mais ça se situe entre le mathématique et le jazz. Avec des atours aguicheurs qui devraient pouvoir parler à ceux qui sont rebutés par le métal extrême.


 

28

Ulthar - Providence

On parlera d'Ulcerate plus bas, mais voici déjà venir une bonne punition de death metal, certes plus old school et moins technique. Ulthar a offert un disque remarquable pour qui se sent prêt à se faire tourmenter les oreilles. C'est du death sans pitié, donc, vous devez savoir à quoi vous attendre, tout est dissonant, la phobie de la mélodie est quasi totale. Dans la même veine, mais en encore plus old school et en joyeux descendants du plus grand groupe du genre (les biens nommés Death), impossible de ne pas citer l'excellent dernier album de Necrot.


 

27

Fluisteraars - Bloem

Depuis les années 80, le black métal a suffisamment évolué pour qu'on puisse prendre au sérieux et apprécier un album dédié aux fleurs. Oui, hein, ce sont des néerlandais qui hurlent au sujet des petites fleurs (enfin pas que, mais surtout). Ce n'est absolument pas ridicule, on est dans une veine "post" black métal dont Deafheaven sont les stars actuelles. Ca ne fait pas l'unanimité, mais là c'est vraiment très joli. Alors, du joli black métal, je sais, c'est antinomique a priori, mais un genre aussi riche peut tout se permettre. Même les petites fleurs.


 

26

Emma Ruth Rundle & Thou - May Our Chambers Be Full

Celui-là on pourra facilement le qualifier de disque de métal pour les gens qui n'écoutent pas de métal. Mais, en même temps, cela plaît aux puristes, parce que ça reste du métal. Un crossover entre le sludge de Thou et les ambiances plus folk gothique de Emma Ruth Rundle. C'est très agréable, même dans ses aspects les plus abrasifs.


 

25

Havukruunu - Uinuos Syömein Sota

Ah le viking métal, on en reparlera dans ce classement, mais c'est toujours un plaisir d'en croiser du bon. Ici, bien vintage, bien à l'ancienne, avec les chœurs guerriers au milieu des morceaux. C'est du grandiose, de l'épique, dans des formats accessibles, très accrocheurs.


 

24

Dark Buddha Rising - Mathreyata

Un groupe dont le son se rapproche d'Oranssi Pazuzu, en moins bizarre quand même. Ca tombe bien, ils ont collaboré pour l'excellent projet Waste of Space Orchestra qui était assez haut dans mon top l'année passée. C'est du black atmosphérique psychédélique, un peu inclassable, vraiment prenant si on lui donne du temps.


 

23

Vengeful Spectre - Vengeful Spectre

Oui, du black métal chinois avec des éléments folkloriques. Si, dans l'absolu, c'est classique, les touches asiatiques, que ce soit dans l'univers et dans l'instrumentation, s'avèrent rafraîchissantes. C'est très efficace.


 

22

Cult of Fire - Moksha / Nirvana

Deux albums pour les tchèques de Cult of Fire, une manière d'imposer définitivement la splendeur de leur black métal mystique, forcément mystique. Si l'inspiration va du côté du bouddhisme, avec une approche plus positive du genre, l'exécution est assez classique avec juste l'ajout, certes non négligeable, d'instruments hindous. C'est assez épique, très atmosphérique, vraiment bien.


 

21

Krallice - Mass Cathexis

Avec Krallice c'est toujours la garantie de passer un excellent mauvais moment. Le black métal du groupe est de plus en plus expérimental, technique et dissonant, difficile à conseiller aux oreilles débutantes. Ce nouvel album "surprise" raffine encore davantage une formule qui a fait ses preuves. Les compositions sont déstructurées, imprévisibles, bordéliques au possible. C'est passionnant, pour peu qu'on lui consacre sa pleine et entière attention.


 

20

Eleine - Dancing in Hell

Ne croyez pas que je sois dupe. Le métal, dans son ensemble, peut aisément être considéré comme ridicule. On peut se moquer de tous les disques de cette liste, même les plus sérieux, même les plus tourmentés, même les plus artistiquement majeurs. Et, de tous les innombrables genres du métal, l'un des plus ridicules est, à mon sens, le métal symphonique. Dans sa dérive la plus "pop", cela a donné Evanescence, groupe dont je me suis largement gaussé à l'époque de son heure de gloire ; un groupe qui cumulait non seulement les pires travers du métal symphonique le plus mou du genou, avec les élans les plus vilains d'un sous-genre encore plus ridicule, le nu-metal, ça faisait beaucoup.

