Eternal Darkness

 

"Darkness comes ..."

 

        Dire que j'attendais Eternal Darkness tient de l'euphémisme. Depuis son annonce, lorsqu'il devait sortir sur N64, le jeu n'a cessé d'exercer une véritable fascination sur mon humble personne. Le marketing a triomphé de mes habituelles réticences et pendant de longs mois je n'ai cessé de me repasser la vidéo (magnifique) de la cinématique d'introduction du jeu. Finalement, Eternal Darkness est arrivé. Sur GameCube. Et je l'ai fini. Trois fois, car ce n'est qu'au bout de trois fois que tout fait sens. Et que reste-t-il des ténèbres éternelles une fois que la satisfaction a été atteinte ?

 

Le Livre des Morts et l'un des endroits les plus éprouvants du jeu                     joli décor

 

        Eternal Darkness est un "survival horror" sur console. Un mélange soigné entre Resident Evil, Silent Hill et Nocturne. Un gameplay efficace qui prend le meilleur du genre en abandonnant quelques unes de ses principales facilités (même si quelques angles de caméra sont discutables et que l'on se mange quelques murs). Et un scénario dantesque, manipulateur, bourré jusqu'à la gueule de références à l'œuvre de Lovecraft (une bataille entre Grands Anciens qui n'ont pas hésité à tuer les habitants millénaires d'une cité enfouie, etc...).

 

alors il est moche ce jeu ??                 vous allez souvent être dans cette pièce et l'image ne sera pas toujours aussi droite...

 

        Les qualités qui font d'Eternal Darkness le premier véritable chef-d'œuvre de la GameCube sont nombreuses. On notera l'idée de l'aventure qui se construit par flash-backs (dans le désordre chronologique pour la plupart), et qui nous permet ainsi de changer de personnage à chaque "niveau". Comme il faut recommencer le jeu trois fois, c'est plus qu'appréciable. Chaque "héros" possède ses propres armes, sa propre vitesse, ses propres qualités. Et sa propre santé mentale. La santé mentale c'est l'autre coup de génie du jeu. Elle n'avait jamais été gérée ainsi auparavant. Dans Eternal Darkness, lorsqu'un monstre surgit devant vous (et suivant la nature du monstre), votre barre de santé mentale diminue. Et vous devenez fou. L'écran se met à pencher, des hurlements lointains surgissent, des bruits de pas se font entendre, votre personnage pleure, délire, se parle à lui-même. Et l'inévitable se produit : vous hallucinez.

 

Darkness comes...

 

        On entre ici dans tout l'aspect hilarant d'un jeu extrêmement sérieux et étouffant par ailleurs. Car les hallucinations vont du gore bien crado (vous rechargez votre arme et vous vous faites exploser la cervelle) au n'importe quoi jouissif à mourir (un écran bleu Windows apparaît, votre personnage passe à travers le plancher, le son se baisse tout seul, le jeu redémarre, des mouches parcourent l'écran, un screensaver à l'effigie du méchant apparaît, un message vous promet la suite du jeu pour un prochain épisode, etc...). Toutes ces hallucinations sont sans conséquence sur le déroulement du jeu, mais par contre le joueur est dans tous ses états (avoir l'impression que votre téléviseur vient de s'éteindre ou que la manette de la GameCube est débranchée au moment où des tonnes de zombies attaquent, ça crée un petit peu de panique, quand même). Grâce à la magie on peut rapidement gérer au mieux cette santé mentale, mais il est toujours agréable de laisser les hallucinations venir toutes seules.

 

Attention chérie ça va trancher !

 

        Les personnages ont tous des buts différents. Même si au final ils tuent les mêmes monstres et ils sont confrontés aux mêmes énigmes, tout cela se fait avec des moyens sensiblement dissemblables. Et ils échouent. Presque tous. C'est aussi un point essentiel du jeu. Vous ne réussissez pas forcément le niveau. Au contraire. Vous ne cessez de mourir de manière atroce (la palme revient à Luther, le personnage le plus souffre-douleur de l'histoire du jeu vidéo). Mais vous progressez dans l'histoire de toute façon, la fin "mauvaise" est inévitable dans la plupart des niveaux. A vous de faire de votre mieux pour que tout s'emboîte afin d'obtenir la fin "heureuse" (car Eternal Darkness n'est pas un jeu qui se finit bien, ouf, on a faillit avoir peur pourtant). Nos héros sont tous attachants, même si on peste parfois sur leurs limites fort humaines (un gros vénitien ne court pas aussi vite qu'une jeune cambodgienne, un frêle journaliste n'a pas la résistance d'un pompier canadien).

