Inland

de Tariq Teguia

Un géomètre s'ennuie dans un coin de désert algérien. Il y croise une jeune immigrée qui souhaiterait rejoindre la frontière. Quelle frontière ? Peu importe, Inland se conçoit comme un trip esthétique : d'interminables plans fixes ou tremblotants, durant lesquels le spectateur n'a pas d'autres solutions que de compter littéralement les moutons ou d'admirer des prises électriques. Oui, on dirait de la photographie contemporaine, pas particulièrement inspirée. C'est donc parfois beau, mais la durée des images devient insupportable au bout de quelques instants.

Le réalisateur, Tariq Teguia, se donne un mal fou pour accoucher des plans les plus inattendus (et déplaisants) et pour supprimer toute tentative de dramaturgie. On connaît la méthode, elle n'est pas neuve. On pense ainsi beaucoup au Twentynine palms de Bruno Dumont, qui proposait pourtant nettement plus de sens et d'intensité. Ici il ne reste plus que le néant du cinéma. Les sièges de la salle claquent sans trêve dans le silence de ces visions amorphes. La puissance et la fascination devraient être au rendez-vous, mais seuls les doux bras de Morphée pourront apaiser ces 2h20 assomantes.


Il Seme della Discordia

de Pappi Corsicato

Nostalgiques des riches heures de la comédie italienne la plus honteuse, réjouissez-vous ! Elle se porte plutôt "bien", même si elle ne traverse plus les Alpes pour s'échouer dans les petites salles de quartier ou en deuxième partie de soirée des chaines du câble. Pourtant on a gagné au change, car Caterina Murino a remplacé Aldo Maccione. Par contre, paradoxalement, ce cinéma là est devenu plus prude. Seul le thème du film et l'insistance à filmer les actrices au ras du décolleté ou de la mini-jupe rappelle les pochades érotiques des années 70.

Si cette Graine de la discorde est très décevante, on est surpris par le scénario glauquissime qui s'y déroule. La belle Caterina se fait violer, pendant qu'elle est inconsciente, ce qui lui permet d'obtenir l'enfant que son mari stérile ne peut lui offrir. Va-t-elle retrouver le père ? Va-t-elle garder le bébé ? Autant de questions traitées sur un mode de comédie souvent potache, rarement drôle. Si on prend en compte le visuel qui navigue entre le sitcom et la pub pour serviettes hygiéniques, on ne peut être que désolé par cet échec qui n'a presque aucun autre intérêt que la présence de la sublime miss Murino (et cela suffira à certains). Il faut dire qu'elle est resplendissante, quelle que soit la trivialité des situations qu'on lui demande d'interpréter. Malgé tout, que ce film se retrouve en compétition à la Mostra de Venise 2008 demeure la plus grande des aberrations.


Soldat de Papier

de Alexei German Jr.

Quoi que l'on puisse en penser, la vie du critique de cinéma n'est pas toujours rose. Parfois il faut faire face à la souffrance : psychologique, avant tout, mais qui peut s'acheminer vers l'épreuve physique. Paper soldier d'Alexei German Jr. est une de ces expériences extrêmes qui peuvent bouleverser les amoureux les plus inconditionnels du 7e art. On se sent comme Alex dans Orange mécanique, soumis à la torture de la méthode Ludovico. C'est simple, en sortant de ce calvaire apocalyptique, on ne croit plus en rien, on se dit que le monde entier nous en veut, et en particulier ce réalisateur russe qui a du accoucher de son œuvre dans le cadre d'un bad trip au LSD.

Au début on s'interroge : ce ne doit pas être les bons sous-titres. Chaque acteur erre dans le cadre (hideux) en donnant l'impression de jouer dans un film différent de ses camarades. L'histoire de ce médecin qui se sacrifie corps et âme pour le programme de conquête spatiale soviétique n'est qu'un prétexte à déclamer des dialogues sans queue ni tête. On y passe du sens de l'art à une montre cassée, tout en causant de la mort et des services en porcelaine (indispensables en vacances). Tout cela en de vagues plans séquences, mis en scène n'importe comment (les visages des acteurs débordent souvent du cadre).

