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Joanna Newsom

Ys

 

Pourrais-je jeter la pierre à l’étrangement charmante Joanna Newsom sous prétexte que sa voix s’égare parfois, au fil de son épique Ys, vers des sonorités voisines de celles de Bjork ? Si l’islandaise m’a souvent fait grincer des dents, elle n’a jamais approché, du moins pour mes oreilles, la grâce qui habite cet album anachronique et finalement intemporel. Car Ys aurait pu être composé il y a 30 ans, comme il y a peut-être 300. Instruments à cordes, pas de rythmiques, un découpage en cinq longs mouvements de durées inégales, la voix et des textes poétiques plus ou moins mystérieux, c’est ainsi que se présente la grande œuvre de Joanna Newsom. Si on se fie à la pochette, la demoiselle se rêve en dame moyenâgeuse et il y a du trouvère et de la chanson de geste dans Ys. Des bizarreries mélodiques et instrumentales qui semblent surgir d’un très lointain passé. Mais jamais le disque ne tombe dans le décorum d’heroic fantasy ou le poussiéreux complaisant, au contraire, Newsom et sa harpe, ses mandolines, violons, cithares et autres kazoos (si, si) semblent revenir à l’essence du folk, dans ce qu’il aurait de plus précieux (dans tous les sens du terme). Ys n’adopte jamais le schéma classique sous formes de chansons dictées par des refrains et des couplets, la structure n’obéit qu’à des règles fantaisistes, parfois volages, et les instruments sont conduits par la voix, en une progression d’un naturel surprenant. La musique de Joanna Newsom est une source d’eau claire qui s’écoule avec douceur (à part les rares écarts vocaux un peu aigres). Un achèvement artistique original d’où transparaît une beauté des plus inhabituelles.