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resident-evil-gc.jpg (31853 octets)    Resident Evil

 

        La double porte s'ouvre en grinçant. Un léger mouvement de caméra nous fait pénétrer dans les ténèbres qui s'étendent au-delà. On entend la porte se refermer derrière nous. Le plan suivant est un plan de face, pas le contre-champ attendu, nous, un plan à moitié du corps, perturbant, inattendu, qui nous met en vis à vis avec notre personnage. Presque un gros plan. Derrière nous, il y a cette fameuse double porte que l'on vient à peine de franchir. Et descendant lentement le long de cette porte tout juste refermée, il y a une araignée gigantesque, une mygale immense, détaillée, crédible, que ce plan nous fait découvrir comme trois ou quatre fois plus grosse que notre avatar dans le jeu. Maintenant il ne faut pas paniquer. Surtout ne pas paniquer. Et l'on a l'air bête avec notre petit pistolet à la main. On a l'air bête et l'on panique. On est probablement déjà mort.

 

un bô zombi                     "coucou !"

 

        Resident Evil, c'est avant tout l'histoire d'un joueur face à ses peurs les plus primitives. Un vaste "best of / worst of" de ce qui nous fait garder la lumière allumée dans le noir. Bien sûr, le ressort le plus utilisé est celui de la peur surprise, du monstre qui surgit en fracassant une porte devant vous, du chien zombie (rhaaa, le monde entier les déteste) qui passe à travers la fenêtre, du serpent qui sort des herbes hautes, de la créature infernale qui se sert des conduits d'aération pour vous tomber sur la figure. Resident Evil installe un climat d'angoisse affolant, d'insécurité éprouvante. On va me dire que l'on joue donc à Resident Evil pour se faire du mal. Si je ne vais pas nier qu'il doit bien y avoir une part de masochisme dans toute cette histoire, le plaisir est bien plus immense que la terreur. En effet, Resident Evil sur GameCube (remake du tout premier épisode sorti sur PSX) est le plus beau jeu vidéo sur console.

 

plus beau que Sleepy Hollow                 plus beau que Le Seigneur des Anneaux

 

        Le plus beau jeu vidéo est donc une histoire d'horreur, glauque, immonde parfois. Un hymne aux endroits décrépis, aux cavernes humides, aux sous-sols rouillés, aux lumières vacillantes. Un chant d'amour à la pénombre, au brouillard et aux décors qui s'effondrent. Un florilège de monstres en putréfaction, de cadavres dégoulinants, de créatures repoussantes. Un chef-d'œuvre qui doit autant à Baudelaire qu'à Edgar Poe et bien sûr à George Romero. Mais on y retrouvera des milliers de références. Le jeu empruntant ouvertement à tous les classiques de l'horreur. On commence chez Romero, on poursuit chez McTiernan, on fait des détours inattendus chez Spielberg (le requin de Jaws, le bestiaire et les cavernes d'Indiana Jones). On flirte avec les films de la Hammer. Avant de finir carrément chez Alien et AlienS, lors d'un final qui reprend presque scène par scène l'inégalable dernière demie-heure du chef-d'œuvre de James Cameron. Oui, il y a même l'ascenseur !

 

"ça va trancher chérie"                     Jill, un fantasme de plus pour les nerds esseulés

 

        Si Resident Evil est un best of terriblement rythmé (et donc essoufflant) des meilleurs films d'épouvante/action, il se réserve aussi des écarts troublants. Dans une sous-intrigue (apparemment inédite), vous allez croiser le chemin de Lisa Trevor. Sans dévoiler l'histoire du personnage, c'est directement aux grandes heures du fantastique émouvant de la Universal qu'il est fait référence. C'est ainsi que l'on va descendre dans les jardins du manoir, s'enfoncer dans une forêt terrifiante, d'une beauté proche du sublime, pour s'approcher d'une cabane isolée, où, ma foi, quelqu'un s'est installé depuis fort longtemps. Et plus tard dans le jeu, lors de la découverte du véritable domicile de Lisa Trevor, les petits gars de chez Capcom parviennent à réconcilier 100 ans de cinéma Fantastique en faisant la synthèse entre la Universal, la Hammer, Dario Argento et David Cronenberg. C'est aussi bien que cela. Sans pour autant chercher le glauque à tout prix comme dans le beaucoup plus beurk Silent Hill. Il y a de la mélancolie dans Resident Evil, une profonde tristesse qui dépasse les cadres d'un scénario assez banal (quoique très prenant) et un doublage voix assez nul. Resident Evil, c'est une évidence, possède une ambiance sans équivalent. Mais les programmeurs sont parvenus malgré tout à préserver le plaisir ludique.

 

claustrophobe ?                 eueeuuuhhhh !!! eeeueueueuehhhhh !!!

 

        Resident Evil est avant tout un divertissement. Un super divertissement. Et comme il avait été dit, je crois, dans Mad Movies, c'est aussi l'œuvre fantastique (tous les médias confondus) la plus originale, la plus réussie et surtout la plus terrifiante de ces dernières années. Et d'une beauté, mes aïeux, d'une beauté incroyable. Visuellement c'est affolant, par instants c'est aussi beau que Final Fantasy le film et c'est bien plus troublant que Le Seigneur des Anneaux, par exemple. On joue directement dans un film. Au niveau sonore, c'est du même niveau. Avec quelques musiques parfaitement choisies, rares et toujours placées aux bons moments. Quant aux bruitages, ils vont vous rendre dingues. Entre les battements des ailes de papillons près des lampes, qui sonnent comme la cavalcade des chiens ; les coups des zombies sur les porte ; les craquements du plancher ; les cris des effroyables hunters ; vous allez devoir développer de nouveaux sens pour vous en sortir.

