La Quête de la Gargouille    Gargoyle's Quest     gargoylecover.jpg (85826 octets)

        Le RPG selon Capcom se doit d'être impossible à achever, sinon c'est pas marrant, non ? En fait, on pouvait tout à fait finir Gargoyle's Quest, notamment, hum... en trichant. Mais sinon, on pouvait se lancer courageusement dans l'aventure, l'une des premières de la Game Boy. L'une des plus cultes aussi, il me semble. Firebrand, c'est le nom de la gargouille qui tient lieu de héros. Même si les graphismes semblent datés aujourd'hui, ils étaient de toute beauté aux débuts de la console portable. Donc, Firebrand a de la classe. Il, enfin, elle, peut lancer des boules de feu, sauter, s'accrocher et même voler sur de plus ou moins longues distances (lors de séquences odieusement horripilantes). Elle poursuit une quête des plus classiques (sauver le royaume, tout ça, tout ça), en alternant déplacement sur carte (et combats aléatoires), ainsi que phases d'action grandioses en vue de côté.

Un Boss aaaah un Boss !!!! (ça y est on est mort)

        La progression est délicate et certains passages, en particulier les Boss, sont à s'arracher les cheveux. Mais l'ambiance est si réussie que l'on ne cesse d'y revenir. A une époque où Square balbutiait, Gargoyle's Quest tenait tête aux premiers Final Fantasy et autres Phantasy Star. Malgré une apparition sur Super Nintendo bien plus tard, Firebrand a depuis disparu corps et biens. On reste ému par les souvenirs des longues heures passées à évoluer dans les décors emplis de flammes et de nuages d'orage. Oui, vous pouvez toujours rigoler, mais Gargoyle's Quest a fait partie des plus beaux jeux du monde. Et si on s'y repenche maintenant, on pourra sans doute lui trouver encore bien du charme, en particulier grâce à la personnalité étrange et monstrueuse de son héros pas comme les autres.

Firebrand, superbe nom, superbe héros, rhaaa lovely


Solstice, le cauchemar recommence !!!     - Solstice    NES logo

        Bien avant Tomb Raider et Jet Force Gemini, les jeux en 3D avaient déjà fait des ravages sur nos pauvres petits doigts qui n'avaient rien demandé et sur nos pauvres petits yeux rudement mis à l'épreuve. Solstice, c'est un jeu en fausse 3D, vous savez, la 3D isométrique. En gros, il y a de la profondeur dans la 2D, mais vous ne vous en apercevez pas toujours. Donc vous loupez la plate-forme une fois sur deux. Et encore, je suis optimiste. En fait vous n'arrêtez pas de vous vautrer et de voir votre petit perso s'évanouir en un cri déchirant (et quand je dis déchirant, c'est carrément un hurlement fantomatique atroce).

Alors, hum, la brique sur la tête du monstre, je saute et aaaaaaaahhhhh

        Parlons-en du héros. Un magicien parti en quête de son grand amour enlevé par un autre magicien, mais pas gentil du tout celui-là. Vous avez une poignée de sort à votre disposition (invulnérabilité, blocage du temps) mais en tirage limité, très limité, bien sûr. On traverse donc près de 200 salles en côtoyant des ennemis et des pointes acérées. On grimpe (en particulier dans la tour finale) et on cherche désespérément des vies et les morceaux du sceptre qui nous permettront d'assister au final libérateur. En lui-même le jeu n'est pas impossible, même si quelques salles sont horribles à traverser. Mais là encore, comme pour Blaster Master, ce qui nous tue c'est l'absence de sauvegardes. On repart au début à chaque fois et on commence à en avoir par-dessus la tête de se retaper toujours les catacombes.

