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The Dresden Dolls

 

Prenons exemple sur nos camarades des Inrockuptibles et n'hésitons pas à réparer les oublis du passé en classant un disque sorti en 2003 mais pleinement découvert cette année. The Dresden Dolls est un groupe extrêmement théâtral, dont le concept est de faire revivre l'esthétique des cabarets allemands des années 20 et 30, avec une dose de décorum gothique et une bonne rasade de punk déjanté. Le résultat se veut un genre tout nouveau tout pas beau : le cabaret punk. Le duo tourne essentiellement autour de la vindicative Amanda au chant et au piano et du dégingandé Brian à la batterie. Les autres instruments traditionnels du rock devenant accessoires, voire superflus. Le résultat est particulièrement évocateur, et l'écoute de leur premier album donne l'impression d'assister à un show à mi-chemin entre Freaks et Loulou.

        L'ouverture de Good Day, avec sa boîte à musique et son piano triste est totalement représentative des Dresden Dolls, le chant d'Amanda, d'un calme enfantin explosant soudainement en une rage acide est bien sûr l'ingrédient essentiel. Totalement investie dans son rôle de malade psychiatrique traînant ses guenilles au début du 20e siècle, voire dans les rues sordides du Whitechapel de Jack l'Eventreur, la chanteuse surjoue chacune de ses interventions avec autant d'humour que de conviction. Une fois le décor posé, les Dresden Dolls peuvent presque tout se permettre, comme d'emballer un missile hardcore avec un piano à la place des guitares saturées (le jouissif Girl Anachronism). Mais là où le groupe devient franchement génial c'est quand il assume totalement sa volonté de faire revivre les chansons "réalistes" des années 1900, en particulier sur Missed Me et sur le chef-d'oeuvre de l'album : Coin-Operated Boy. Sur un air de boîte à musique, et un piano sautillant, Amanda élabore un personnage de femme-enfant déçue par les hommes qui préfère construire son propre amoureux parfait sous forme d'automate. D'abord amusante, l'histoire devient peu à peu touchante, un peu voisine de celle de May au cinéma, ici la performance vocale ne cesse d'impressionner, la palette d'émotions de la chanteuse semblant infinie.

        Sur la longueur du disque, les Dolls tournent parfois un petit peu en rond, même si toutes les chansons demeurent impressionnantes grâce à l'originalité du son et à la performance toujours passionnée d'Amanda. Il faut l'entendre porter à bout de voix une chanson telle que Half Jack, qui en d'autres cordes auraient pu devenir une vilaine ballade hard-rock comme MTV en diffuse des dizaines chaque jour. Sur la fin, les morceaux se font un peu plus pesants, The Perfect Fit, Slide et l'écrasant Truce se ressemblant un peu trop. Heureusement, sans doute conscients de limiter leur son, les Dresden Dolls osent une perle pop presque incongrue avec le très amusant The Jeep Song, qui prouve que par-delà son imagerie grandiloquente, le groupe possède un plus vaste potentiel. C'est sans doute là que réside les plus essentielles différences entre The Dresden Dolls et la majorité des groupes vaguement punks, pseudo gothiques : ils ont de l'humour et un véritable talent musical. Si Amanda et Brian ne se laissent pas enfermer dans leur imagerie et ne cèdent pas aux facilités qui les guettent, l'avenir des Dresden Dolls risque d'être enthousiasmant.