 

lovely

 

        Si on passe encore beaucoup de temps à errer dans des couloirs plus ou moins angoissants, le jeu regorge de morceaux de bravoure qui ne décevront que les plus blasés d'entre vous. Même si on sent que l'ensemble a été conçu pour la N64, certains décors sont d'une rare beauté et les musiques conviennent parfaitement à l'ambiance. L'investigation de la Cité envahie par les monstres des anciens ne déçoit pas ; la course contre-la-montre perdue d'avance du brave Augustin ne cesse de nous émouvoir ; le combat splendide, en pleine Première Guerre Mondiale, entre un journaliste asthmatique et un monstre titanesque affole notre coeur comme le final de Zelda ; les hommages appuyés à Indiana Jones renvoient Lara Croft chez sa grand-mère et en général il y a au moins un passage grandiose par niveau. De plus le doublage voix du jeu est l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, qu'il m'ait été donné d'entendre (avec même des passages en latin !!). Difficile de se plaindre alors ?

 

Superbe marketing

 

        Si, on peut se plaindre. Le jeu est très court et très facile, quelle que soit la "couleur" de l'artefact que l'on choisisse dans le premier niveau. Et même si certains monstres changent à chaque fois que l'on recommence, cela n'influe que très peu sur le déroulement du jeu. Chaque Grand Ancien a sa personnalité, mon préféré restant la "verte" et ses multiples voix bien flippantes. Mais cela ne fait pas d'Eternal Darkness un jeu "triple" pour autant. L'action est, paradoxalement, assez répétitive (trancher la tête des zombies, tourner en rond en évitant les pièges, retrancher la tête des zombies, débloquer une porte, tourner en rond, couper le bras d'un zombie, gagner un nouveau sort amusant, etc...). Mais attention, malgré tout, le jeu reste incroyablement brillant, conçu avec un soin qui donne du baume au cœur après les oeuvrettes bâclées que l'on est obligé de subir ces derniers temps chez Nintendo. Après un tel coup d'éclat, on attend des nouveaux Wonder Boys de Silicon Knights (les nouveaux Rare ?) qu'ils explosent leurs limites avec leurs nouvelles créations. Pour l'instant aucun projet n'est à leur calendrier et l'on a un peu peur que ce pantagruélique Eternal Darkness ne les ait un peu épuisés. On garde confiance de toute façon.

 

L'héroïne... Perfect Darkness ??

 

        Eternal Darkness est une super-production qui tient ses promesses, juste un peu affaiblie par une durée de vie trop brève. Mais la possibilité, après avoir totalement complété le jeu, de choisir son niveau et de bénéficier de cheats à la Doom, nous invite à revenir nous y défouler à l'occasion. Et puis surtout, oui, surtout, il reste au final une véritable ambiance, un attachement qui n'appartient qu'aux grands classiques. Eternal Darkness était déjà proclamé chef-d'œuvre avant même sa sortie. Maintenant que tout est dit et fait, les ténèbres ont trouvé leur place dans l'histoire du jeu vidéo. Avec, pourquoi pas, la naissance d'une géniale franchise ? Si vous possédez une GameCube, vous avez forcément acheté ce jeu. Si vous ne possédez pas de GameCube et que vous aimez les jeux vidéos, il serait temps de réfléchir à une judicieuse dépense (Zelda arrive bientôt, vous savez). Si vous n'aimez pas les jeux vidéos mais que vous adorez le cinéma fantastique, Lovecraft ou Poe, vous passez à côté d'une merveille, et oui, tant pis pour vous !

 


 

Eternal Darkness

 

Welcome To Silicon Knights

 


Eternal Darkness            come to us... Pius Augustus....