Attendez, je vais dans quel sens là ???.... aaaaaahhhh

        Solstice a marqué tous ceux qui l'ont joué grâce à de nombreuses originalités. Tout d'abord la 3D, bien sûr. Mais aussi le visuel général, parfois bizarrement touchant et inquiétant. Ensuite l'ambiance, assez flippante tout en restant envoûtante, renforcée par d'excellentes musiques. Le challenge ne manque pas d'intérêt et le niveau de difficulté, même s'il est très élevé, fait que l'on a toujours l'impression que l'on peut s'en sortir. Parfois on a sacrément tort, croyez-moi. Ensuite le jeu exploite au maximum les prémisses et permet au joueur de faire 250 choses différentes avec simplement une brique et un tapis roulant. On ne cesse d'errer avec bonheur et une certaine tristesse dans cet univers très vide, où le néant remplit souvent la majeure partie de l'écran.

Alors, voyons, si je saute un peu sur la gauche je... aaaaahhh

        Solstice résume bien ce que l'on peut attendre d'un jeu vidéo : l'originalité et l'efficacité. Etre original ne suffit pas, si le jeu est injouable ou d'une laideur apocalyptique, s'il est trop difficile ou carrément crétin, l'originalité ne servira pas à grand chose. Solstice avait pour lui l'originalité de son visuel ainsi que l'originalité de son déroulement (on est livré à nous-mêmes dans le château et l'on se perd plus qu'autre chose, comme quoi Soul Reaver et Shadowman n'ont rien inventé). Mais il avait aussi son univers graphique impressionnant (regardez les photos !), sa difficulté bien corsée, sa jouabilité agréable même si parfois rendue hasardeuse par la fausse 3D et son héros attachant (un magicien au look d'agent secret). Solstice nous a beaucoup énervé en son temps, on l'a détesté ce jeu qui nous a volé des heures merveilleuses de notre jeunesse, mais maintenant, plus de dix ans plus tard, on peut l'avouer : on aime Solstice !

Bon là je fonce tout droit et aaaaaaaa...... ah non, ça passe...


Mr. Nutz le premier des obscurs qui méritent la lumière     - Mr. Nutz    SNES Logo

        Culte Mr Nutz ? Oui, sans aucun doute. Auprès d'une poignée de possesseurs de Super Nintendo qui s'étaient offert ce soft de feu le big studio Ocean. Mr. Nutz, à la base, c'est un jeu de plates-formes comme il y en avait des milliers sur SNES. L'écureuil héros, qui n'a pas grand chose à voir avec Conker, est mignon tout plein. Il porte une casquette et des baskets, il respire puissament lorsqu'il est à l'arrêt et donne de splendides coups de queue sur tout ce qui bouge. Il se promène en sautant sur quelques ennemis bien sympas (des pommes, des chardons danseurs, des guêpes assez effrayantes, des souris, des ours, des esquimaux (??)...). Il croise quelques piques et quelques plates-formes mouvantes, ainsi que de grandioses labyrinthes. Il combat des boss et ramasse des bonus. Pas de quoi, a priori, grimper aux rideaux et crier au génie. Mais ! Mais ce qui fait de Mr. Nutz un soft aussi cher à mon cœur, c'est sa réalisation sublime. Non seulement c'est graphiquement le plus beau jeu sorti sur SNES (plus beau que Addams Family 2 !), mais c'est aussi l'un de ceux dont l'ambiance est la plus réussie. Il suffit pour cela de se remémorer les premiers niveaux du jeu. La forêt de jour, puis de nuit. On débute dans un univers d'arbres et d'herbes qui forment de véritables tableaux (au sens pictural, hein). On peut même découvrir entre les branches, une image de la destination finale de Nutz : les montagnes enneigées. C'est beau, très beau, très évocateur.

