Edwood vous parle de :

 

Que faire de son existence ?

 

"La chair est triste, hélas ! Et j'ai lu tous les livres." (Mallarmé)

 

        Il ne serait alors plus question que de "fuir, fuir, etc..." sur les mers mystérieuses et cruelles. Mais bon depuis on a inventé la télévision. La chair est toujours aussi triste (sans doute bien plus qu'à l'époque de Mallarmé, d'ailleurs), mais au moins on a la télé. Donc on sait quoi faire de son existence. La passer devant un écran, un écran quelconque, plus ou moins près, plus ou moins grand, plus ou moins interactif, mais toujours aussi triste que la chair qui ma foi est bien tristounette elle aussi.

        La chair est triste, hélas ! Mais j'ai une connexion internet ! Ici la chair n'est plus triste, elle est carrément déprimante. Mais on peut fuir, fuir, fuir, etc... bien plus facilement qu'avant. Un clic et hop, encore de la chair, un peu plus triste, mais ailleurs, et c'est bien là le plus important. Que faire de son existence ? Regarder celle des autres derrière un écran. Que choisir ? Les Feux de l'Amour ou ICQ ? C'est un peu la même chose, ICQ c'est plus interactif mais c'est aussi plus triste, alors inutile de s'enfoncer parce que c'est vrai quoi, la chair est assez triste comme ça sans qu'on lui rajoute le dialogue virtuel, future grande maladie d'un nouveau millénaire qui est bien triste avant même d'être arrivé.

        La chair est triste, hélas ! Et je n'ai pas lu tous les livres. Mais que lit-on dans les livres si ce n'est des histoires où la chair est triste ? Arlequin/Houellebecq même combat, la chair est triste et j'en ai assez des livres. Que faire de son existence alors ? Travailler, se donner de la peine, voilà, c'est passionnant ça, c'est qu'on appelle l'effet placebo. "Où fuir dans la révolte inutile et perverse ?". Toujours la même chose dans les fins de siècle, et même dans les milieux et les débuts en fait. Fuir, fuir, fuir, l'Azur, l'Azur, l'Azur, etc... etc... Mais que faire de son existence à part fuir ? Douter, douter, douter ? Pareil, pareil, pareil.

        La chair est triste, hélas ! Et il n'y a plus d'endroit pour fuir. Tout a été dit, tout a été fait. On connaît les chansons, on connaît la fin par cœur, on connaît toutes les possibilités, le jeu de rôles amène toujours les mêmes dénouements récurrents. Que faire de son existence ? Faire ce que les autres font. Et ne pas s'inquiéter car de toute façon, quoi que l'on fasse, quoi que l'on espère, la chair sera toujours triste et la fin toujours la même.

        La chair est triste, hélas ! Mais c'est pas moi qui l'ai dit. Ce que je pense moi, n'a pas d'importance. L'important c'est de savoir que faire de SON existence. Regarder la télé, regarder la vie des autres qui regardent la vie des autres qui regardent la vie des autres qui regardent la vie des autres, vivre sur internet, regarder la chair triste, lire tous les livres, fuir fuir fuir, compter les nuages, mieux encore ! Perdre son temps ! C'est pas difficile et c'est le plus pratique. La preuve, en ce moment même vous perdez le vôtre. Là, voilà, vous êtes en plein dans le mystère de l'existence, le sens de la vie. Perdre son temps, de préférence avec un profond sentiment de satisfaction, avec une joie quelconque mais sensible.

La chair est triste, hélas ! Et youpi !

 

 

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