Visuellement Paper soldier ressemble à une horrible parodie de cinéma russe : boue, ciel gris et froid, interminables va-et-vient entre la gadoue et les intérieurs sales. Le symbolisme est lourdingue, la maison familiale baigne sous la pluie (comme chez Tarkovski), les femmes sont à moitié folles, les hommes portent le poids de tous les drames métaphysiques (même le dernier des troufions) et le communisme vampirise chaque recoin. On nous répète que l'humanité est comme les chiens, on nous le montre, on insiste, puis on parle d'un gars (qui ? un médecin, comme ça) mordu par un écureuil. C'est Le Doutage, cher aux Inconnus...

Seul le rire peut nous éviter de perdre la raison, et encore, on ne doit pas être ressortis indemnes de Paper soldier. Une partie de nous est morte devant ce film, bouffée par la transcendance divine des rideaux jaunes, qu'il faudra penser à acheter, pour l'appartement, au printemps prochain...


$ell Out !

de Yeo Joon Han

Le premier long-métrage du malaisien Yeo Joon Han débute sur une fausse émission télévisée dédiée à l'art. On y découvre l'interview d'un réalisateur de films « d'auteur » spécialisé dans les oeuvres taillées pour les festivals, pleines de plans fixes et de dialogues lents et stupides (« pour que les spectateurs aient le temps de lire les sous-titres »). S'en suit un extrait de son film, où deux jeunes discutent de banalités devant un ascenseur. Lors de sa présentation, en section parallèle, à la Mostra de Venise 2008, cette scène (et toute la suite de Sell out !) fut acclamée, en provoquant des rires francs et libérateurs.

Comédie surréaliste, Sell out ! ne se limite pas à des gags burlesques, doucement mais sûrement, son message, visant la société de consommation et celle du spectacle, fait son chemin. L'héroïne (excellente Jerrica Lai) est une présentatrice TV arriviste et narcissique. Le héros est un jeune cadre bienveillant qui va se retrouver littéralement scindé en deux, entre sa part idéaliste et son côté réaliste. Ils sont tous pris dans les filets de FONY Electronics, trust délirant et effrayant.

Sell out ! est une comédie extrêmement noire qui rappelle que l'être humain est prêt à tout pour l'argent, alors que celui-ci est souvent loin de faire le bonheur. De nombreux intermèdes musicaux, géniaux, relancent une histoire peut-être un poil longuette. Mais le final, à la fois très drôle et d'une grande tristesse, balaie tous les petits instants d'ennui. Bourré d'idées, hilarant, d'une énergie communicative, brillant à tous les niveaux, Sell out ! a tout du film culte, prêt à faire chanter en choeur ses spectateurs enthousiastes.


La Terre des Hommes Rouges

de Mario Bechis

La déforestation en Amazonie est un sujet bien connu du grand public depuis les années 80, mais Birdwatchers se penche sur le sort des indiens une fois que le mal est fait. Parqués dans des réserves, contraints de survivre dans des conditions misérables grace à des petits boulots journaliers, les indigènes n'ont que peu d'espoir. Les suicides sont nombreux et les traditions se heurtent aux règles dictées par les grands propriétaires, descendants des colons portugais. Comme une dernière bravade un chef de tribu décide de reconquérir une parcelle de terre ancestrale, aujourd'hui transformée en champ.

Dans ses meilleurs instants le film de Mario Bechis propose des images frappantes, où se répondent anachronismes et vain combat pour la diginité. Les acteurs, tous excellents, créent la véracité et l'implication émotionnelle indispensables. Malheureusement on souhaiterait être plus touchés par Birdwatchers. Certains développements de l'intrigue s'avèrent très classiques et déjà vus dans des oeuvres au sujet similaire. Il manque un peu de souffle à cette histoire, on regrette l'absence de la scène qui viendrait nous bouleverser. La fin, assez évocatrice, laisse un goût d'inachevé, comme si le panthéisme souhaité par le réalisateur ne s'accomplissait jamais vraiment.