Plus beau que tous les autres jeux de son époque

        Et puis il y a la musique. Une musique phénoménale, irrésistible, prise de tête, riche, parfaitement orchestrée avec les (pauvres) moyens du bord. C'est d'abord une ritournelle joyeuse et grotesque, puis, la nuit venue, ce sera une berceuse pleine de breaks et d'accélérations. On est fasciné et ce n'est que le début. Car Mr. Nutz devra traverser la maison de la sorcière, puis les conduits d'écoulement. Il se perdra dans un cirque dingue et dans des cavernes oppressantes. Il fera une ballade stressante dans les nuages avant de surgir dans les mondes glacés de son ennemi le Yéti. Mais avant de voir la fin du jeu, vous pouvez toujours vous accrocher. Mr. Nutz est un jeu d'une horrible difficulté. Pas de sauvegardes, et, même si on n'est pas dans l'aberration de Blaster Master, le jeu est très long, trop long. On ne cesse de mourir, de recommencer, de chuter, de piquer des crises. Il existe bien un code pour être invincible et choisir son niveau, et on devra sans doute y avoir recourt si on désire triompher du Yéti. Mais il ne faut pas tricher chez Mr. Nutz, car le vrai plaisir, le véritable culte qui entoure ce jeu tient dans ses premiers niveaux, claque visuelle, claque auditive, l'impression miraculeuse d'entrer dans un conte.

Tadada tadada tatatada...


Blaster Master : Mission Impossible    - Blaster Master     NES logo

        Concept génial : vous dirigez à la fois un tank dans un scrolling 2D et dans des niveaux entre plates-formes et shoot 'em up, mais aussi le conducteur du tank lorsqu'il entre dans des niveaux souterrains, cette fois-ci en simili 3D et dans un mélange entre casse-tête et shoot pur et dur. L'ambiance est fabuleuse, les graphismes impeccables, la musique dynamique et prenante, la difficulté très progressive et le challenge est toujours plein de surprises. Blaster Master est passionnant, voire palpitant. Alors où est le problème ?

un ptit tank dans des levels infinis

        Et bien le problème c'est que ce jeu est interminable. Si, si, interminable. J'y ai joué beaucoup et longtemps, je me débrouillais bien et j'arrivais à un point où j'avançais tout le temps sans trop de difficultés. Mais il n'y a pas de sauvegardes sur Blaster Master. Et après y avoir joué pendant facilement 15 heures sans éteindre la console, je me suis aperçu que je n'étais qu'à la moitié du jeu (et encore). En précisant que, quand même, on bloque toujours un tantinet dans les nouveaux niveau rencontrés, que certaines difficultés sont toujours délicates à gérer même en connaissant les premiers levels par cœur, que l'on ne cesse de devoir faire des allers et retours (l'entrée du level 4 est située au début du level 1 !!) et que l'arme du héros sorti de son tank est particulièrement horrible à gérer. Il faudrait donc laisser sa NES allumée 35 ou 40 heures d'affilées (en jouant tout le temps ! sinon il faut compter les pauses en plus). Je sais que c'est faisable, mais ça tient de l'expérience extrême de nerd.

le ptit Tank chez monsieur Burton          Le Boss de fin !! Profitez-en, vous n'êtes pas prêts de le voir


Batman NES, le premier plus beau jeu du monde    - Batman     NES logo

        Des Batman j'en ai joué des tonnes. Même sur la console Amstrad. C'est vous dire ! Trois jeux ont pour l'instant marqué mon cœur de joueur. Le premier et totalement mythique Batman sur NES. Le premier et pas moins mythique Batman sur GameBoy. Deux jeux Sunsoft, comme seul Sunsoft savait les faire à l'époque. Et enfin le Batman Returns beat 'em up sur SNES. Si vous êtes un vieux joueur (et d'autant plus si vous aviez une NES), vous ne pouvez que connaître le Batman de la NES. Adaptation officielle du film de Tim Burton, adaptation à la hauteur de l'œuvre sur pellicule, si vous voulez mon avis. D'une beauté visuelle incroyable pour l'époque des 8 bits (même les jeux Megadrive pouvaient faire profil bas devant Batman), d'une difficulté écrasante mais loin d'être insurmontable, linéaire mais prenant, ce jeu, entre plates-formes et fight, possédait de surcroît une jouabilité à toute épreuve (chose rare aussi à cette époque déjà si lointaine).

