Edwood pousse un cri du coeur pour

 

 

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    On The Beach

        Neil Young

 

 

      

 

        Si Neil Young est un artiste mythique, On The Beach est indéniablement son album le plus culte. Tout d'abord parce qu'il a été "oublié" lors des rééditions CD de son œuvre. On sait que le Loner déteste le support CD et rêve depuis des années de "remasteriser" son catalogue pour le DVD, c'est ainsi qu'il justifie le plus souvent l'absence de versions CD pour cinq de ses disques des années 70 (dont le American Stars'n'Bars qui contient la version originale de Like A Hurricane). Mais on peut aussi lire entre les lignes, Neil Young n'a pas vraiment envie de se retrouver face à face avec On The Beach, son album le plus personnel, le plus difficile, le plus réussi.

        On The Beach a été conçu dans la grande période de doute de Young. Après le succès de ses premières œuvres solo et l'apothéose de After The Gold Rush et de Harvest, le monsieur doute. Dépassé par sa carrière, dépassé par la déchéance de ceux qui l'entourent, dépassé par un univers rongé par la drogue, les excès et la dépression, Neil Young ne sait plus, et s'enferme dans des crises existentielles et égocentriques sans fin. La délivrance viendra du sublime Tonight's The Night, dans lequel il osera affronter directement ses plus grandes peurs, ses plus grandes souffrances. Tonight's The Night, aussi sombre et douloureux qu'il soit, est un disque de renaissance, celui qui offrira à Young l'éternité, toutes ses œuvres suivantes découlent de cet album. Et On The Beach ? C'est le point limite avant la rupture, l'album au bord de la folie, déchirant à tout niveau, à vif, tout comme Tonight's The Night, mais sans espoir, misanthropique, au bord du précipice, la quintessence du désenchantement des années 70. On The Beach est un disque d'une violence émotionnelle surprenante, et en même temps d'une délicatesse bouleversante, synthèse de tout ce qui peut faire le génie du Loner.

 

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        Huit chansons, huit chefs-d'œuvre absolus. Une production proche du live, bourré de défauts et de merveilles. La voix tremblante de Young. Et des constats amères, déçus, perdus, en questionnement permanent. Le doute est partout, On The Beach est le grand album qui cherche, qui ne sait pas, qui hésite, qui constate, qui fait retour sur lui-même en une introspection sans résultat. Young s'attaque à tous ses sujets d'angoisse. La politique, le social (Revolution Blues, See The Sky About To Rain, Ambulance Blues...), la solitude (On The Beach, Motion Pictures...), les critiques, le passé (Walk On, Ambulance Blues...). Mais partout, c'est une souffrance égocentrique qui domine. Neil Young se replie sur lui-même, avec cynisme et agressivité (Vampire Blues). Et la conscience de cette fuite renforce le désespoir ("The world is turnin', I hope it don't turn away. All my pictures are fallin' from the wall where I placed them yesterday."). La solitude devient fatalité ("I need a crowd of people, but I can't face them day to day."). Et pour continuer à citer la chanson titre, peut-être la plus belle de la carrière de Young, il ne faut pas oublier cette ligne si simple mais qui dit tellement sur l'humanité : "Though my problems are meaningless, that don't make them go away." Album d'introspection douloureuse, On The Beach n'offre aucune porte de sortie, heureusement, il y a la musique.

        Les compositions font partie des plus fabuleuses du Loner. De l'entraînant Walk On, au clavier céleste de See The Sky About To Rain, du riff monstrueux de Revolution Blues (l'un des 5 ou 6 plus terribles rocks de l'artiste), en passant par le minimalisme de For The Turnstiles, la guitare délicate de Vampire Blues, le lyrisme infini de On The Beach, la poésie triste de Motion Pictures, et le violon magique de Ambulance Blues, c'est la musique qui fait respirer l'album. On pourra bien sûr préférer des albums plus variés, plus révolutionnaires, plus ouverts vers le monde. Mais rarement on aura vu un artiste aller aussi loin dans le concept "Me VS The World". Car c'est bien de Neil Young contre le reste du monde dont il s'agit là. On The Beach est un disque étonnant, aussi antipathique que directement familier, amical, agréable. Je me souviens de ma première rencontre avec cet album, je venais de récupérer une copie en fin de journée, en ce mois de mai qui nous conduisait doucement vers l'été. La nuit s'avançait calmement, j'étais couché dans l'obscurité totale, incapable de dormir. J'ai mis On The Beach dans le lecteur, le casque sur mes oreilles, et non, je ne me suis pas assoupi du tout, je suis entré en symbiose totale, dès la première écoute, un moment inoubliable et indescriptible, mille et une émotions, comme un rêve, un songe aussi léger que cynique. Ambulance Blues est entré dans ma vie pour ne plus en sortir. "You're all just pissin' in the wind You don't know it but you are. And there ain't nothin' like a friend Who can tell you you're just pissin' in the wind." On The Beach est un petit miracle qui est surtout l'un des plus grands albums des années 70.

 

        On The Beach est-il vraiment le chef-d'œuvre de Neil Young ? Impossible à dire ! Le monsieur a accumulé tant de merveilles au fil de la plus exemplaire carrière de l'histoire du rock, que, non, impossible de choisir un seul album à classer au-dessus de tous les autres. On pourra passer en boucles tous les After The Gold Rush, Harvest, On The Beach, Tonight's The Night, Rust Never Sleeps, Freedom, Ragged Glory et autres lives de la trempe de Live Rust et Weld, sans jamais se lasser, sans jamais épuiser la richesse musicale et émotionnelle de ces œuvres à l'aura unique. On The Beach est avant tout un album méconnu, une cathédrale engloutie. Sa force lyrique, la poésie de ses compositions, en font un sommet à redécouvrir absolument.

 

Mise à jour : en juillet 2003, On The Beach vient d'être édité en CD. Il n'y a désormais plus aucune raison pour ne pas posséder cet album chez soi. On peut vivre sans lui, mais on peut surtout vivre mieux avec lui.

 

 

"I guess I'll call it sickness gone It's hard to say the meaning of this song. An ambulance can only go so fast It's easy to get buried in the past When you try to make a good thing last "   

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On The Beach - la chanson en real audio

On The Beach - 1974, Reprise Records

 

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