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Le Seigneur des Anneaux - Le Retour du Roi

 

        Les attentes face au Retour du Roi étaient légitimement gigantesques. Le film qui devait achever cette trilogie rêvée et surtout donner un sens à l'ensemble de la fresque. Le film qui devait aller plus loin, plus haut, plus fort que les deux premiers réunis. Plus de spectacle, plus de drames, plus d'émotion, plus de magie. Il fallait tout cela. Bref, il fallait du jamais vu, de l'inimaginable ou du moins une œuvre qui puisse rendre justice à nos visions, à nos espoirs.

 

        En sortant des 3h30 du Retour du Roi, les larmes aux yeux et incapable de reprendre contact avec la réalité, on est certain d'une seule chose, Peter Jackson est allé au-delà de nos rêves. Dans sa version courte, le Retour du Roi est déjà, d'assez loin, le meilleur film de la trilogie. C'est le plus long, et pourtant c'est celui qui passe le plus vite. C'est aussi le plus beau, mélange idéal entre la féerie de la Communauté de l'Anneau et la verve épique des Deux Tours. C'est le plus spectaculaire, avec facilement plus de la moitié du métrage composée de scènes hallucinantes qui laissent parfois bouche bée. On a jamais vu ça avant. C'est certain. On le reverra sans doute souvent après, ailleurs, chez d'autres, mais voilà bien une œuvre fondatrice. Les effets spéciaux étant parfaits dans l'ensemble et touchés par instant par une véritable poésie.

        Le Retour du Roi est aussi, forcément, très émouvant. Les vingt dernières minutes appellent les mouchoirs sans accorder la moindre pause. Le film respire une puissance, une force, incroyables. On se sent porté par les images, la musique, les performances d'acteurs. Et le suspens de conclusion, qui débute avec le film et qui ne s'achève qu'à une demie-heure de la véritable fin, ne se relâche jamais et atteint sur sa résolution une intensité jamais aperçue dans une œuvre "grand public". Et on finit par croire, devant de telles visions apocalyptiques, que nous sommes, nous aussi, "à la fin de toutes choses". Le Retour du Roi, et le Seigneur des Anneaux dans son ensemble, est l'oeuvre de divertissement qui fait table rase du passé, pour mieux ouvrir la voie d'un futur enthousiasmant.

 

        Peter Jackson nous emporte donc loin de tout, de la première scène (filmée par sa compagne, Fran Walsh, à laquelle l'oeuvre de Jackson doit énormément) jusqu'à la délicate conclusion (qui fait exploser le cœur). Les séquences les plus attendues ne déçoivent pas une seule seconde. La bataille des champs de Pelennor est facilement ce que l'on a vu de plus impressionnant sur un écran de cinéma et renvoie aux oubliettes celle du Gouffre de Helm. Le siège de Minas Tirith n'est pas mal non plus dans le genre, ainsi que la vision de Minas Morgul, accompagnée par les cris assourdissants des Nazguls. Shelob est magnifique, c'est à dire parfaitement terrifiante et répugnante. Quant à la Montagne du Destin, c'est bien la plus grande scène de la trilogie.

        Que dire sur les protagonistes ? Sam est toujours, et d'autant plus, le héros de l'histoire. Frodo souffre sans trêve, on finit par le ressentir. Gollum est sublime et l'on peut enfin découvrir son "interprète" Andy Serkis en chair et en os. Gandalf est très présent et follement charismatique (on a fini par s'habituer à sa tenue immaculée). Aragorn est paradoxalement en retrait, même s'il gagne en force à toute fin de l'histoire. Peter Jackson est toujours amoureux de Legolas, l'elfe persistant à faire des trucs de super-héros (essentiellement massacrer un oliphant à lui tout seul). Gimli n'est plus le bouffon de service, ce qui est très agréable. Merry et Pippin sont sans doute les personnages qui gagnent le plus de profondeur dans le Retour du Roi. Ils deviennent ainsi très touchants et volent fréquemment la vedette. Theoden est chevaleresque et superbement interprété par Bernard Hill. Eowyn est toujours aussi ravissante, voire radieuse, même si l'absence des Maisons de Guérison, dans la version courte, évince son personnage de la fin du film. Faramir parvient à exister en quelques scènes. De même que Denethor, même s'il est sans doute un peu trop caricatural. Eomer ne fait que passer. Ainsi que Galadriel, qui apparaît une nouvelle fois totalement gratuitement au milieu du métrage (gag récurrent ?). Par contre Elrond et Arwen s'offrent encore quelques plans d'une beauté irréelle. Voyons, est-ce que j'oublie quelqu'un d'important ? Sauron et son formidable "I see you !" ? Effroyable ! Le Roi des Nazguls ? Enorme ! Shelob ? Déjà évoquée, elle est géniale ! L'armée des morts ? Impeccable !

        Alors, des défauts dans le Retour du Roi ? Aucun, ou si peu. Ils sont tellement noyés dans la splendeur de l'ensemble que tout semble couler de source. Et on ose à peine imaginer ce que va donner la trilogie intégrale en version longue. La musique ? Une synthèse majestueuse de tous les thèmes. La mise en scène ? Virtuose, survoltée, parfois lorgnant vers un Tim Burton, parfois vraiment novatrice. Bien sûr, je comprends tout à fait que l'on puisse rester insensible au Seigneur des Anneaux, voire complètement hermétique. C'est du cinéma passionné qui ne peut parler qu'au cœur, droit au cœur. Alors on s'extasie ou l'on s'endort, on rêve éveillé ou l'on se moque. On ne peut pas se forcer à aimer ou à détester le Retour du Roi, le film est tellement "trop" qu'il n'y a plus de place pour la demie-mesure.

 

        Pour ma part, j'ai assisté à l'apothéose du cinéma spectaculaire tel que je le chéris. Je sais qu'un jour on fera mieux, mais j'ai eu l'impression de vivre un moment historique. Il faut être aujourd'hui, maintenant, dans les salles de cinéma pour découvrir le Retour du Roi. Par pitié n'attendez pas le DVD ou pire la diffusion TV (dans une VF ignominieuse). Remisez votre putain de cynisme au fond d'un placard. L'histoire s'achève maintenant, sur grand écran, dans l'incarnation de nos plus fabuleux rêves d'enfants. Un moment unique, qui vous accompagnera, sans doute, très longtemps.

        A tel point que je ne peux pas me résoudre à classer ce film à une seconde place, même si un top, aussi personnel soit-il, ne veut jamais dire grand chose. Un top est là pour symboliser maladroitement l'affection que l'on porte à des œuvres. D'une manière très triviale, mais aussi compréhensible par tous. Alors, voilà, deux films extrêmement différents à tous les niveaux, ont fait chavirer mon cœur en 2003, au-delà de tout ce que je peux exprimer. Le film le plus intime qui soit et le film le plus emphatique possible. Dolls et le Retour du Roi, deux facettes du 7e art, deux chefs-d'oeuvre pour vivre mille vies, pour exister plus fort, pour rêver plus loin que les rêves.