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Ghost In The Shell 2 - Innocence

 

 

        Innocence est une oeuvre qui donne le vertige. Le vertige des sens, tout d'abord, évidemment. Le vertige du sens, ensuite, forcément, par la richesse de sa réflexion. Enfin, pour faire un piètre jeu de mots, le vertige de l'amour, tant le dernier film de Mamoru Oshii s'adresse avant tout au coeur.

        L'erreur la plus regrettable que l'on pourrait commettre devant Innocence serait de se laisser submerger par la complexité apparente de son scénario, par ses innombrables digressions et par l'abondance de ses références, et ainsi oublier que l'oeuvre est avant tout une expérience des sens. Une scène comme le carnaval de la vieille ville, avec la beauté littéralement sublime des images et de la musique, en dit tout autant que les dialogues les plus abscons.

 

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        À tous les niveaux, Innocence est une amélioration de Ghost In The Shell, le film étant parfois repris explicitement, entre clins d'oeil et révolution esthétique. La pensée de Oshii s'est enrichie, sans jamais oublier l'émotion. Au contraire, le metteur en scène joue sur les données du premier film pour mieux toucher le spectateur de plus en plus complice. Difficile alors de ne pas être touché par les retrouvailles longuement différées de Batou et Motoko ou quand le thème musical inoubliable s'immisce dans la nouvelle partition de Kenki Kawaï.

        D'un point de vue purement cinématographique, Innocence est déjà un chef-d'oeuvre, offrant un  univers inoubliable, une histoire passionnante et des personnages attachants. Oshii ménage au mieux les séquences d'action, superbement chorégraphiées, les dialogues toujours aussi mélancoliques et les scènes poétiques en apesanteur. Les images inoubliables se succèdent, le mélange entre images de synthèse et animation traditionnelle donnant naissance à un univers inédit qui renforce la filiation de GITS avec Blade Runner, le monument fondateur de Ridley Scott.

 

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        Mais bien sûr, par-delà ses qualités esthétiques et narratives, ce qui fait de Innocence un tel chef-d'oeuvre, c'est ce qu'il dit de nous et de notre futur. Comme dans Ghost In The Shell, le thriller n'est qu'un prétexte. Un prétexte pour évoquer des thèmes d'une actualité philosophique évidente. Essentiellement les conséquences des "améliorations" de l'être humain, que ce soit par la génétique, la cybernétique, la mondialisation des connaissances, la spécialisation à outrance des individus, etc... La tentation est alors grande d'abandonner l'incarnation pour n'être plus qu'une donnée du réseau, une parmi l'infinité, insaisissable, quasi immortelle. La tentation de se fondre dans l'illusion et accepter l'existence comme un vaste simulacre, une maison de poupées en trompe-l'oeil ou un carnaval baroque.

        Devant l'abandon d'une réalité, déjà mise à mal par l'acceptation de la subjectivité, seuls les sentiments nous lient encore à l'humanité, au-delà de son inévitable disparition. L'amour de Motoko et Batou, l'adorable Gabriel, la famille de Togusa et la volonté de préserver l'âme, le "Ghost", en fait l'innocence du titre, même chez les poupées désarticulées. Voilà ce qui fait d'Innocence une oeuvre si inestimable. Que l'essence de l'humanité lui survive, qu'elle soit transmise à ses successeurs, qu'ils soient androïdes, programmes informatiques ou poupées de chiffon.

        Comme le premier Ghost In The Shell, Innocence est une oeuvre résolument optimiste. Et derrière sa mélancolie omniprésente, son désenchantement technologique, se cache les plus touchantes promesses. A l'image de celle de Motoko à Batou : à présent, sur le réseau infini, il ne sera jamais seul...

 

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