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King Kong

 

- Monsieur Wood, nous savons que vous attendiez avec impatience le King Kong de Peter Jackson, on vous sait fan aussi bien du film original de 1933 que du merveilleux réalisateur de Heavenly Creatures, alors M. Wood, trêve de suspens, qu'avez-vous pensé de King Kong ???

[voix ébétée entre Dominique Farrugia jouant les imbéciles et Beavis]

- Huh, huh, huh, c'était trop bien.

- Certes, M. Wood, mais encore ?

- Huh, huh, huh, à un moment, les dinosaures, et bien ils courent, et ils sont trop stupides, et ils tombent les uns sur les autres, et ça fait beaucoup de bruit, et beaucoup de tintouin, huh huh huhu et une grosse bouillie grise à l'écran, huh huh huh, c'est la scène la plus drôle, la plus crétinement jouissive de l'année 2005, hé hé hé huh huh.

- Donc le film tient ses promesses au niveau du spectacle ?

- Totalement, on y va pour s'en prendre plein la gueule et il faut reconnaître qu'on en a pour son argent. On s'en prend littéralement plein la tronche. Tout le passage sur Skull Island est une débauche de scènes d'action toujours plus spectaculaires, frénétiques, délirantes, voire choquantes.

- Allons, allons, M. Wood, dans votre top 10 il y a aussi The Descent et vous allez me dire que vous avez été choqué par King Kong ??

- Oui, totalement. Le film est d'une rare violence, très surprenante au sein d'un divertissement qui se veut grand public. L'apparition des indigènes ne ferait pas pâle figure dans une histoire de cannibales des années 70. Et c'est bien sûr le gouffre aux insectes qui est le clou immonde du métrage. C'est terrifiant, cruel et vraiment très beurk.

- Mais très bien fait, non ?

- Les effets spéciaux sont hallucinants, bien sûr. Kong est d'un réalisme sans défaut et la caméra de Jackson est clairement amoureuse de cette créature.

- Et les acteurs réels sont donc écrasés par les bestioles virtuelles ?

- Littéralement, mais finalement, contrairement à la majorité des blockbusters, les personnages sont plutôt bien traités et le casting s'avère très judicieux, les rôles masculins étant interprétés par des acteurs fort charismatiques qui parviennent à faire exister leurs protagonistes en quelques scènes. Quant à Naomi Watts, elle ne fait pas grand chose, mais la caméra fait le reste.

- Et le scénario ?

- C'est exactement celui de l'original, juste en plus détaillé. Jackson en profite pour faire son remake-parodie de Titanic, il met enfin en image la scène des "araignées" et bidouille quelques séquences larmoyantes pour le final, sinon c'est tout pareil qu'en 33. Donc légèrement prévisible aux yeux du public actuel, en particulier parce que King Kong est à présent un mythe connu de tous, même de ceux qui n'ont jamais vu le film d'origine.

- On s'ennuie, donc ?

- Pas une seule seconde. Quand on commence à être lassé par la première partie qui présente les héros humains, l'aventure commence et ne baisse plus de régime pendant plus d'une heure. Et quand on se lasse de cette hystérie épique, hop, on revient à New York pour le crescendo final. Le film est parfaitement équilibré et rythmé, c'est un modèle de divertissement soigné.

- Mais l'essentiel réside dans le spectacle et il n'y a finalement pas vraiment de fond.

- C'est assez vrai, la romance est touchante de naïveté mais elle ne dépasse pas le cadre des jolies images, même si Jackson se sort plutôt très bien des passages obligés et ne tombe que peu dans la guimauve ou le ridicule. Sur 3h10, c'est un quasi miracle, surtout quand on pense à Titanic, par exemple, là, au hasard.

- Oui mais dans Titanic il y avait Kate Winslet, M. Wood !

- Certes mais finalement dans Titanic il n'y avait QUE Kate Winslet...

- Alors que King Kong est une oeuvre superlative qui ne vise finalement que la surenchère à tous les niveaux ?

- Indéniablement. Il y a plus de tout, tout le temps. Plus vite, plus haut, plus fort. Et avec cette volonté qui habite Peter Jackson depuis le début de sa carrière de toujours délivrer THE film ultime. Le Seigneur des Anneaux affichait clairement sa volonté de devenir le plus grand spectacle de l'histoire du cinéma, pour King Kong c'est la même symphonie. C'est très prétentieux et bien sûr au final ce n'est pas totalement réussi, mais une telle ambition, une telle mégalomanie entièrement dédiées à l'amour du cinéma, à l'amour de son sujet et sans doute à l'amour des spectateurs, franchement ça ne supporte pas vraiment la tiédeur. King Kong enthousiasme, bouscule, touche, effraie, fatigue, émerveille, tout en même temps, c'est le divertissement total.

- Alors, film de l'année ?

- Grand spectacle de l'année, indéniablement, quasiment le seul film à avoir tenu ses promesses en 2005. On ressort lessivé, mais ravi comme un môme. D'ailleurs à force d'en parler, je crois que ça me reprend, huh, huh, huh, et même qu'à un moment, le gros singe il met des mega baffes aux T-Rex et que c'est trop bonnard, huh, huh, huh.

- Merci M. Wood pour cette critique si pertinente du King Kong de Peter Jackson, encore visible dans toutes les bonnes salles de cinéma près de chez vous.

- Et les sangsues elles sont beurk, huh, huh, huh !

- Merci M. Wood.