J'avoue, on s'en doute, j'ai beaucoup de mal avec le métal symphonique, qu'on surnomme, moi le premier, plus ou moins affectueusement, le métal Disney. Même si, dans l'absolu, cela ressemble souvent davantage à une BO de Danny Elfman qui se serait pris les pieds dans un album d'Emperor. J'ai des faiblesses, une certaine tendresse, pour certains des "grands classiques", tels que Once de Nightwish (côté Disney/Elfman) ou, plus récemment, Design Your Universe d'Epica (un peu plus métal et intelligent que les autres). Il y a un côté tellement rigolo à cette musique, totalement grandiloquente, qui franchit le mur du grotesque sans regarder dans le rétroviseur. Finalement, comme pour tout disque de métal (et probablement comme toute musique en général), il faut être dans le bon état d'esprit et ça fonctionne.

Pour reconnaître l'existence de ce genre, qui a son public, assez vaste, j'avais envie d'inclure ici un album de symphonique. Plutôt très bon en soi, Dancing in Hell des suédois d'Eleine coche toutes les cases. C'est en particulier le cas avec sa chanteuse, caricature du mannequin en plastique à voix opératique dantesque qui prête forcément à sourire. Le petit plus, à mon goût, c'est le son vraiment "lourd" pour le genre. Qui n'hésite pas à sortir les blast beats, les growls et les guitares heavy. Parce que bon, tant qu'à faire d'écouter du symphonique, autant qu'il y ait encore un petit peu de métal à l'intérieur. C'est ridicule, bien sûr, mais c'est du bon ridicule, du ridicule fun.


 

19

Bedsore - Hypnagogic Hallucinations

Difficile de définir cet album de Bedsore. C'est du death métal, un peu, ou du black métal, aussi, du doom, y en a. Mais alors c'est très "progressif", dans le sens où il y a de tout. On retrouve en particulier de nombreux interludes d'ambiances apaisées qui s'intercalent entre chaque morceau plus énervé. C'est un rythme très particulier, qui alterne douceur et violence, beauté et laideur. Ca désarçonne un peu au départ, mais le résultat est remarquable.


 

18

Lamp of Murmuur - Heir of Ecliptical Romanticism

Il y a pas mal de disques qui jouent sur la nostalgie dans ce classement, mais probablement aucun autant que le premier album de Lamp of Murmuur. Fermez les yeux, oubliez que vous savez que c'est sorti en 2020 et vous voilà de retour en 1993. C'est la deuxième vague du black métal. Avec la production immonde et les morceaux magnifiques qui naissent du boucan qui fait fuir ceux qui n'ont pas la patience de s'y plonger. Même la pochette ne dépareillerait pas entre un Darkthrone et un petit Mütiilation. Ca a bien sûr un côté exercice de style, mais bon, la musique est remplie de chefs-d'oeuvre qui ne sont que des exercices de style. Si le son est connu, les compositions sont remarquables, très mélodiques, et c'est ce qui fait toute la saveur de cet excellent disque.


 

17

Ulcerate - Stare Into Death And Be Still

Alors celui-là c'est le chouchou des "technicos". L'album de death metal technique de l'année, qui ne fait pas de prisonnier. C'est de la musique complexe, ah, je ne vous dis que ça. Et, le plus amusant, c'est que c'est relativement "mélodique" pour le genre, tout en restant brutalement atonal. C'est hyper sombre, forcément, aussi tourmenté dans les textes et les ambiances que dans la construction des morceaux. C'est, à mon goût, très exigeant, et, quand même, pas du même niveau que les plus grands chefs-d'œuvre du genre (écoutez Coloured Sands de Gorguts si vous voulez tutoyer les sommets). Si vous vous sentez d'attaque, c'est vraiment bien, mais ça réclame rigoureusement chaque seconde de votre attention, sinon c'est aliénant en deux minutes.


 

16

Sightless Pit - Grave of a Dog

La numéro 1 de mon top 2019, Lingua Ignota, est déjà de retour en collaboration avec Lee Buford de The Body et Dylan Walker de Full of Hell. Ceux qui connaissent savent que ça va être hardcore. Pas le genre musical, mais hardcore dans le sens qu'on va s'en prendre plein la gueule. C'est de l'industriel, pur et très dur, avec la touche lyrique et néo-classique propre à Lingua Ignota. The Body, on le sait, c'est de l'électro noise, du métal les doigts dans la prise jack du synthétiseur. On n'est pas déçu, c'est la face la plus sombre de l'électronique, un puits sans fond de noirceur. Boîtes à rythme sans pitié, infrabasses de fin du monde, nappes de synthétiseurs de l'angoisse, le tout percé par les hurlements de Kristin Hayter. Évidemment, c'est souvent magnifique. C'est tout le paradoxe de ce "bruit mélodieux". Pour ceux qui se sont, à juste titre, émerveillé sur CALIGULA l'année dernière, on conseillera par exemple l'écoute de The Ocean of Mercy et de Violent Rain.


