Edwood vous parle

 

 

Le Flux de l'esprit

 

 

 

        Ecouter les Beatles et The Knife, en attendant la nuit qui est déjà là. Penser et surtout penser la pensée. S’occuper, en tant qu’être humain, quoi. Rien d’original ni de particulier. Se laisser emporter par sa conscience et se sentir bien dans les flots de l’esprit. Beaucoup trop de choses à faire, à dire et ici à écrire. Pas le temps de les classer, les organiser, les rédiger. Ouvrir les vannes ? Partir à la chasse aux mots, avec un hameçon et un canasson.

        Au détour du chemin, la route est longue. Sur le bord du chemin, les signes et les bornes. Pas de limite. Clignotement des néons, murmures de la campagne, ronronnement des autoroutes, patinage de bitume. Sur la route, again. La distance parcourue vit d’espoir et d’accomplissements. Sur le bas-côté, l’auto-stoppeur ou l’auto-stoppeuse lève le pouce. En voiture, mes amis !

        « Il fait un silence d’ombre », dit-il. « La vie en vert », susurre-t-elle. « Tout s’oublie », dit un autre. « Vu un bon film récemment ? », demande une autre. Chaque conversation s’échappe et prend sa place dans le courant. Allez-vous vous y noyer ? Ici vogue et surnage le petit bateau, le petit pêcheur, le gentil marin. Le vent les pousse. Un courant d’air, une brise, et une petite tempête tropicale.

        Entame de causerie. Un bon sujet, vite, où ça ? Un bon sujet, qui fait mouche. Un qui soit polémique, un qui soit drôle. Un truc pour briller. Mais que deviennent les mots d’hier ? La fausse commune des discussions inconnues. Entrez ici, les échanges sans but, les blah-blah vains, les papotages plaisants, les mondanités entre deux cafés. Bribes de souvenirs, dans le flux.

        Mais une pensée chasse l’autre. Ici une musique, là une personne. Concept, idée, projet, désir. Partout, en chute, en cascade, en torrent, en ruisselet. Rêveries du jour, songes de la nuit. Pourquoi essayer de les partager ? Pourquoi cette intense volonté d’exister en exprimant tant ? Raconter des histoires, pour endormir le monde ou le tenir éveillé. Déjà, nous sommes au-delà. Autre chose. Nouveau récit. Nouvelles étapes. A quoi pense le je ?

 

        Comme si toute l’attente prenait sens au moment de son accomplissement. Retards et faux-départs pour mieux, un jour, un soir, une nuit, se sentir arriver. Comme une évidence qui dépasse toutes les facultés de la raison. L’indicible et improbable qui n’entre certainement pas dans le domaine du surnaturel. Car rien n’est plus naturel que l’intime certitude, toute fragile, toute indestructible. De celles qui font peur et qu’il serait aisé de refuser, de repousser, car « ce n’est pas ainsi que les choses se font ». Mais comment se font-elles donc ? Comme tout le monde ? Comme dans les échecs qui peuplent les existences ? Irrationnel, s’il en est ainsi, c’est très bien.

 

        Plonger dans sa source, là où réside la seule éternelle jeunesse. Nature et création de l’esprit s’unissent ici, en ce lieu qui est aussi instant. Toutes les faims de l’être viennent s’y repaître. Conscience absolue et oubli total, tout fait sens, dans la folie.

        Alors le monde s’étiole dans la plénitude du néant et ce ne sont plus que lumières qui se diffusent dans l’absurdité du génie et on ne voit plus car les images sont devenues trop réelles et trop vives et trop délicieuses et tout se concentre en chacune des millions de sensations qui naissent et qui disparaissent en vagues et en tornades et en souffles et elles sont trop présentes à chaque endroit où elles triomphent et tout est tendu vers la plus sublime débauche.

 

 

Edward D. Wood Jr. ("the seeds of memory")