Edwood Vous Parle

 

 

 

 

Temps-tations

 

 

 

 

 

Pour vous le temps est-il une ligne droite (et masculine) ?

Ou une ligne courbe (et féminine) ?

Cyclique ou en perpétuelle construction ?

Subjectif ? Objectif ?

Et As Time Goes By devient-il toujours au final As Tears Go By ?

 

        Le temps a cessé de me préoccuper, je dois le reconnaître. Il me semble amical et bienveillant, alors qu'il ne cesse pourtant pas d'éroder tout ce qui m'entoure (modeste enveloppe charnelle comprise). Après avoir trop eu le temps de voir le temps passer, je ne perds plus mon temps à surveiller le temps qui passe. Car, bien sûr, je suis allé à l'école comme tout le monde. Trop longtemps. Trop long temps. Sans doute. Alors, des aiguilles qui se poursuivent sur le cadran d'une montre, je connais. Même si j'étais finalement plutôt montre à quartz, dans ma jeunesse. Plus rapide pour lire l'heure. En plus ça faisait chronomètre, pour bien vérifier que le cours de maths ne durait pas 121 minutes (sinon, dépôt d'une plainte auprès du directeur, pour abus de pouvoir de la part de M. M......e (il doit être à la retraite, mais je préserve sa famille)). Je me suis emmerdé à l'école, vous pouvez sans doute imaginer. Me suis emmerdé dans beaucoup d'endroits, et dans quelques envers aussi. Me suis emmerdé à la ville, à la campagne, à la mer, à la montagne, à pieds, en voiture (mais pas à cheval). Me suis emmerdé à Paris, à Bordeaux, à Bruxelles, à Lyon, à Limoges (mais pas à St Petersbourg, je n'y suis jamais allé...). Me suis emmerdé au restaurant, au fast-food, au théâtre, au cinéma, au concert (mais pas aux ballets). Me suis emmerdé dans la cuisine, dans la salle de bain, dans le salon, dans la chambre, dans le lit (mais pas dans les toilettes, pourtant ça aurait été de circonstances). Me suis emmerdé avec un peu tout le monde (mais pas avec vous). J'ai emmerdé un peu tout le monde, et surtout mes lecteurs (mais pas mes lectrices).

 

Mais ça va mieux.

 

Je ne m'emmerde plus.

 

        Le temps est mon ami et demain n'est plus si loin. Riez donc, si vous le souhaitez, mais faire la paix avec le temps, c'est important. Le temps perçu étant absolument subjectif (et je ne suis pas ouvert à la discussion ce soir), faire la paix avec lui, c'est faire la paix avec soi-même. C'est beau. Je sais, c'est beau. Dès que l'on place une expression comme "faire la paix avec soi-même", tout de suite on a l'impression que vous dites quelque chose de très important, de très profond, de vraiment essentiel. Ce n'est pas obligatoirement le cas. C'est même rarement le cas.

Par exemple :

"Depuis que j'ai acheté ce robot-mixeur, je suis en paix avec moi-même."

Que l'on peut varier en :

"Depuis que j'ai acheté ce robot-mixeur, j'ai fait la paix avec ma conscience."

Ou en :

"Depuis que j'ai acheté ce robot-mixeur, je dors sur mes deux oreilles."

Ou bien, sans doute plus révélateur et plus juste :

"Depuis que j'ai acheté ce robot-mixeur, j'ai retrouvé toute ma virilité/féminité."

Bref :

"Ce robot-mixeur éveille l'homme/la femme qui dormait en moi."

Dans tous les cas, on a vraiment l'impression que ce qui est dit est bouleversant. D'une justesse existentielle qui touche au lyrisme (qui touche même un peu trop, d'ailleurs, la dévergondée).

Pourtant. Si on y regarde de plus près, il n'en est rien.

En effet. Un robot-mixeur, comme un Casque Bleu de l'ONU, ne peut PAS amener la paix avec lui.

        Admettons qu'il puisse y contribuer. Parce que vous aimez beaucoup les consommés de poireaux quand il fait froid au mois d'août. Et qu'avec un robot-mixeur vous pourrez épancher votre soif. Et ce bonheur vous amènera tout de suite plus près de toi, mon Dieu. Il n'empêche, ce n'est que provisoire. Car au moment où il faudra laver le robot-mixeur, vous ne serez plus en paix avec vous-même. Forcément. Il n'y a plus de liquide vaisselle. Celui au citron. Pour les peaux sensibles. Celui qui sent si bon. Et qui vous fait sentir plus grand(e) et plus fort(e) quand le soir tombe en novembre ("tombe novembre", hein, franchement, si c'est pas désopilant, ça !). Nous sommes partis de l'Existence, avec une majuscule, et nous voilà dans la déprime de la vaisselle qui s'accumule.

 

        Mais cessons-là les lamentations sur l'horloge. Parce que si ça doit vous rendre si malheureux, c'te horloge là, vous n'avez qu'à ne plus la remonter. Ou la débrancher. Ou enlever la pile ! Enfin ! Il doit bien y avoir une solution... On pourrait, par exemple, mettre les horloges en prison. Dans des cellules toutes noires. Pendant un an. Pour les faire réfléchir. Elle reviendront sans doute pleines de bonnes intentions et elles distribueront des échantillons gratuits de Skip Black Velvet à la sortie des Lycées. Et ce sera plutôt pas mal.

 

 

Edward D. Wood Jr. (Il porte un joli nom Saturne...)