 

là, vous êtes morts.                     là vous êtes morts aussi

 

        Car le jeu est difficile. Il s'adresse, sans doute, à des gens qui ont déjà joué à des Resident Evil. Si vous n'en avez jamais touché un, inutile de vous lancer dans le mode hard dès la première partie. Vous ne passeriez même pas le premier zombie. Car, hum, il faut l'avouer, dans la catégorie des jeux moyennement, très moyennement, jouables, Resident Evil se pose un peu là. C'est bien simple, se diriger est un calvaire. Courir et se diriger en même temps tient de la performance mythique. Le personnage est lent, peu maniable, très maladroit. Il adore rester bloqué dans les angles et tirer dans les murs. Mais voilà, si au début on déteste le jeu pour cela, très rapidement on comprend que c'est un choix tout à fait réfléchit. Cette lenteur du héros, cette maladresse, renforcent le réalisme et surtout accroissent la panique dans les moments clefs et décuplent l'angoisse à tout instant. La moindre erreur est fatale. Et bien souvent, quand on arrive pour la première fois dans un lieu sans savoir à quoi s'attendre, on meurt. La loi est dure, mais c'est la loi. Impossible, ou presque, de ne pas mourir lorsque l'on est confronté pour la première fois à un nouveau monstre ou à une nouvelle configuration de décors.

 

oh mon Dieu une fourmi !!                         coucou !

 

        Mais bien vite, on ne se laisse plus avoir. On sait que les hunters détestent le pistolet magnum, on sait que le lance-grenades fait de jolis trous immondes dans les araignées, on sait que brûler les zombies c'est la clef de la réussite. Alors cela devient jouissif. On apprend à faucher les cerberus d'une bonne rafale de fusil à l'instant où ils nous sautent à la gorge. On apprend à viser la tête des zombies. On apprend à marcher lentement et à courir juste quand il le faut. Mais dès que l'on commence à maîtriser un lieu ou un type de monstre, le jeu nous entraîne ailleurs, auprès d'autres créatures encore plus ardues. D'ailleurs, n'espérez même pas finir sans consulter régulièrement les plans du manoir (je dis cela parce qu'on en connaît qui ne regarde jamais les plans). Les puzzles sont parfois un peu bizarres et l'on passe pas mal de temps à tourner en rond la peur au ventre. Mais ça en vaut tellement la peine.

 

je hais les chiens, mais je l'ai déjà dit         splosh !

 

        En effet, vous pouvez incarner deux personnages différents, Chris ou Jill. L'histoire change un petit peu si vous choisissez l'un ou l'autre. C'est plus difficile avec Chris, alors les débutants se tourneront sans doute vers la jolie Jill. Et il y a une dizaine de fins possibles. Oui, oui. Suivant les choix que vous effectuez au fil de l'aventure et suivant le nombre de coéquipiers que vous allez sauver, les fins vont varier. Et croyez-moi si vous le voulez, on rejoue pour le plaisir de toutes les connaître. Resident Evil appelle le joueur comme un film d'horreur tellement horrible que l'on adore se le passer en boucles. Vous savez, c'est l'effet Predator, l'effet Maniac, l'effet Zombie. On a peur, mais c'est tellement délicieux. Tellement, osons le terme terriblement galvaudé, tellement jouissif. Et croyez-moi lorsqu'on achève le jeu pour le première fois à 3h du matin après toute une soirée éprouvante, le terme de "jouissif" est un euphémisme.

 

une pause le temps d'une pose                 là vous êtes moyennement mort

 

        Il y aurait bien d'autres choses à ajouter, mais l'essentiel c'est que ce Resident Evil GameCube parvient à voler la vedette au Resident Evil Code Veronica de la Dreamcast (jusqu'à présent le meilleur de la série avec le n°2 sur PSX). Pourtant ce n'est qu'un remake. Encore un remake ! Oui, mais là c'est un peu comme passer de The Thing par Howard Hawks (bonne série B avec de la classe) à The Thing de John Carpenter (chef-d'œuvre absolu de la série B avec de la classe et des couilles). Plus jouable, plus dur, plus long, plus palpitant et surtout infiniment plus beau que l'original, ce Resident Evil est avec Metroid Prime, et devant Eternal Darkness, si, si, le meilleur jeu de la GameCube. On s'en fout qu'il ne soit pas renversant d'originalité, la simple vision du manoir au clair de lune, à demi caché par les arbres, avec du brouillard qui file entre les herbes, une petite cascade d'eau argentée s'enfuyant dans les rochers, Jill se reflétant dans les flaques du sentier, quelques craquements de branches dans le vent, un hurlement de loup-garou dans le lointain. Cette simple vision (et ce n'est pas une cinématique !) suffit à faire de ce jeu un chef-d'œuvre. Et dans un cas comme celui-ci, on peut le dire : plus fort que le cinéma : le jeu ! Immense.

 

sublime

 


 

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(Starfox Adventures, Eternal Darkness, Doshin The Giant, Pikmin, Super Smash Bros Melee, Super Monkey Ball, Bloody Roar : Primal Fury)