On a tous son petit Sonic Youth fétiche (enfin il parait qu'il y aurait des gens qui n'aimeraient pas Sonic Youth, grand bien leur fasse). Ca pourrait être un Evol précurseur, un Whitey Album "gigantesque", un Daydream Nation reconnu comme un événement fondateur, un Goo plus abordable mais pas moins génial, etc... Je cite toujours Washing Machine en premier. Il n'y a pas de raison particulière. Comme il n'y a pas de véritable meilleur album de Sonic Youth. C'est toujours la même chose, après tout. Plus (Daydream Nation ou Sister) ou moins (Goo et Dirty) mais c'est toujours le même système. Le style Sonic Youth doit à peu près tout au Velvet Underground, il ne faut pas se le cacher. C'est toujours un peu European Son et surtout Sister Ray (avec un peu de Femme Fatale pour la voix de Kim Gordon). Mais on marche et on en redemande. Washing Machine n'apporte pas grand chose de nouveau, le principe est connu, il est efficace et il est merveilleusement bien utilisé. Un peu de Daydream Nation (Junkie's Promise, c'est Eric's Trip), un peu de Goo (No Queen Blues). Et beaucoup de pur Sonic Death. Mais tout est excellentissime. Washing Machine est sans problème l'une des meilleures "chansons" du groupe. Unwind est une perle plus Velvet que jamais. Little Trouble Girl est une balade déjantée et très "Loaded" que l'on pourra trouver, suivant les écoutes, soit délicieuse soit insupportable. Panty Lies est juste génial. Et les quasi 20 minutes de The Diamond Sea sont un plaisir pour pervers, une sucrerie pour tous ceux qui connaissent par cœur Sister Ray dans ses moindres larsens, une grande pièce sonique pour malade des tympans, la mer de diamants qui fait la différence immédiatement entre les fans de Sonic Youth (qui s'en délectent) et les autres (qui s'enfuient en hurlant avant la moitié).


Sonic Youth, le groupe de rock que tout le monde connaît (de nom), que tout le monde respecte, qui sort des disques régulièrement depuis 30 ans et que (presque) personne n’écoute. Depuis l’instant fondateur de Daydream Nation, l’album qui a changé l’histoire du rock, au même titre que le premier Velvet Underground, le modèle avoué, peu d’auditeurs ont vraiment suivi les aventures de Thurston Moore et Kim Gordon. A tort, bien sûr, même si de notre côté on ne prend vraiment des nouvelles que tous les cinq ans. Alors, en 2010, si on réécoutait Sonic Youth ?

Ce sera probablement l’une des meilleures initiatives artistiques nostalgiques de l’année, au même titre que de se pencher sur Oversteps d’Autechre. Les papys font-ils de la résistance ? Mieux que ça ! Si on ne leur demande pas de renouveler drastiquement le son qu’on a toujours aimé, ils apportent la solution idéale à toutes les déceptions liées aux idoles arthritiques : écrire de bonnes chansons. Et on avouera avec joie qu’au moins la moitié de The Eternal atteint les meilleurs moments des grands chefs-d’œuvre du groupe (Sister, Evol, Daydream, Goo, Washing Machine…). Les cinq premiers morceaux sont à ce titre remarquables, en particulier l’enchaînement d’ouverture, avec le bref et nerveux Sacred Trickster et le tout aussi tendu mais joliment ample Anti-Orgasm qui se présente comme un best of en 6 minutes chrono.

Plus ou moins évidentes, plus ou moins acrocheuses, les compositions naviguent entre la ballade crade et magnifique (Antenna) et les rocks aux parfums immémoriaux (Poison Arrow), le tout lié par une atmosphère inimitable qui agit comme une madeleine de Proust particulièrement savoureuse. The Eternal a le bon goût de s’achever au même niveau que son entame. Une descente annoncée par le classique Walking Blue et qui culmine sur les presque 10 minutes de Massage The History. Avec sa guitare acoustique en contre-point des indispensables circonvolutions électriques, le morceau soutient le chant murmuré, brisé, quasi évaporé de Kim Gordon. The Eternal se conclut sur cette note à la fois fragile et abrasive, rappelant à quel point Sonic Youth a transformé nos critères esthétiques : en étant toujours à la limite de l’inécoutable et souvent en prise directe avec le sublime. Les années passent et, avec discrétion et passion, les New Yorkais offrent une musique qui n’a rien perdu de sa richesse. Emouvant.

 
 
 
 
 
 
 
 
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