 

15

Napalm Death - Throes of Joy in the Jaws of Defeatism

C'est la minute : gloire aux grands anciens, louons les vétérans qui font headbanger les Ehpad. Napalm Death, ce n'est pas n'importe qui, on leur reconnaît d'avoir créé un genre, rien de moins. Ce genre, le grindcore, est un des plus extrêmes du métal extrême, avec ses morceaux hyper violents qui durent deux minutes maximum. Depuis les bases posées dans l'album Scum, le grindcore a bien sûr connu mille évolutions et mille nuances. On les retrouve assez bien résumées dans le dernier album en date de Napalm Death qui s'apparente nettement à un chef-d'œuvre de "grindcore progressif" tant il ne suit pas à la lettre les codes du genre. C'est très agressif bien sûr, à l'image de la pochette qui ne fait pas dans la dentelle. Pour un album tardif dans une carrière déjà bien remplie, c'est de haute volée.


 

14

Winterfylleth - The Reckoning Dawn

Au milieu de tous les albums plus ou moins exigeants, plus ou moins expérimentaux, plus ou moins originaux, qui peuplent ce classement, il y a de la place pour des œuvres qui ne révolutionnent rien et qui se "contentent" de cuisiner merveilleusement bien les recettes qui ont fait leurs preuves. C'est le cas du dernier album des vétérans de Winterfylleth qui utilise à fort bon escient tous les ingrédients du black métal épique qui descend en droite ligne de Bathory. De petites touches de folk rappellent qu'on est au 21e siècle et que Agalloch est passé par là, mais sinon c'est du black à l'ancienne, avec de l'atmosphère à revendre, subtil et bourrin à la fois, comme on l'aime.


 

13

Liturgy - Origin of the Alimonies

Dans le genre groupe qui divise, Liturgy est un étendard. A l'origine, c'est du "black métal transcendantal", rien de moins. Depuis qu'elle a achevé sa transition, la démiurge Hunter Hunt-Hendrix souhaite offrir de la "musique totale", on est encore plus dans la stratosphère. Le résultat fait partie de ces oeuvres plus faciles à admirer qu'à aimer. Du moins, ce n'est pas une écoute facile, même si certains passages sont sidérants de beauté. Cela commence comme de la musique classique concrète et cela s'achève sur les mêmes sonorités. Au milieu, les instruments classiques voisinent avec le black métal le plus atonal, le free jazz le plus libre et, carrément, des glitches hérités de l'électronique expérimentale. C'est vraiment passionnant, très touchant, pas toujours très agréable aux oreilles, mais on y revient souvent.


 

12

Esoctrilihum - Eternity Of Shaog

Du one man black métal français, joliment bizarre, dont j'avais déjà beaucoup aimé les précédents opus. C'est encore plus varié qu'avant, et l'alchimie est de plus en plus sophistiquée. Dissonances, arrangements inattendus, richesse de l'univers, c'est le haut du panier du genre actuellement.


 

11

Wayfarer - A Romance With Violence

Il est très révélateur de l'excellence des sorties métal de 2020 qu'un album aussi fantastique que le dernier Wayfarer se retrouve aux portes du top 10. Ce groupe de black métal, dont j'avais déjà célébré l'album précédent (World's Blood) s'ancre dans le folklore américain, en particulier celui de la conquête de l'Ouest. Ce nouveau disque s'avère très ambitieux, en forme de requiem joué en mémoire des mythes américains, selon les propres mots du groupe. Héros et antihéros se côtoient dans un univers où tout le monde se retrouve perdant face à la violence. Traçant un parallèle avec l'Amérique d'aujourd'hui, Wayfarer dresse un portrait saisissant de ce pays tourmenté, né dans le sang, qui reste hanté par les démons de ses grands génocides. S'il y a de purs moments de black métal, le disque se réserve de nombreux passages apaisés et de bifurcations folkloriques. On n'est plus très loin du niveau de Panopticon. Avec son western musical forcément désenchanté, Wayfarer s'est imposé comme un des groupes majeurs du métal actuel.


