« Ting ting ! », une onomatopée qui résume à elle-seule les contours de Life Without Buildings : sans pareil. Oh, musicalement, vous avez probablement déjà entendu ça ailleurs, chez les Talking Heads, chez The Fall, chez Television. Ces entrelacs de guitares, ces rythmes carrés, ces harmonies subtiles, rien de nouveau, surtout en cette belle année 2000 qui vit la sortie de Any Other City, le seul et unique album du groupe. Alors quoi ? « Ting ting ! Look around ! Just information… » et le déversement de tout un flux de l’esprit par le biais du chant de Sue Tompkins. Un style vocal mi-parlé, mi-fredonné, aux allures de (fausse) improvisation. Tout est calculé au millimètre mais semble au contraire surgir d’une spontanéité totale, entre psalmodies, litanies et comptines. La musique repose sur cette alchimie entre un accompagnement efficace et le déferlement oratoire de Sue Tompkins. Qu’est-ce donc alors ? Du hip-hop ? Du slam ? Une récitation affolée ? Non, rien de tout cela, même si le rythme des paroles frôle parfois le déluge. Comme sur le fameux The Leanover, improbable tube qui n'en fut jamais l’ombre d’un.

Aux premières écoutes, c’est un tourbillon. L’impression d’être entraîné au cœur du maelstrom. Certains auditeurs en sortiront épuisés, comme lorsqu’on attaque Loveless ou Tilt par la face nord. Bien dommage, car le charme à l’œuvre ici est source de mille et un plaisirs. C’est parfois un mot, une phrase qui se répète, une intonation jamais entendue. Et une onomatopée : « Ting ting ! ». Le sentiment d’entendre en direct tout ce qui passe par la tête de Sue Tompkins, sans filtre. On n’est pas ici dans la recherche de rimes mais bien d’un rythme, qui se moque de toutes les règles. Une syllabe suffit à créer un refrain entêtant, une répétition se figera à jamais dans notre esprit. Par la grâce d’une énergie constante, d’une imitation parfaite du naturel, comme sur le ton d’une conversation animée, d’un monologue enfiévré, d’une harangue virulente et séductrice. Pour nous mener vers l’apaisement de Sorrow, où Sue baisse les armes et berce les sens. Tout est accompli. Un live posthume, At The Annandale Hotel, en 2007, viendra prouver que cela ne pouvait pas durer. Contrairement aux apparences, Sue Tompkins ne se voyait pas en rock star. Pour elle tout doit rester amusement et expériences, une artiste déjà loin de Life Without Buildings. Reste un disque en forme d’étoile filante, un des grands chefs-d’œuvre méconnus de ces dernières années, ciselé dans l’or dont on fait les légendes.

 
 
 
 
 
 
 
 
Soutenez l'indépendance de
 
The Web's Worst Page :