Edwood Vous Parle

 

Jeux de Hasard

 

 

 

        Vous êtes nombreux à ne pas croire au hasard. Vous êtes nombreux à penser que si votre file d'attente à la caisse bloque, parce que bon, encore une fois, il n'y a pas de prix sur la paire de chaussettes en soldes, c'est parce qu'un Dieu, une force, un Destin, un pouvoir transcendant a fait en sortes que vous perdiez votre temps ainsi. Vous êtes aussi nombreux à imaginer que si vous avez dû attendre à cette caisse, c'est pour éviter d'être écrasé en traversant la rue peu après. Vous avez adoré Signes. Pour vous le hasard n'a pas sa place dans le monde. Tout est trop parfait, trop bien conçu, trop beau pour être dû à la chance. Et c'est bien le hasard qui fait que le téléphone sonne lorsque vous êtes sous la douche, que le PC bloque quand vous êtes à deux doigts de finir le dernier niveau de Dark Project, qu'il pleut lorsque vous avez un rendez-vous à l'autre bout de la ville, que l'on frappe à la porte lorsque vous êtes en train de faire l'amour, qu'il n'y a plus de pain à la boulangerie mais qu'il y en aura dans dix minutes, que vous ratez votre vol pour New York le matin du 11 septembre 2001. Tout cela, pour vous, c'est écrit, c'est créé, c'est énoncé par quelque chose, quelqu'un, enfin un truc, qui nous dépasse.

        Quant à ceux qui croient au hasard, ils sont tous aussi nombreux à vouloir le quantifier, le prévoir, le rendre probable. On soumet le hasard aux règles mathématiques, on essaie de faire entrer la magie du monde dans un moule scientifique. On remplace le Destin par des formules et on pense avoir vaincu Dieu. La probabilité rassure aussi bien que le curé de campagne. Quoique. Alors que l'on peut très bien vivre avec le hasard. Du moment que l'on sait garder le contrôle de soi. Parce que le hasard énerve. Mais le hasard est libre, il semble si beau dans sa prestance. Lorsque l'on veut lui couper les ailes, il nous prend par surprise, surgit sans prévenir, car il peut se le permettre. Le hasard ne se laisse pas capturer.

 

        On vous dira, pour faire un bon mot, que la vie est le plus grand des jeux de hasard. On vous parlera aussi de l'amour, car c'est bien l'amour qui se traîne le plus de clichés gluants. L'amour est un hasard, un suicide, un bouquet de violettes. L'amour sent la rose, le soufre et l'eau de toilette cheap. L'amour butine, lutine, turlupine, j'en passe et des meilleurs. Mais on vous dira que l'amour c'est le hasard et la magie, des trucs vachement chouettes qui arrivent aux autres, vous voyez. Du moins, tant que l'on se refuse à ne pas entrer dans le jeu. Et hop, en une chanson de Queen et un peu de poudre de perlimpinpin, l'amour devient beau comme un coucher de soleil sur les bords d'un lac de montagne. Le jeu rencontre le hasard et ils font des choses que je ne peux pas vous raconter ici.

        Pour vivre il faut jouer, donc il faut donner un sens au hasard. Sinon, c'est triste, voyez-vous. On s'ennuie. Tout est imprévisible, indécis en même tant que d'une banalité flagrante. Ce n'est même pas du cynisme. Le cynisme, au moins, c'est drôle. Mais là, non, ce n'est pas marrant tous les jours. Bien sûr, à force de voir le hasard jouer majoritairement contre nous, on se dit que l'on en a marre. Et puis on boude. Pendant que l'on boude, on s'ennuie et on réfléchit un peu. Là on se rend compte que le hasard joue en fait majoritairement avec nous, dans notre sens, pour le meilleur. Ah, mais ça va mieux, là, dites donc, soudain. Mais oui, mais non. En fait, ça s'équilibre, c'est une question de point de vue, car il n'y a pas de règles du hasard. Et pourtant qu'est un jeu sans règles ? On vous dira que l'amour c'est chouette, par exemple, mais il faut respecter certaines règles. Un problème qui nous a donné des monuments télévisuels allant des Feux de l'Amour (justement) à Ally McBeal (que tout le monde conchie maintenant, alors que l'amour c'est aussi Calista Flockhart) en passant par Sex & The City (l'amour c'est aussi Sarah Jessica Ed Wood). Mais cela nous a donné aussi les films de Claude Lelouch. Triste.

 

        Mais je m'égare. Car l'essentiel de mon propos était de faire l'éloge de cet Apollon du quotidien qu'est le hasard. Sans lui, le désespoir nous envahit. Et on ne cesse de le provoquer pour qu'il nous tende la main. Hasard ! Hasard ? Y es-tu ? Vous qui me lisez à cet instant, êtes vous venus ici par hasard ? Est-ce là, ma petite dose de hasard quotidien ? Que des gens se perdent quelque part du côté de chez Ed ? Reviendrez-vous ? Insisterez-vous ? Peut-être que ce hasard a mal fait les choses et que vous ne vouliez pas être ici, maintenant. Et comme on dit dans Starship Troopers :

 

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Edward D. Wood Jr. ("summer here kids, all of them awful lies")