Edwood Vous Parle du

 

 

Triomphe Cadavérique de l'Univers Immobile

 

 

        Whoua ! Ca c'est un titre ! Il m'est venu comme ça, tout simplement, entre deux portes, un enchaînement de mots, soudain, imprévu, inutile, beau. Un titre parfait pour un texte inexistant et n'ayant aucun thème particulier. Voilà, voilà comment naissent les Edwood Vous Parle. Le seul problème aujourd'hui, c'est que je suis écrasé par le poids de ce titre. On s'attend à ce que je parte dans un errance métaphysique sur le monde figé dans ses certitudes, ses peurs, sa passivité crasse. Que je vous dise combien il est déprimant de se perdre dans cette vie où tout le monde semble déjà mort. Que l'inactivité intellectuelle, artistique, émotionnelle, est ce qui définit le mieux notre univers.

 

Triomphe : victoire sans que quiconque ne songe à la remettre en question.

Cadavérique : vieux, poussiéreux, une main squelettique qui vous retient au sol parmi les morts-vivants.

Univers : ici, maintenant, partout, là où nous survivons.

Immobile : figé, mort, sans nouveauté, sans risque, endormi.

 

Est-il nécessaire que je développe ?

 

        Mais en fait quand ce titre m'a sauté à l'esprit, il n'y avait certainement pas tous ces lieux communs qui l'accompagnaient. Car j'enfonce brutalement des portes ouvertes avec mes considérations tellement tendances. En même temps je n'ai rien de très à la page, croyez-moi si vous le voulez. Qu'est-ce qui est important aujourd'hui ? Aller stopper le Mal américain ? Faire un film beau en numérique ? Faire un disque acoustique avec des samplers ? Pisser dans des violons ? Pourquoi combattons-nous ? Pour notre petit bien quotidien ? Pour le bien de l'humanité ? Maintenant ? Demain ? Après moi le déluge ou l'Eden ? Comment allez-vous sauver le monde ? En légalisant le cannabis ou en boycottant les disques Universal ?? Pourquoi combattez-vous ? Pour les transports gratuits ou pour l'augmentation des postes à l'agrégation de lettres modernes ?? Qui a raison ? Qui a tort ? Sachez bien que ce n'est pas moi qui vais vous le dire. C'est pas l'envie qui m'en manque. L'envie de pousser des cris du cœur en faveur de telles ou telles choses. Ou en défaveur. M'enfermer dans ma logique interne qui me pousse à envoyer balader les chantres du cynisme pour prôner un tarkovskisme rénové. Mais finalement tout le monde s'en fout. Mais ça me fait plaisir de le dire.

        Pourquoi Edwood combat-il ? Pour son petit bonheur ? Pour son petit bonheur et le petit bonheur d'une poignée de privilégiés ? Pour sauver l'univers de l'emprise de l'Oncle Sam ? Pour éradiquer fanatiquement le fanatisme quel qu'il soit ? Pour arriver à exprimer l'inexprimable qu'il voudrait bien exprimer avec un moyen d'expression compréhensible ? Pour la sortie en salles de Legend of Zu ? Pour l'édition DVD d'Ed Wood de Tim Burton ? Pour les scènes coupées de Fire Walk With Me ? Pour la réédition de On The Beach de Neil Young ? Pourquoi Edwood se bat-il ? Est-il engagé ? Engagé politiquement ? Engagé moralement ? Que pense-t-il de la zoophilie ? Et des téléphones portables ? On a l'impression qu'il a un avis sur tout et que, plus engagé, tu meurs. Mais ne suis-je pas fondamentalement dégagé de toutes obligations envers l'univers, vivant virtuellement en marge de l'univers ?

En fait, non.

        Suis-je donc un adolescent qui ne trouve rien de mieux à faire que de délirer sur le Triomphe Cadavérique de l'Univers Immobile. Slogan (car ça y ressemble fortement) qui, je vous le rappelle, ne signifie rien au départ. Et pas grand chose à l'arrivée non plus. J'y ai plaqué une interprétation possible. Une parmi d'autres.

 

Triomphe : victoire, peut-être glorieuse.

Cadavérique : cadavre, corps sans vie, évocation de la mort, donne l'impression de son trépas imminent

Univers : galaxies, étoiles, planètes, constellations, comètes...

Immobile : la Terre est au centre, les sphères de cristal tournent lentement autour d'elle, la sphère des fixes nous englobent avec une douceur protectrice, il n'y a rien au-delà du tapis des étoiles.

 

Et donc ?

 

        L'univers immobile se meurt. Kepler fait danser les astres, Copernic nous remet à notre place, Newton nous rappelle que nous ne sommes que de bien frêles petites choses jouets de forces incompréhensibles et incompressibles. Et en plus il faut gérer notre inconscient, serial killer libidineux qui crie sans cesse : MAMAN !!

Et avec tout ça vous voudriez que je sois drôle ?

 

        D'un coup tout paraît bien fastidieux, la pression atmosphérique se fait plus forte sur mes épaules et ma scoliose entame une danse de Salomé dans l'espoir de séduire l'âme câline qui est en vous. Image troublante, s'il en est. Peu à peu, la sensation d'inconfort fait place à une douce quiétude. Des choses simples s'offrent à nous. Des plaisirs immédiats, compliqués parfois, mais finalement pas bien loin de mon moi errant.

Mais on s'en tamponne le fondement violemment sur le sol en ciment. Et ça doit faire mal.

 

Il semblerait que ce soit le triomphe qui soit cadavérique.

Cela change tout.

Quand on y réfléchit bien.

 

Le triomphe de l'univers immobile se meurt.

D'après Newton il est déjà mort.

 

Le triomphe de l'univers immobile se meurt.

La roue tourne.

 

Tout n'est qu'une question de sens.

 

Vous ai-je déjà parlé de Lolette la chouette ?

Non ?

Ah bon...

 

 

Edward D. Wood Jr. ("Bien sûr on ne reparlera plus jamais du Gévaudan")