Joe Strummer est mort.

        C'est toujours cette même sensation. Quelqu'un que l'on ne peut pas vraiment qualifier d'idôle ou même de modèle, mais dont l'oeuvre a véritablement marqué notre vie. Quand cette personne disparaît, on ressent cette étrange tristesse. Ce modèle, on ne l'a jamais vraiment connu, on ne le rencontrera jamais, mais on se rend compte, au moment où il disparaît, que l'on éprouvait de l'affection pour lui. Il était rassurant, il était normal qu'il soit là, absent, certes, mais bien vivant dans le même monde que nous. Cette personne incarnait par sa présence toute l'émotion et tout l'espoir que nous procuraient ses oeuvres. Bien sûr, avec la mort de l'auteur, l'oeuvre ne s'efface pas, elle est d'autant plus immortelle. Mais elle trouve son achèvement et finalement une part de l'espoir qu'elle portait meurt à cet instant.

 

        Joe Strummer est mort. Et je n'arrive pas à y croire. Joe Strummer ne peut pas mourir. Il était notre image idéale, notre représentation du vieux sage rock indigne. Plus crédible que n'importe quel Lou Reed ou Keith Richards. Plus jeune aussi et finalement plus proche de nous. Il n'avait pas la prétention besogneuse de Reed et encore moins la sénilité rock caricaturale de Richards. Strummer était crédible, il avait su prendre sa pré-retraite à peu près au bon moment, Cut The Crap mis à part. Il avait su voir la vie après la gloire. Il avait su jouer intelligemment de sa légende. Joe Strummer était un mythe discret, abordable, lointain mais presque notre voisin. Il avait compris que le monde ne se limitait pas à un pogo punk. Malgré l'âge, malgré les désillusions, jusqu'au bout il aura fait de la musique, jusqu'au bout il aura fait des concerts, jusqu'au bout il aura tenu sa promesse de ne pas reformer The Clash, jusqu'au bout il aura traîné sa gueule cassée au bon endroit au bon moment. Sans trop en faire. Juste pour nous rappeler qu'il était là, toujours là. Et qu'il serait toujours là. Joe Strummer n'est pas mort.

 

        Alors ce soir je ne sais que penser. Comme quand Joey Ramone a cassé sa pipe. Quand Kubrick s'est éclipsé. Quand Desproges nous a fait la pire de ces blagues. Quand nos amis absents omniprésents quittent notre monde, on reste perplexe, vaguement choqué, puis de plus en plus révolté. On en vient à maugréer des vulgarités. Et on maudit la vie encore une fois. On se sent vieux et on perd espoir. On se répand en souvenir et en regrets. Non, on ne connaîtra jamais ces gens biens. Peut-être, sans doute, n'étaient-ils pas à la hauteur de l'idée que l'on se faisait d'eux. Mais on s'en fout, on ne le saura jamais, ça fait mal. On les aimait, d'une manière ou d'une autre. Et ils nous manquent.

 

Aujourd'hui, dimanche 22 décembre 2002, Joe Strummer, ancien leader de The Clash, est mort à l'âge de 50 ans.

Et j'ai pleuré.