Edwood Vous Parle

 

 

 

Les relations hommes/femmes

Première partie

 

 

 

        Quel meilleur sujet que celui des rapports entre les hommes et les femmes. La Nature nous a fait ainsi, coupés en deux, séparés pour être unis, complémentaires jusqu'à la fin de nos aventures terrestres. Ainsi s'ébattent les Humains, êtres multicellulaires sexués courant autant à leur perte qu'après les phéromones de passage. Le nez au vent, ils hument, ils reniflent. L'oeil aux aguets, ils scrutent, ils observent. La main baladeuse, ils tâtent, ils comparent. Parfois ils goûtent même, la langue se glissant auprès des lieux consentants. Mais rarement ils écoutent, car c'est perte de temps et rien n'est plus frustrant que de gaspiller les précieuses minutes qui permettent à deux âmes et à deux corps de se joindre sous la bénédiction de Cupidon et du Marquis de Sade. On se précipite, on s'oublie, on s'épanche, on se laisse aller aux pulsions et on se dit qu'après coup, ma foi, tout ira bien, tout ira mieux, que les soucis seront envolés ; alors que, bien sûr, c'est après que les ennuis commencent. Quand il s'agit de se comprendre, de s'accrocher, de ne plus être seul, de vivre à deux, oh diantre, que voilà des choses complexes, des choses effrayantes!

        Quand l'un veut, l'autre pas, quand l'un dort, l'autre veille, quand l'un est heureux, l'autre non, souvent, parfois, tant et tant, c'est ainsi, le principe des vases communicants, des clignotants, du jour et de la nuit. Des cycles, certes, mais sans réelle régularité, sans lois absolues et définitives, ou si peu. Par exemple voilà que revient le délicat moment du mois où les hormones hautement féminines transforment votre chère et tendre en une sauvageonne intouchable, en une garce acerbe, en une comtesse qui ne s'en laisse plus compter et qu'il semble impossible de satisfaire. Vous reculez sagement dans les cordes, vous dissimulant habilement derrière votre Amour si tendre et dévoué (c'est dans le dossier de presse), négociant tant bien que mal votre place à la table du dîner et plutôt mal que bien votre ticket d'entrée pour le lit conjugal. Les paroles qui amusaient il y a quelques jours à peine sont à présent sujets de discorde, les gestes qui charmaient hérissent les poils, vous êtes "persona non grata", immédiatement suspecté de malversation, de vices de procès très durs, de ne penser qu'avec votre virilité, ce qui est évidemment vrai mais qui fait partie intégrante de votre concept et c'est bien pour cela que l'on vous a choisi à la base, alors, bon, hein, bon, quand même. D'amant superbe vous êtes passé au statut d'ennemi public numéro 1.

        Trop occupé à ressasser sur l'injustice foncière du caractère féminin, vous ne vous apercevez même pas que vos propres hormones vous transforment encore plus régulièrement en une créature peu fréquentable. Assoiffé de chair fraîche, débordant de testostérone par tous les pores, vous errez dans le salon, tournant et retournant comme une bête en cage, prête à griffer, prête à mordre et surtout prête à la moindre bassesse pour obtenir satisfaction. On vous croit doux et attentionné, vous n'êtes qu'un Machiavel en chambre. Le mâle déclame sa sérénade en clef de rut, en permanence, tout le temps, 24/24 7/7 plus sûrement que votre banque directe et votre livreur de pizza préféré. Il ne pense qu'à ça, c'est connu, mais on a un peu trop tendance à l'oublier. Pourtant son Moi profond le travaille, il aimerait bien le délivrer dans les creux et dans les courbes de la femelle qui tente courageusement de déjeuner en paix, car la table de la cuisine cela sert avant tout pour manger. Alors le mâle essaie de renouveler sa parade nuptiale, car rien ne l'effraie plus que de devenir prévisible, lassant et indifférent aux yeux de la femelle qui a d'autres chats à fouetter. Il veut le monopole des coups de fouet, l'homme, il veut l'exclusivité totale des attentions de la femme. Mais elle en a assez de l'avoir sur le dos, elle rue dans les rencards et s'échappe subrepticement. Et voilà le mâle fort dépourvu quand de bises il n'y a plus.

        Au chat et à la souris, ils jouent, inversant les rôles suivant les heures, suivant les jours. La femelle ne fait pas exprès de distribuer les coups de patte, le mâle n'est pas toujours à l'affût, mais les habitudes peuvent émousser les griffes les plus aiguisées, les dents les plus assoiffées. Chacun connaît les tours de l'autre, les trucs et les caprices, les minauderies et les colères. Pourtant quand ils s'éloignent, croyant respirer à nouveau avec la liberté des âmes aériennes, ils se manquent, ils s'ennuient, ils se cherchent et ne se retrouvent plus. Ils ont besoin de jouer à l'homme et à la femme, au couple qui ronronne et qui feule. Le mâle revient, la queue basse, avec des fleurs dénuées de tout sous-entendu libidineux, il n'est plus que l'ombre de lui-même. La femelle lui offre l'édition collector de Batman Returns en DVD, il a déjà l'ancienne version, mais là il y a un documentaire sur la création du costume de Catwoman, alors forcément... oui, la femme a abandonné toute dignité. A nouveau ils fondent, à nouveau ils s'étreignent. Bien sûr, elle lui redemandera de réparer la chasse d'eau en urgence à 1h du matin. Bien sûr, il viendra lui redémontrer que l'activité sexuelle quotidienne est le plus naturel et le plus efficace des antidépresseurs. Mais que voulez-vous ? Ils s'aiment.

 

 

Edward D. Wood Jr. ("la vie c'est toujours les mêmes chansons")