Jump, jump señora ! Ah oui, Batman est bleu...

        En revoyant le jeu, on reste encore surpris par la gestion splendide et surtout très maligne des limites de la NES. En travaillant sur les ombres, les flous et les répétitions de décors, les programmeurs ont non seulement explosé les limites visuelles de la Nintendo, mais ils ont réussi à rester fidèle à l'univers du Dark Knight. L'histoire en elle-même est loin d'être fidèle au film, mais la confrontation contre le Joker tient toutes ses promesses, après une escalade horrible dans les méandres d'une cathédrale pas du tout gothique mais totalement mécanique. Les différents thèmes musicaux sont très réussis aussi, et le thème du niveau 1 (et 5) est bien plus que culte. D'ailleurs ce jeu est culte.

si un gros type comme ça vous tombe dessus, vous êtes bien mal barrés...


        Le Batman de la GameBoy n'est pas loin de cette excellence visuelle (du moins pour une GameBoy...). Très fidèle au scénario du film, il se paye le luxe d'être plus jouable, plus varié, plus passionnant et plus divertissant que son homologue NES. Chef-d'œuvre incontestable du genre "plates-formes action" de la GameBoy pendant bien des années, Batman peut se jouer et se rejouer pendant des jours sans lasser. On ne cesse de courir après les armes les plus efficaces (les terribles Batarangs, indispensables pour tuer le Joker), on prend un pied infini à piloter le Batwing dans les niveaux shoot 'em up, on fatigue dans les plates-formes mouvantes du musée et enfin on se liquéfie dans le dernier niveau à scrolling automatique de la cathédrale. Batman/le joueur ne fait que quelques pixels de haut (on reconnaît à peine ses grandes oreilles) et pourtant on n'a jamais autant eu l'impression d'ETRE Batman. Ah oui, aussi, bien sûr, la musique est superbe (allez, tous en chœur, le thème principal : taaaa taaaaaa tatin taaaaaa taaaaaa tatin tiiiiiiiiiin !).


Le logo du plus grand film du 7e art        Le Batman Returns de la SNES, développé par les stakhanovistes de Konami, fut une demi déception en son temps. Ce n'était qu'un banal Final Fight avec les persos du meilleur film de Tim Burton (oui, je sais, c'est Edward le meilleur Burton, mais à égalité !). Mais la déception fut de courte durée. Car le jeu est d'une beauté hallucinante (les écrans fixes sont sublimes, rhhaaa l'écran final avec Catwoman !), la jouabilité est jouissive, mais, surtout, le film est respecté avec un soin indéniable. Tous les personnages principaux sont présents (ou presque). Tous les décors essentiels sont traversés (ou presque). Tous les rebondissements sont sauvegardés (ou presque). Mais là où vous allez tomber sur le cul, vous, les fans du film qui n'avez jamais joué à ce jeu, c'est que la musique est extrêmement fidèle à celle de Elfman. Certes c'est du midi, mais c'est renversant. On joue DANS le film. Et on peut enfin avoir des rapports SM décomplexés et extrêmes avec Catwoman et son coup de griffes supersonique (et son coup de pied entre les jambes... je n'invente rien !).

Il est beau ce jeu, et encore vous n'avez pas la musique !            Catwoman vous fouette en direct. Le meilleur moment de ma vie de video-gamer.

        J'ai une section de site dédiée à Batman Returns et je viens de réaliser que j'oublie d'y parler de cette petite perle. D'autres jeux Batman 2 sont sortis à l'époque, principalement sur GameGear et Megadrive, mais ils n'ont rien à voir avec celui de la SNES. Ce sont d'ailleurs de sinistres daubes. Mais pas ce beat 'em up ! Des rues de Gotham en passant par les toits, du train du cirque au zoo abandonné, on fait enfin partie du plus grand film du monde. Et on s'offre même une virée en Batmobile ridiculement facile. Facile, le jeu l'est dans son ensemble, même en mode hard.