Mais cette retenue est aussi la force de Birdwatchers, qui dépeint un portrait convaincant de la situation de ces indiens qui ne possèdent presque plus rien. Ils s'attachent à la terre et aux croyances comme aux derniers symboles de temps révolus. Le plus intense des désespoirs n'est jamais loin, car l'existence de ces êtres oubliés de tous semble chaque jour plus fragile.


Teza

de Haile Gerima

Anherber revient dans son village natal d'Ethiopie. Cet homme fatigué est amputé d'une jambe et désillusionné. L'univers de son enfance lui semble étranger et, en cette fin des années 80, la junte communiste recrute brutalement ses troupes parmi les jeunes. Pourtant Anherber a lui aussi cru aux idéaux marxistes, lors de ses études en Allemagne de l'Est. Mais la réalité du racisme en Europe et la violence de son pays africain en guerre civile perpétuelle vont le déchirer au plus profond de son être.

Le sujet de Teza est fort, mais aussi très spécifique. Si on ne se sent pas concerné par l'Ethiopie des années 70 et 80, on peut passer son chemin. Car les 2h20 sont longues et peu engageantes. Si la première partie, avec le retour dans le village, est plutôt touchante et parfois belle, dès que le film stagne en RDA ou s'épanche en de longues considérations socio-politiques, il semble très daté. La mise en scène, souvent juste digne d'un bon téléfilm ne fait rien pour arrondir les angles.

Teza n'est pourtant pas un pensum insupportable : ça et là des séquences touchantes surgissent et les idées sont assez intéressantes, quoique gentiment naïves. On louera l'interprétation de Arom Arefe, ainsi que l'indéniable sincérité de l'œuvre. Mais cela reste avant tout un film taillé pour les festivals et les universités, difficile à conseiller au grand public. A vous de voir si vous êtes prêts à tenter le voyage.


Fay Grim

de Hal Hartley

Quoi de plus sinistre qu'une parodie pas drôle ? Quoi de plus affligeant qu'une oeuvre se croyant infiniment plus maligne que le genre auquel elle s'attaque tout en se plantant dans les grandes largeurs ? Bordel sans nom, Fay Grim (vague suite à son Henry Fool) est le sommet nanar d'un Hal Hartley depuis longtemps perdu pour la cause cinématographique. Entraînant avec lui Parker Posey et Jeff Goldblum, il livre un court-métrage amateur à peine digne de Youtube... étiré sur deux interminables heures de dialogues inutiles et de situations grotesques.

Sans budget, filmé de travers et dans une image HD hideuse, Fay Grim peut difficilement mériter le nom de film. Rythmé à la fois par une musique de thriller insupportable et le claquement des sièges des spectateurs quittant la salle, cet OFNI est une expérience qui épuise les nerfs tout en créant une fascination masochiste.

Où vont-ils ? Pourquoi ? Hartley veut-il nous dire quelque chose sur la complexité du monde ? Sur l'inutilité du cinéma ? Sur la mort de la communication ? Que vient faire un pseudo Ben Laden là-dedans ? De qui se moque-t-on ? A cette dernière question, il est facile de répondre : les vrais "fool", c'est nous, que  le réalisateur rend complices de sa farce consternante. Seul le rire sera salvateur pour les quelques inconscients qui se perdront devant l'aberration complaisante qu'est ce Fay Grim.


King of California

de Mike Cahill

Quoi  de plus traditionnel pour une star en perte de vitesse que de « casser son image » et de « prendre des risques » ? Ce genre de décisions fut plus d’une fois récompensé par les louanges de la profession et même par de beaux succès public.  La qualité du film importe finalement peu, tant qu’il s’agit d’un véhicule permettant à l’acteur à la dérive de se rebâtir une crédibilité enviable. King of California est donc la luxueuse limousine prête à redorer le blason doucement terni de Michael Douglas. Avouons-le sans attendre le pari est globalement réussi, le monsieur y délivre sa meilleure performance depuis belles lurettes tout en renouvelant son capital sympathie auprès du public.