 

10

Kaatayra - Toda Historia pela Frente / So Quem Viu o Relampago à Sua Direita Sabe

Grande révélation pour moi que ce one man groupe de black métal brésilien. Pour donner une comparaison, c'est un peu le Panopticon brésilien. Un énorme compliment, venant de ma part, qui se justifie par la qualité des deux albums sortis cette année. De Panopticon on retrouve le mélange de black métal bien vintage, avec la production rustique, et l'insertion de vastes portions de folklore local et d'instruments typiques. Le dosage est impeccable et l'écriture est remarquable, c'est plus que prometteur, c'est déjà très accompli. J'espère une reconnaissance internationale plus importante dans les temps à venir.


 

9

Enslaved - Utgard

Alors, pour ce que ça dit ou pas, Enslaved est probablement mon groupe de métal favori. Plusieurs raisons pour cela, que je crois avoir déjà évoquées sur ce site, mais bon, tant que j'y suis, autant me répéter. D'une part parce que, à mon avis, en presque 30 ans de carrière et avec 15 albums à son actif, Enslaved n'a jamais sorti un mauvais disque. Ni même un disque raté, non, je ne le pense pas. On peut, suivant les goûts, préférer telle ou telle période, être plus réceptif aux débuts plus "black", encore que le groupe norvégien ait toujours été en marge du mouvement en faisant du "viking métal", par exemple. Mais tous les albums sont intéressants, tous ont leur personnalité propre, qu'ils soient plus ou moins progressifs, plus ou moins agressifs.

J'avoue que mes favoris se situent à la croisée des chemins, au moment où Enslaved demeure franchement extrême tout en faisant valser les étiquettes. Cela nous a donné les chefs-d'œuvre que sont Mardraum, Monumension, Below The Lights et Isa, pile au début de ce millénaire. Depuis, le groupe est devenu encore plus progressif, faisant de plus en plus de place aux moments calmes et au chant clair. Mais cela reste Enslaved et chaque nouvelle étape est passionnante. La preuve avec Utgard, qui reprend tous les éléments précédents et ajoute de nouvelles touches, comme des passages avec une électronique minimaliste tirée des années 80. Un choix casse-gueule sur le papier qui accouche d'une de leur chanson les plus réussie (Urjotun). Encore un album majeur dans la discographie d'un groupe majeur, qui rayonne bien au-delà des frontière du métal, extrême ou non.


 

8

Atramentus - Stygian

Ici débute une ode au funeral doom. Toi qui lis ces lignes abandonne donc tout espoir. J'aime, j'adore, je suis gaga du funeral doom, un des plus beaux sous-genres du métal, selon moi. Le funeral doom, comme le black métal atmosphérique, s'apparente à mes oreilles à de l'ambient. C'est une musique qui enveloppe et qui engloutit. Je crois que c'est l'équivalent des chants religieux, des musiques tribales de transe, de quelque chose de très primitif, de mystique et de primordial. C'est, forcément, une musique qui évoque la mort, la disparition, la fin, le néant. Dans ses moments les plus radicaux, c'est un vrai trou noir qui aspire toute lumière. Paradoxalement, c'est aussi un genre qui réserve de purs moments de grâce élégiaques, de beauté décomplexée. C'est la lumière au bout du tunnel, l'apaisement au bout de la souffrance, l'aube après la nuit.

Je pourrais vous écrire des pages et des pages sur les mille nuances morbides du funeral doom, de l'étrangeté absolue de Thergoton en passant par le génie de disembowlment, la puissance d'Ahab ou la grâce de Mournful Congregation. Que je me perde chez Catacombs ou que je m'étouffe dans Evoken, j'y trouve là de quoi apaiser certains besoins de transcendance.

Bon, après toute cette introduction, je peux vous parler du bel album d'Atramentus, essentiellement composé de deux morceaux d'une vingtaine de minutes. Le premier s'avère classique et superbe, avec petit hommage à disembowlment et à ses blast beats, au début. Le second est un chef-d'œuvre, plein d'idées et de surprises. Oui, oui, dans un genre aussi pesant que le funeral doom, il est possible de surprendre. Bref, c'est ce que j'ai écouté de meilleur dans le style cette année et c'est une excellente addition à une discothèque de funeral qui se respecte.