Ils sont venus, ils sont tous là, elle va mourir la princesse...        VROOOOOOOUM

        Mais ce n'est pas pour nous déplaire. Nous sommes là pour le plaisir. Le plaisir de taper les clowns du Triangle Rouge en suivant les rythmes fous du grand Danny Elfman. Le plaisir de zigzaguer entre les coups de fouet de Miss Selina Kyle. Le plaisir d'anticiper les attaques aériennes du Pingouin. Le plaisir des pièges ferroviaires de ce train géant. Certes, les ennemis ne sont pas très variés, mais ils respectent totalement le film. Car c'est là la clef de toute l'histoire. Ce Batman Returns pourrait être banal, voire odieux, mais en collant au plus près au film, en osant se confronter au chef-d'œuvre crépusculaire du cinéma hollywoodien des années 90, ce jeu partage un fragment du génie de Burton. Et même si ce n'est qu'un fragment de ce génie, je vous laisse imaginer la beauté du résultat...

La plus belle fin d'un film occidental.


Silent Hill, bouh ça fait peur !!     - Silent Hill    PSX logo

        J'aime avoir peur, j'adore avoir peur, mais je l'ai déjà dit ailleurs. Mais je n'aime pas qu'on se foute de moi. Resident Evil, ça fait peur car on ne cesse de courir dans les murs quand un Hunter vous tombe sur la gueule. Si je peux vous dire beaucoup de bien du Code Veronica de la DreamCast (et j'espère pouvoir dire bientôt beaucoup de bien du Rebirth sur GameCube), je peux aussi vous dire tout le mal que m'inspire cette série qui a érigé la jouabilité défaillante en procédé de terreur. A l'inverse de Tomb Raideur qui, lui, a érigé la non jouabilité en procédé de poilade ("Oh ma Lara s'est encore encastrée dans un mur en tombant à travers le plancher, ah bah crotte alors !"). Silent Hill ? C'est la jouabilité de Resident Evil, mais dans le brouillard ou dans les ténèbres quasi totales. Comme ça on se cogne moins dans les murs, on ne les voit pas du tout... Le jeu, par ailleurs, est odieusement flippant et connaît son Lovecraft et son Carpenter par cœur. Silent Hill ? C'est l'Antre de la Folie en jeu vidéo. C'est donc génial, non ?

brouillard, gore, errance, neige, tout pour plaire

        Oui et non, car l'interractivité offerte au joueur dans ce premier opus sur PSX est très frustrante. On ne peut pas faire grand chose et on tourne beaucoup en rond en serrant les fesses. La radio grésille et on se met à tirer nos quelques cartouches dans un tronc d'arbre. Vite ! Vite ! On s'enfuit, avant de finir bloqué dans un angle du décor en se faisant bouffer par un zombie quelconque. Exaspérant Silent Hill ? Oui ! Quand on tourne en rond pour la 2500e fois en se faisant courser par l'ennemi que l'on a déjà décanillé cinq fois de suite. Prometteur Silent Hill ? Sans le moindre doute. Et jusqu'à la sortie des prochains chefs-d'œuvre de la GameCube, on n'a jamais eu aussi peur dans un survival horror en jeu vidéo. Sauf dans... ah mais j'en parle juste en-dessous !!

brrrr


Shaaadowmaaaan !! (à prononcer avec la voix des monstres à deux têtes !)    - Shadowman    N64 Logo