Seul problème, et de taille, dans l’enthousiasme du bon coup à jouer, les concepteurs de King of California ont un peu négligé le reste de l’œuvre. Passé le concept intrigant qui décrit Douglas en gentil doux-dingue à la recherche d’un trésor perdu sous une banlieue en construction, il ne reste pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le scénario essaie de créer de l’émotion en insistant lourdement sur la relation père-fille entre Douglas et la craquante Evan Rachel Wood, mais tout cela se fait à grands traits, sans surprise ni génie.  Dès les premières minutes on sait très exactement où le film nous emmène et il ne déviera pas un seul instant de toutes les scènes et répliques imposées.

La fin, évidente, renforce l’impression de gentille futilité d’une trame qui se voudrait pourtant exemplaire. Ni la mise en scène, ni aucun autre aspect technique (la musique de David Robbins est oubliable) ne viendront raviver la flamme. Le cinéphile peut cependant s’émerveiller en se disant qu’il s’agit peut-être là de la meilleure chose jamais produite par Avi Lerner et Nu Image (American ninja 3, Cyborg cop, Shark attack mais aussi 16 blocs et 88 minutes, entre autres perles nanardes...). On pourra répéter que le film est loin d’être déplaisant, il réserve même quelques petites scènes attachantes et l’énergie déployée par Michael Douglas ravira ses fans. Il n’empêche qu’au regard des ambitions affichées, King of California demeure trop classique et besogneux.


The Offence

de Sidney Lumet

The Offence est une nouvelle preuve, et inédite en salles en France de surcroît, de l’incroyable créativité du cinéma anglo-saxon du début des années 70.  Mais plus encore, le film confirme le talent unique de Sidney Lumet pour transmettre la vivacité du théâtre sur grand écran. Son plus grand film, 12 hommes en colère, ne cachait pas ses origines et dans The Offence le découpage est encore plus flagrant, tout en étant mis en scène avec une intelligence remarquable. Pour scander les différents actes, Lumet choisit des procédés faisant échos au cinéma expérimental : plans subliminaux, surexposition, déconstruction narrative, flashbacks et flashforwards complexes, musique atonale angoissante, etc…

Dans sa première partie, où sont exposés les faits criminels révélant la psychose du personnage principal, Lumet joue sur le silence et l’espace (de la forêt, de la ville, du commissariat). Une fois la scène clef de l’interrogatoire nouée, le réalisateur plonge dans le théâtre pur, déroulant trois actes comme autant de confrontation entre l’inspecteur campé par Sean Connery et sa propre culpabilité. Dominant et cruel avec sa femme, en rapport de force équilibré avec le lieutenant interprété par Trevor Howard, puis entièrement mis à nu par l’incarnation de ses pulsions les plus malsaines, un suspect troublant magistralement porté par le méconnu Ian Bannen. Autant de moments terribles, moralement ambigus, qui nous font basculer dans le chaos psychologique de l’inspecteur Johnson.

Dans le rôle, Sean Connery est extraordinaire et la performance figure parmi les plus marquantes de sa longue carrière. Intense jusqu’à l’étourdissement, l’écossais n’a jamais été aussi vulnérable et inquiétant à la fois. Très intelligemment, Lumet joue du capital sympathie que véhicule l’interprète de James Bond. Le spectateur peut ainsi se dire que si Sean joue des poings, c’est forcément pour une juste cause. Insidieusement, le récit nous manipule pour mieux éclairer ce qui était pourtant là dès le tout début. Le face à face final bascule les rapports de force et envoie le spectateur au tapis, la plongée dans la folie et la violence donnant le vertige. La redécouverte de The Offence arrive à point nommé, à la fois pour célébrer la carrière de Sidney Lumet, mais aussi pour rappeler qu’avant la facilité hollywoodienne, Sean Connery était l’un des plus étonnants acteurs de son temps.


Joyeuses Funérailles

de Frank Oz

Rire de tout, et en particulier de la chose la moins drôle de l’existence (la mort, pour ne pas la laisser dans l’ombre), est le propre de l’humour britannique. Plus le mauvais goût est prononcé, plus il est noir et putréfié, meilleure est la comédie.  Du moins en théorie, car en pratique il faut pour soutenir ces bases un tantinet de rythme, un texte qui coule de source et une pléthore de bons comédiens.  De Frank Oz, qui n’a pas fait grand-chose de mémorable depuis The Dark crystal (et la voix de Yoda), on était bien loin d’attendre une aussi agréable surprise que ces Joyeuses funérailles.

