Le 1 3e Guerrier

 

Le 13e Guerrier : Antonio Banderas devient un acteur

 

        John McTiernan est, affirmons-le d'emblée, LE meilleur réalisateur de films d'action à Hollywood. Certes Cameron ne s'en tire pas mal non plus, mais ses récents virages comédie et "eau de rose" lui ont un peu coupé les pattes (sauf dans un naufrage final qui n'était pas un naufrage artistique, loin de là). Mais McTiernan est le metteur en scène de : Die Hard (sans doute le meilleur polar d'action jamais sorti des grands studios), Predator (LE film barbare suprême), Last Action Hero (la meilleure comédie parodique de ce même cinéma d'action) et Die Hard 3 (le film d'action le mieux mis en scène de ces dernières années). Ce qui n'est pas rien. Et avec ce 13e Guerrier, McTiernan déboulait avec un projet monstrueux, excessif, capable de lui offrir un terrain d'action fastueux où repousser les limites de son cinéma.

 

Les vikings décrits comme jamais

 

        Au final, le 13e Guerrier est bien le film monstre annoncé. Il y a même des éléments imprévus qui viennent renforcer son aspect unique. En particulier la production houleuse, les frictions entre McTiernan et Crichton (tant mieux, le film ne ressemble pas à une adaptation de Crichton, hourra !), un tournage éprouvant (ça se voit à l'écran, tant mieux aussi), des pré-projections catastrophiques, un film bien trop barbare pour Disney (producteur à la base), un titre (Eaters Of The Dead) trop explicite, un remontage boucherie. Ce remontage infâme qui nous donne maintenant ce film charcuté qui tire bizarrement une grande aura de sa mutilation. Le début du film semble se dérouler en avance rapide, la frustration est immense. Et à la fin on en prendrait bien pour 1h de plus (si ! si !). Avec 1h40, remplie à ras-bord de pur spectacle génial, le 13e Guerrier est bien trop court ! Espérons que la version DVD nous rendra les scènes perdues.

 

Flammes et brouillard, les éléments deviennent palpables

 

        Après ces quelques remarques préalables il faut parler du film en lui-même. C'est un monument, un monument épique, barbare, lyrique, bigger than life. Car c'est cela qui marque dans le 13e Guerrier, ce sont des images d'une beauté unique car photographié "à l'ancienne". Pas de mise en scène clippée, pas d'effets tocs et modes. Non, McTiernan sait exactement quelle figure de style il doit employer au bon moment. Pour preuve, les scènes de bataille jamais filmées de la même façon. Pour preuve des mouvements tournoyants qui créent le vertige. Pour preuve le plus beau film d'action depuis... Die Hard 3. Une beauté brute, les décors sont filmés en lumière naturelle, ils sont très rarement retouchés, ils sont froids, impressionnants, vivants.

        Non, qu'est-ce que je raconte ? Le 13e Guerrier n'est pas un film d'action. C'est un film épique, comme l'étaient Excalibur et Conan, c'est un film qui fait revivre les guerriers et leur mythe, c'est un film historique qui lorgne vers l'Heroic Fantasy, c'est un film qui annonce The Lord Of The Rings. C'est clair, Jackson filmera son Seigneur des Anneaux comme McTiernan, ils ont tous les deux ce talent pour faire bouger leur caméra comme personne. Pas d'esbroufe, juste du spectacle.

 

Démons, humains, bêtes, monstres...

 

      De plus c'est un film intelligent, crédible, exigeant même. C'est l'antithèse de Matrix et de son spectacle propre sur lui, lobotomisé, aseptisé, uniformisé, informatisé. Non ! Le 13e Guerrier c'est un film de boue, d'eau glacée, de feu, de pluie, de sang. Et cela fait rudement plaisir à voir. Pour preuve, le phénoménal combat final (malheureusement bien trop rapide), peut-être le plus splendide de l'histoire du cinéma barbare. Filmé au ralenti (comme un film HK mais avec l'imagerie occidentale), beau à en mourir, brutal, sans concession, bouleversant.