 

7

Oranssi Pazuzu - Mestarin Kynsi

Depuis ses débuts, le groupe finlandais cisèle son black métal psychédélique assez indescriptible. De plus en plus bizarre, toujours marginal et extrême, Oranssi Pazuzu fait voisiner tribalisme et rock prog, électronique et plongée dans la terreur bruitiste. C'est répétitif et hypnotique, strident et mélodique, imprévisible et complètement fou. Avec ce nouvel album, le groupe navigue toujours plus loin dans les hautes mers de l'expérimental, sans se soucier une seule seconde des genres et des puristes. Oranssi Pazuzu ne ressemble définitivement plus qu'à eux-mêmes. Leur discographie est une des plus intéressantes, exigeantes et incontournables de notre époque.


 

6

Panzerfaust - The Suns of Perdition, Chapter II: Render Unto Eden

Il est rare, dans un genre aussi battu et rebattu que le black métal, qu'un groupe, qui n'en est pourtant pas à son coup d'essai, trouve un "son", une voix différente. C'est le cas de Panzerfaust qui, avec une trilogie dont il s'agit ici du second volet, est probablement en train de signer sa grande œuvre. Déjà, ne vous inquiétez pas, ce sont des polonais qui s'appellent Panzerfaust, mais ce n'est pas du black métal nationaliste et/ou nazi (l'affreux NSBM). Si je peux avoir une certaine tolérance (il en faut de toute façon) pour le métal qui exalte l'appartenance à un pays et à un folklore (oui, sinon on jette presque tout le genre), le black métal nazi, hein, c'est pas la peine.

Mais je m'égare et c'est dommage de consacrer autant de ligne pour dédouaner Panzerfaust. On en est là, tant la scène a toujours été gangrenée par des nostalgiques du fascisme sous toutes ces formes. La musique de Panzerfaust est d'une noirceur oppressante, brutalement athéiste. C'est assez bouleversant, surtout qu'il y a un son de guitare très particulier, vraiment frappant, désormais reconnaissable dès les premières mesures.


 

5

Black Curse - Endless Wound

Le disque de death metal de l'année, à mon sens, est moins la punition technique d'Ulcerate que l'hybride de Black Curse. Ce supergroupe qui allie des membres de Blood Incantation, Spectral Voice et Khemmis s'avère à la hauteur des attentes portées par les pédigrées respectifs. Si le death domine, on y retrouve de larges traces de black et de doom. Ce qui est sans doute plus inattendu, c'est la violence absolue du résultat. L'album ne relâche quasiment jamais l'agression (il n'y a pas d'autre mot).

C'est infernal, je ne vous le cache pas, et il faut avoir besoin d'une bonne catharsis pour pleinement s'y plonger. C'est sans pitié, avec un mur du son à couper à la tronçonneuse. Par contre, ça a un côté "à l'ancienne", parce que ce n'est pas technique, on est davantage dans l'esprit des années 90, pensez à Cryptopsy ou à Entombed, avec le côté hybride mentionné plus haut et la production qui tabasse. Ca dure 38 minute, on finit sur les rotules tant c'est brutal et que ça zappe d'univers toutes les 20 secondes. C'est aussi assez génial.


 

4

Vile Creature - Glory Glory! Apathy Took Helm!

Un duo canadien qui fait du doom/sludge antifasciste, vegan et pro-LGBT, mais oui ! Alors, ne vous fiez pas à l'humour des deux loustics (voir pour cela leur site web tout droit venu de 1997 et qui ressemble presque à la première version de The Web's Worst Page), c'est une musique très hardcore. C'est pas du rose bonbon, ce n'est pas facile d'accès. Pensez à Thou dans sa version la plus mochedingue, celle que je préfère, celle de Heathen. Ce sont donc des morceaux très longs, répétitifs, abrasifs au possible, mais accrocheurs. Avec, peu avant la fin, 6 minutes de chants grégoriens, de pause liturgique pure, comme une messe loin de toute religion. Inattendue, belle à tomber à la renverse, cette apparition fait aussi la force de cet album remarquable, d'une grande puissance émotionnelle, qui ne se révèle pleinement qu'au fil des écoutes.