Les axiomes exposés plus haut sont ici réunis, à commencer par une brochette d’acteurs parfaits. Il faudrait énumérer tout le généreux casting tant il est difficile de louer l’un plus que l’autre, même si Aland Tudyk en avocat littéralement sous acide, Matthew Macfadyen en fiston dépassé par les événements et Peter Dinklage avant la célébrité de Game of Thrones, crèvent particulièrement l’écran. Porté par l’énergie de ses héros, le film ne se réserve aucune respiration et fonce tête baissée dans une accumulation délirante de catastrophes et autres révélations embarrassantes.

Certes les ficelles sont souvent grosses, et il est facile de faire rire en créant le chaos autour d’un cercueil. Mais Joyeuses funérailles fait preuve d’une inventivité sans borne et d’un sens de la transgression particulièrement décomplexé. Ne reculant devant aucune situation scabreuse, ni devant aucune révélation outrancière, l’histoire convainc à la seule force de sa folie. Le crescendo est donc réussi et il ne faudra pas s’inquiéter d’une mise en place un peu longuette. Après les présentations d’usage, Joyeuses funérailles ne laisse plus aucun répit aux zygomatiques, et ce jusqu’au fou-rire.

Preuve s’il en est qu’il a eu raison de s’éloigner d’Hollywood après l’échec de Et l’homme créa la femme, cette comédie, simple mais attachante, s’avère la plus réussie de la carrière de Frank Oz et ravira tous ceux qui savent que rire du pire est ce qu’il y a de meilleur.


Imaginary Heroes

de Dan Harris

Inédit traînant dans les cartons de Sony depuis 2004, Imaginary heroes n'aura connu que les sorties limitées et les festivals. A la vision du film, on comprend à moitié une telle discrétion. Cette chronique familiale, dans son ensemble, n'est ni très fine, ni très originale. Les traumas sont prévisibles, les situations attendues et la conclusion si ratée qu'elle tire tout ce qui l'a précédé vers les méandres des téléfilms du mercredi soir.

Pour autant Imaginary heroes n'est pas tout à fait déplaisant. Certaines scènes surnagent vaillement, en particulier lorsque Sigourney Weaver vole la vedette. Excellente dans tous les registres, du rire au désespoir, sa performance mérite les louanges. Jeff Daniels est aussi tout à fait crédible, mais son personnage de père destructeur est souvent réduit à la figuration. Petit mélodrame exécuté sans génie malgré les bonnes intentions, Imaginary heroes risque de rester encore longtemps une rareté dispensable. 


Factory Girl

de George Hickenlooper

Andy Warhol aurait-il apprécié Factory girl ? La question mérite d'être posée tant cet amateur de la manipulation, de la déconstruction et du happening n'aurait peut-être pas renié le traitement hideux subit par son personnage et par sa Factory. Ici, tout un mouvement artistique est réduit à des concepts de mélodrame et la personnalité fascinante d'Edie Sedgwick à une autodestructrice caricaturale. Dans le rôle, Sienna Miller en fait des tonnes, parfois avec justesse, parfois totalement à côté de la plaque. Elle se donne corps et biens et ses fans apprécieront peut-être de voir leur idole maltraitée de la sorte.

De sa forme anodine de faux film indépendant newyorkais (les Weinstein bros tirent les ficelles) à ses approximations qui deviennent de pures trahisons des faits, Factory girl déplaira fortement aux amateurs de la période, et certainement tout autant aux spectateurs néophytes largués dès les premières minutes. Le sommet du n'importe quoi est atteint lorsque Hayden Christensen apparaît en un Bob Dylan jamais directement nommé, le monsieur ayant refusé d'avoir un quelconque rapport avec le film.

