Des merveilleuses 60's pop, on a bien sûr retenu les incontournables Beach Boys et autres Beatles, et on réhabilite de plus en plus, l'Inventeur Phil Spector. Mais dans le monde des Girls Bands, il n'y avait pas que les Ronettes et les Supremes. Comme le rappelle le très riche livret de cette compilation définitive, entre 1964 et 1966, en plein cœur de la Beatlemania, les Shangri-Las ont aligné une belle collection de hits, mais ont surtout créé un univers unique et d'une étonnante portée émotionnelle. Myrmidons Of Melodrama est le titre parfait pour cette collection extrêmement complète (28 chansons + des bonus), le travail de restauration du son est admirable. Certes ce n'est pas le Back To Mono spectorien, mais on n'en est pas très loin. Il suffit d'une seule écoute pour tout comprendre, les Shangri-Las sont bien les inspiratrices des groupes les plus talentueux ayant émergé à la fin des années 70. Blondie, bien sûr et avant tout, qui a d'ailleurs repris Out In The Streets lors de ses premiers concerts et bien plus tard en studio sur No Exit. Mais il faut revenir sur ce qui fait le charme si unique des Shangri-Las.

        Ces quatre très jeunes demoiselles (parfois "réduites" à trois) apportaient des sentiments et des histoires "adultes" dans l'univers des groupes pour ados. Ce mélange d'innocence et de ténèbres allaient donner quelques unes des plus belles chansons de la période. Avec l'aide d'auteurs aussi brillants que le duo Barry/Greenwich (qui a donné au monde spectorien quelques uns de ses chefs-d'œuvre (River Deep Mountain High, c'est eux, tout est dit) ou que le démiurge George "Shadow" Morton (qui se rêvait Spector à la place de Dieu), les Shangri-Las ont posé leurs troublantes voix sur des morceaux étonnants, créants ainsi un monde sonore d'une rare force.

        Je vous l'avoue, il est beaucoup moins facile qu'il n'y paraît de me faire verser une larme sur une chanson. En dehors des musiques de films, les œuvres assurées de me faire sortir le mouchoir ne sont pas légions. Un Old Souls ici, un Questions In A World Of Blue là, un Selective Memory... Oui, très peu, et je ne vais pas faire une liste maintenant. Mais les Shangri-Las possèdent dans leur répertoire (qui s'étend finalement sur à peine trois ans !) au moins deux merveilles garanties lacrymales. Tout d'abord le déchirant I Can Never Go Home Anymore, qui surprend par son intensité surgissant de la construction labyrinthique de la chanson. Et avant tout et surtout, Past, Present and Future, que vous ne connaissez sans doute pas (je m'avance là, j'espère que sur l'ensemble des lecteurs et lectrices, certains ont déjà eu la chance de croiser les Shangri-Las), et que je vous laisserai découvrir par vous-même. Que disaient Drummond et Cauty à propos de la dernière ligne en conclusion de leur Manual ? "The most heart-shuddering moment in a teenage pop". Et oui, car "It will never happen again". Un choc émotionnel auquel rien ne peut vous préparer. Deux minutes et quarante secondes traumatisantes, dont chaque seconde résonne avec une violence, une vérité, une tristesse, un désespoir aussi simples qu'insoutenables. L'une des 4 ou 5 plus belles chansons "post-séparation" qui soient. Chef-d'œuvre absolu, oh que oui, qui fait passer Love Will Tear Us Apart et Yesterday pour du Britney Spears.

        Mais tout n'est pas aussi déchirant que ces deux morceaux. Certes il y a encore un Dressed In Black affolant beau à mourir sur place, mais il y a aussi des petites perles de bubble pop 60's comme on les adore, tels que ces Give Him A Great Big Kiss, Right Now and Not Later ou The Dum Dum Ditty. Mais dans l'ensemble on notera que ce sont des histoires réalistes et sombres qui dominent. Des histoires de séparations sous toutes les formes possibles de Remember (Walkin' In The Sand) au sublime Never Again en passant par You Cheated You Lied, le fastueux Give Us Your Blessings et LE tube, l'hallucinant Leader Of The Pack (qualifié en son temps de "depraved, bad taste, sick and mournful", c'est dire si c'est bien et indémodable). Mais la liste des merveilles est interminable. The Train From Kansas City, I'm Blue, le charmant Heaven Only Knows, la reprise du Paradise popularisé par les Ronettes et bien sûr la plus belle chanson de l'univers (encore une !) Out In The Streets, avec ses harmonies vocales délicates que l'on pourra toujours rêver d'égaler, mes enfants, elles sont... inégalables. En résumé ? 28 merveilles, incroyable, on comprend rapidemment que tout ce qui a été enregistré par les Shangri-Las flirte avec les étoiles.

        Vous aurez peut-être un peu de mal à acquérir ce disque, mais il erre toujours ici ou là à un prix tout à fait raisonnable (tant mieux vu qu'avant vous vous êtes déjà ruinés avec le Back To Mono de Phil Spector). Surtout, hein, n'acceptez aucune imitation, Myrmidons Of Melodrama est LA collection parfaite des Shangri-Las. C'est la plus complète, la plus explicative, la mieux présentée, l'une des moins chères et des plus faciles à trouver, et surtout c'est celle qui possède (et d'assez loin) le meilleur son. C'est bien simple, sur des Out In The Streets ou des Past, Present & Future, tout sonne comme si cela datait d'hier (j'exagère, car l'aspect délicatement 60's de la production fait énormément pour le charme infini de ces chansons).

        L'importance historique des Shangri-Las ? De leurs histoires mélodramatiques, de leur teen pop extrêmement travaillée, de leur look destroy (jupes en cuir, pantalons, bottes, etc...), de leur mélange gracieux entre naïveté 60's et désenchantement intemporel ? Immense ! Incroyable importance ! Leur postérité est partout. Et puis, finalement, ce qui compte le plus c'est la musique. Et elle est à la hauteur du mythe, pour tout avouer voilà des demoiselles dont la réhabilitation à grande échelle tarde cruellement. Oh, finalement, ce n'est pas si grave, on les garde juste pour nous, elles font désormais partie de nos 10 ou 15 artistes essentiels des 60's.

"Is she really going out with him ?"

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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