 

une image prédatoresque pour un film brutal

 

        Les acteurs sont crédibles et c'est bien là le principal. Banderas y trouve son meilleur rôle et de très loin ! Car voilà un autre bon point, le film est sérieux, pas second degré du tout, pas de clin d'oeil, pas de "c'est rien que du cinéma", pas de tubes ados pour vendre la BO (magnifique par ailleurs), pas de gnan-gnan. Imaginez le combat final de Predator répété plusieurs fois dans un même film ! Et bien c'est cela le 13e Guerrier. Du cinéma "vérité" où la souffrance, le froid, la peur sont palpables. Un cinéma où les éléments sont mis en valeur comme jamais. L'eau bien sûr, avec la pluie et les torrents. La terre avec la boue et la grotte. Le feu, omniprésent, effrayant, magnifique. Et l'air avec le froid et surtout le brouillard tellement photogénique (on le sait depuis Murnau).

 

Un combat final tétanisant, la barbarie totale

 

        Attention dans ce paragraphe je risque de révéler quelques éléments de l'histoire. Certaines scènes ont tout pour faire date. Les 3 grandes scènes de batailles, évidemment. Chacune possèdent son propre "charme". La première est abstraite et fait un peu penser à The Bride With White Hair. La deuxième est monstrueuse, toute de flamme et de brouillard, elle s'achève sur l'image extraordinaire d'un Banderas en pleine folie barbare qui frappe le vide avec rage. La troisième est tout simplement sublime, les images ralenties et les sons très travaillés en font une œuvre d'art guerrière magique. La descente dans la tanière des "démons", vaut son pesant de claustrophobie, et, même si elle est un peu trop expédiée, la rencontre avec la Reine ne déçoit pas, bien au contraire. Tous les décors naturels possibles sont exploités au maximum, on a même droit à une très rapide incursion en forêt où plane l'ombre du Predator. Et ceux qui critiqueront en sortant des énormités du style : "McTiernan est un bon réalisateur mais ce film est nul", ceux là n'auront vraiment rien compris au film (c'est le cas de le dire).

 

Antonio Banderas

 

        Un cinéma primitif et terriblement moderne. Un cinéma novateur au service d'une histoire de guerriers luttant contre la préhistoire. Une idée géniale pour un traitement réussi, même si l'on aurait aimé avoir un peu plus peur à certains moments. McTiernan se rattrape par son utilisation magistrale de la lumière et des figures mythiques. Vikings grandioses, néandertaliens à la fois présents mais toujours mystérieux, l'ambiance est à la limite du fantastique mais le film ne quitte jamais les rivages du genre épique. Dommage, mille fois dommage, qu'il soit si court. C'est une fresque qui semble bien souvent stoppée dans ses élans géniallissimes.

    Bien sûr, il y a énormément d'hommages (plagiats ?) à Kurosawa et aux inégalables Sept Samouraïs. Cette fameuse bataille finale sous la pluie fait immédiatement penser à celle du Kurosawa. Mais finalement il est assez difficile de comparer les deux films. Le Kurosawa dure 3h15, prend le temps de développer au maximum des personnages naviguant au-delà de tous les clichés et s'avère extrêmement émouvant. Le McTiernan ne dure que 1h40, développe très peu les personnages préférant les figés dans des postures mythiques et ne vise que très peu la carte de l'émotion (quelques instants fort puissants à la fin, mais sans plus). Une dernière chose quand même, Kurosawa est mort et depuis on prend son plaisir où on le peut. Le 13e Guerrier est à des années lumières du moindre Kurosawa épique, mais en cette fin de siècle c'est pourtant ce qui se fait de mieux en matière de cinéma à grand spectacle. Alors il ne faut pas passer à côté de cet immense plaisir.

        Mais peu importe ce qui manque, ce qui nous est donné à admirer est à la hauteur des espérances. Du cinéma qui prend des risques, qui va à contre courant des modes, qui ose sans se trahir, qui avance sans lorgner sur la copie du voisin. De la violence cruelle, physique, parfois abstraite, souvent très graphique. Du visuel fastueux, un univers vivant, perceptible. Des acteurs qui vont au bout d'eux-mêmes. Une bande originale de Goldsmith grandiloquente mais efficace. Une volonté de respect historique des plus louables. Du sérieux, un minimum de concessions (mais vraiment de toutes petites concessions, le traitement de l'amourette est impeccable). Du spectacle total, le Cinéma tel qu'on le rêve.

Banderas, jusqu'au bout de lui-même, brillantissime

 

Le 13ème guerrier

 

Un film épique, un film lyrique, un grand film

 

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