Le reste est à l'avenant, traitant Warhol comme un affreux bonhomme sans talent, le Velvet Underground & Nico comme un détail et la "poor rich girl" Edie comme une paumée jamais émouvante. Certes Factory girl tape la pose trash à la moindre occasion, mais passe royalement à côté de son sujet et demeure à des années lumières de la force évocatrice du Walk on the wild side de Lou Reed.


Ira & Abby

de Robert Cary

Comédie juive new-yorkaise à base de couples et de psychothérapies, Ira & Abby ne brille certes pas par l'audace de son sujet. L'ombre de Woody Allen se fait par moments si imposante que l'on jurerait voir des scènes coupées de Maris et femmes. Pour compenser son manque d'originalité, le réalisateur Robert Cary se repose sur la vivacité de son scénario et la fraîcheur de ses interprètes. A ce niveau, c'est un grand bonheur, le duo Chris Messina / Jennifer Westfeldt est très attachant et entraîne sur son passage une flopée de luxueux seconds rôles (Frances Conroy, Fred Willard, Jason Alexander...).

Les répliques fusent, au risque de faire tourner la tête du spectateur, tout en faisant échos à des expériences bien connues de tous. Si le film refuse de céder à la moindre convention morale, il s'égare un peu dans sa dernière demi-heure, peinant à trouver son plein accomplissement. Ira & Abby pourrait presque être un pilote de série TV, ébauche d'une galerie de personnages attachants. En tant que film, il demeure un bel exemple de comédie romantique jamais niaise et hautement sympathique.

Broken English

de Zoé R. Cassavetes

Plutôt que de souligner la vacuité parfois abyssale du premier film de Zoé Cassavetes (fille de), nous préférons dédier quelques lignes au talent de Parker Posey, actrice méconnue en France mais incontournable du cinéma indépendant américain de ces dernières années. Pour preuve sa présence dans pas moins de 3 oeuvres présentées au festival de Deauville 2007. Brillante même dans les pires ratages (l'incroyable Fay Grim d'Hal Hartley), elle illumine Broken english de sa grâce un peu fanée. Malheureusement elle se débat avec un rôle à l’unisson de l’ensemble du film : caricatural jusqu’à l’épuisement.

De sa mise en scène à son histoire, Broken english enchaîne tous les clichés sur les new-yorkaises en mal d’amour, dans une veine réaliste (mais pas trop), empruntée à papa John. Le pire étant la vision de la France et de ses habitants qui redonne tout son sens à l’expression : « filmé comme une carte postale ». On s’ennuie donc poliment, en notant les clins d’œil aux anciens temps (Bernadette Lafont, maman Gena Rowlands…) et en s’accrochant aux quelques instants où le naturel de Parker Posey sauve une scène ou une réplique. Il faudra être très fleur bleue ou très investi dans le milieu artistique new-yorkais pour se laisser charmer par ce Broken english sans surprise.


The Dead Girl

de Karen Moncrieff

Dans le sillage d'un Collision ou d'un 21 Grammes, The Dead girl essaie d'analyser l'impact d'un événement dramatique sur les vies de personnages très différents. En cinq mouvements, la réalisatrice Karen Moncrieff dépeint un univers étouffant et désespéré qui ne cesse de s'enfoncer dans le pathos jusqu'à la complaisance. Elle est aidée par un casting 4 étoiles hétéroclite et très investi. De Piper Laurie à Brittany Murphy en passant par Giovanni Ribisi et Marcia Gay Harden, The Dead girl prend rapidement des allures de défilé de silhouettes connues en plein concours de dépression.

Mais aligner les talents et les bonnes intentions ne suffit pas à l'oeuvre pour apporter un regard original et surtout pour créer une tension. Plus l'histoire avance, plus les clichés s'accumulent, jusqu'à la dernière partie, trop explicative, qui révèle les maladresses de l'ensemble. D'intrigant (la première histoire, avec la toujours impressionnante Toni Collette, est la meilleure), The Dead girl flirte avec l'ennuyeux, voire le pénible dans sa volonté de noyer le spectateur dans le sordide et l'affecté. Simple ersatz d'un genre difficile à appréhender (le mélodrame choral), le film confond démonstratif et intensité.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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