 

3

Neptunian Maximalism - Eons

La classification de Neptunian Maximalism dans le métal peut se discuter à l'infini. Clairement, cette musique est beaucoup plus proche du free jazz. Mais comme il y a aussi un peu de drones et que c'est édité sur l'excellent label I,Voidhanger, on va dire que c'est du métal. Si vous le retrouvez dans des tops dédiés au jazz, ne soyez pas surpris. Le mélange des genres est de toute façon une des clefs de la réussite de Eons. John et Alice Coltrane voisinent avec Swans, Sunn O))) fait des bisous à Sun Ra. C'est un monument, déjà parce que ça dure 2h15, rien que ça, en trois disques, trois univers, trois ambiances. C'est immense et d'ailleurs la majorité des albums du haut de ce classement sont des pièces montées épiques, qui dépassent les deux heures. Si on veut du métal qui transcende, faut mettre les moyens temporels. Et les moyens sonores.

C'est énorme, dès les premières secondes, avec les rythmiques gargantuesques et le saxophone fou. Du drone free jazz, ce ne sera pas pour toutes les oreilles, faut s'abandonner comme jamais. Sinon, vous allez devenir dingue. De toute façon, vous allez devenir dingue, grâce à ce groupe belge (vive nos amis belges !) qui a trouvé sa voie. Un voyage dans une mythologie intergalactique qui fait vibrer à la fois le space jazz, la transe tribale et l'ambient la plus radicale.


 

2

Paysage d'Hiver - Im Wald

J'aurais aimé avoir le temps et le courage de rédiger une ode à la hauteur de mon amour pour Paysage d'Hiver, le projet solitaire du suisse Tobias Möckl (Wintherr). Depuis la fin des années 90, Wintherr a sorti une multitude de démos sous forme de cassettes, et Im Wald est un événement car il s'agit du premier album officiel de Paysage d'Hiver. Ah, oui, on peut difficilement faire plus kvlt et underground. Les démos étaient relativement facilement trouvables, avec des éditions en CD et vinyles, et pouvaient être considérées comme autant d'albums, avouons-le. Mais là, c'est quand même une date, surtout que Im Wald et ses monumentales 2h15 de musique, est aussi le travail le plus "accessible" de Wintherr.

Je mets des guillemets à accessible, parce que Paysage d'Hiver c'est vraiment tout un poème. Cette musique c'est d'abord un océan de bruit blanc, traversé par des hurlements lointains, des mélodies hypnotiques, des instruments inattendus. C'est un univers en soi, d'une richesse folle mais qui ne se donne qu'à celui qui s'abandonne. On se souvient probablement toujours de sa première rencontre avec Paysage d'Hiver (pour moi c'était avec la démo qui porte le nom du projet et qui demeure mon disque préféré de sa discographie). Il y a une incompréhension, un amusement, un rejet et, s'y le déclic a lieu, une révélation.

Si, si, une révélation, un émerveillement, une affection profonde qui ne disparaîtra plus. On s'attache ensuite à cette musique qui semble n'être que du bruit, entrecoupée par de longues minutes d'enregistrements de vents et de pas dans la neige. On est ailleurs, au milieu du blizzard, au cœur des montagnes enneigées, et bien au-delà. C'est assez indescriptible. Je crois qu'encore plus que tous les autres disques de ce classement, avec Paysage d'Hiver, on le ressent ou pas du tout, on "get it" ou pas. C'est de l'ambient, de l'ambient extrême, mais de l'ambient quand même. Avec, comme je le disais plus haut, ces incroyables percées harmonieuses, musicales, souvent sublimes, parfois bouleversantes, qui surgissent du brouillard sonore et en ressortent immenses.


 

1

Spectral Lore & Mare Cognitum - Wanderers: Astrology of the Nine

Pour incarner une année hors norme, il fallait un disque hors norme. Une fresque de plus de deux heures dédiées aux planètes du système solaire, en incluant Pluton, non pas pour un, mais pour deux morceaux, et toc ! La collaboration entre deux des artistes les plus remarquables du black métal atmosphérique actuel qui parviennent à créer une œuvre cohérente sans jamais sacrifier leur style propre. C'est du black métal, oui, avec des passages ambient et une atmosphère incroyable. Le niveau des compositions est digne de toutes les louanges.

C'est, accessoirement, le disque que j'ai le plus écouté durant le premier confinement, durant ces mois de mars et d'avril où le sentiment de fin du monde, de basculement possible, a été si fort. C'était ma bande son de la fin des temps, ou du moins de la fin des temps humains. Une manière de rappeler notre petitesse face à l'immensité de l'univers, Wanderers offre une expérience qui propulse dans un trip qui fait passer la fin de 2001 pour une promenade dans le square du coin. C'est le meilleur de ce que peut offrir, à mes oreilles, le métal dit "extrême", qui peut passer d'une violence hideuse à une beauté sublime, en l'espace de deux mesures. De l'art musical total.


 

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