Un groupe qui vient de Sheffield (la ville de Pulp) et produit par un des membres (de Pulp), tout de suite, ça inspire un peu de sympathie, voire de confiance. La note d’intention qui mélange référence cinématographique et pop énergique façon Blondie avec une grosse dose de punk joyeux fait même saliver. Le résultat est à la hauteur des attentes : immense. Du rock carré, simple, efficace, avec des guitares et une batterie qui cogne. Jamais de bruit, non, juste une puissance qui ravit, fait bondir et enchante. On se retrouve tout ronronnant de bonheur à l’écoute de perles telles que Once and Never Again ou Giddy Stratospheres. The Long Blondes c’est aussi la révélation d’une chanteuse qui ira loin, Kate Jackson, qui offre griffes et sucreries avec générosité.

        Lorsque l’ambiance se fait plus vindicative ou rétive, comme sur Only Lovers Left Alive ou In The Company of Women, on tremble, il y a de la revanche chez la demoiselle, une colère rentrée qui se cache sous les oripeaux de l’innocence. Bon sang, c’est bien sûr, c’est une femme fatale ! Qui galope comme une gamine sur Separated By Motorways avant de nous la jouer femme expérimentée et désabusée, magnifique dans sa décadence sur le chef-d’œuvre du disque, Week-end Without Make-up. Dans la grande tradition des rockeuses de charme, Kate Jackson finit son show sur le très explicite Knife For The Girls. La révélation est délicieuse, à force de se réjouir de la déconstruction et du grand retour de l’épique, on avait presque oublié qu’on pouvait faire élémentaire sans être sommaire.


       Lorsque Kate Jackson monte sur scène on se dit qu’elle incarne la parfaite poupée rock. Elle n’est pas bien grande, elle n’est pas sublime, mais elle a la classe. On le sait, elle est fan de Jarvis Cocker au point d’avoir souhaité faire ses études à Sheffield (la ville de Jarvis et de Pulp). Elle a retenu des leçons du Cocker et en impose sur scène avec trois fois rien et surtout une voix à tomber par terre. Elle a l’air terriblement jeune, pourtant elle n’a qu’une petite année de moins que votre serviteur. On lui donnerait 19 ans, bien qu’elle ne cesse de chanter que cet âge est depuis longtemps révolu pour elle. Son public, par contre, est en plein dedans. Pour certaines demoiselles, il s’agit probablement de leur premier concert de rock, ce soir là, à la Maroquinerie de Paris.

        Et bon sang que les Long Blondes tapent dur. L’énergie sur scène est de la pure power pop. Et les chansons complexes de Couples, ce deuxième album « risqué », n’en ressortent que grandies. Round The Hairpin, le cœur plein de circonvolutions du disque, s’achève en plein Sonic Youth. Du beau bruit, qui fait du bien aux oreilles. Les hymnes en puissance explosent grâce à l’organe de Kate Jackson. Guilt, I Liked the Boys, Here Comes the Serious Bit sont tous parfaits. Dans ces instants, Couples n’a rien à envier à l’énergie primitive de Someone To Drive You Home.

        Ce second album est immédiatement frappant, mais plus long  à s’apprivoiser. Il n’y a plus seulement la qualité d’écriture, avec les refrains à 200 à l’heure. Il y a une vraie beauté, déjà évidente dans les Weekend Without Make Up et autres You Could Have Both du premier opus. Century, dans sa progression, voisine avec Pulp. Too Clever by Half frôle le sublime quand les aigües de Kate Jackson viennent imiter Debbie Harry sur un rythme de disco désabusé. Nostalgia ouvre de nouvelles portes au groupe, avec ses promesses de ballade perdue. Enfin, I’m Going To Hell fusionne sensibilité et dynamisme.

        Couples, c’est le fameux « album de transition », celui où un groupe essaie de faire autre chose que ce qui a fait la réussite de leur premier effort. Sans pour autant décevoir les fans. Sur ce point, pas sûr que les Long Blondes aient totalement réussi leur coup. Durant le concert, une partie du public, sensiblement la plus jeune, est restée un peu tétanisée. Il y a pourtant de la fontaine de jouvence ici. Sans doute une part du secret de beauté de Kate Jackson. La poupée rock, clinquante et brisée, trop jolie pour être parfaite, d’autant plus séduisante. Exactement à l’image de sa musique.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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