        Celui-là je voulais le mettre dans mes grands classiques, mais bon, au milieu des Final Fantasy et des Zelda, je me suis dit : non. Il va disparaître face à tant de prestige et ce serait dommage. Car Shadowman est un chef-d'œuvre paradoxal. Paradoxal, car c'est un soft qui souffre d'une jouabilité lourdaude et d'une certaine banalité. Comme dans un Soul Reaver, on se perd dans des labyrinthes de grottes et de salles, on tire sur quelques ennemis vicieux, on tourne beaucoup en rond, on récupère des objets pour avancer, on fouille pour la 1000e fois le même niveau, on se prend la tête à effectuer des sauts impossibles et on meurt encore et toujours à cause d'un vilain bug. Mais ce qui sauve Shadowman, c'est sa putain d'ambiance. Oui, une putain d'ambiance !

La porte de l'Enfer

        Grâce à une intrigue mélant vaudou, apocalypse et quête existencielle douloureuse, on voyage entre le monde infernal et le monde des vivants ; on ne sort jamais de paysages ou de décors oppressants, terrifiants et de toute beauté. Des peintures torturées se dessinent à l'horizon, des dédales plein de bruits lointains effroyables filent vers l'infini, des cathédrales sous-terraines déversent des flots de sang, des lacs de lave s'agitent sous nos pieds, des pendules à la Poe coupent l'air en sifflant, un asile de haute sécurité est pris d'assaut par des serial-killers alliés du démon. On se retrouve même, dans l'une des meilleures séquences du jeu, à intervenir dans un remake du final du Silence des Agneaux (vous êtes dans le noir dans un immeuble abandonné, l'électricité est coupée, le tueur a des lunettes infrarouges... et il vous épie depuis le plafond (!!)). Plus loin ce sera carrément Jack l'Eventreur qu'il faudra affronter dans les égouts de Londres. Des scènes comme celles-ci, Shadowman en regorge. Il faudra combattre des Sœurs de Sang, prêtresses terrifiantes qui volent et vous massacrent en un clin d'œil en émettant les cris les plus terrifiants qui soient. Il faudra traverser des temples interminables, bourrés de difficultés. Il faudra investir la tour infernale (l'Asylum) du démon suprême (Légions !!!), depuis les abattoirs sous-terrains jusqu'aux rivières de sang. Le jeu n'épargne pas ses efforts pour mettre à mal le joueur : récits atroces des crimes des serial-killers, cadavres bien amochés un peu partout, hurlements lointains à profusion, détails gores très beurk, langage brutal, violence froide, ambiance désespérante... Le héros a de surcroît perdu son petit frêre dans un accident-attentat douloureux. C'est le nounours de l'enfant qui lui permet de faire le lien entre les deux univers. Cela donne une bonne idée de l'ambiance (issue d'un Comics, mais prenant ici une toute autre dimension...).

Le lit bien peinard d'un serial killer La beauté du cauchemar

        Certes, Shadowman est répétitif dans ce qu'il vous demande d'accomplir, certes le jeu est parfois bien énervant, mais les décors possèdent une telle puissance de cauchemar, les ennemis sont tellement charismatiques, la musique est si tribale (le thème principal peut devenir culte avec ses percussions predatoresques), les effets sonores sont si affolants, l'histoire est si déprimante et intense, que l'on pardonne les défauts pour ne s'extasier que devant les qualités de ce soft hors du commun. Avant Eternal Darkness (qui s'annonce encore plus réussi), on tenait déjà le chef-d'œuvre de l'horreur vidéoludique. Pour profiter pleinement de Shadowman, il faut passer outre la jouabilité et les quelques bugs, il vaut mieux l'acquérir sur N64 ou sur Dreamcast (où il atteint sa pleine force visuelle) et il faut du courage. Mais si vous avez le malheur de vous laisser prendre au piège, vous ne pourrez plus jamais oublier ce jeu. Il possède la beauté du cauchemar. Ah oui, la fin est décevante au possible, mais là encore, on ne peut que pardonner, le reste tient du cristal des ténèbres...

Cathédrale démoniaque

 
 
 
 
 
 
 
 
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