Edwood ensorcelé pour la vie par

 

 

 

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Juju

Siouxsie

and the Banshees

 

 

        Celle que l'on adore haïr et que l'on déteste aimer. Voilà ce que voulait être Siouxsie Sioux (Susan Janet Ballion de son vrai nom). De groupie punk trash, elle devint rapidement l'égérie d'un univers musical nouveau, que l'on nomma suivant les époques : gothique, new wave, cold wave. On s'accorde aujourd'hui à dire que les Banshees ont inventé le rock gothique. Cela peut paraître peu glorieux de prime abord. Mais en oubliant les clichés, en se replongeant dans l'essence même de cette musique, on découvre un univers d'une beauté fulgurante, d'une intensité rare. Siouxsie Sioux, cultivant un idéal romantique hérité de sa plus grande inspiratrice la divine Nico, était un personnage de roman fantastique. Tour à tour vampire, doppelganger, dame blanche (banshee, in the text), magicienne, zombie... Cultivant la poésie de la monstruosité, la splendeur de la laideur, par-delà bien et mal. Elle réintroduit la littérature dans la musique rock (pour preuve des textes toujours hallucinants de complexité, de richesse et d'intelligence). Et avec les Banshees, elle crée une musique d'une grande exigence, une musique d'atmosphères, froide et passionnée, une musique nocturne (leur unique live officiel porte d'ailleurs ce nom), qui évoluera au fil de 20 ans de carrière, mais sans jamais perdre l'essentiel.

 

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        Après trois albums fabuleux, en particulier l'effrayant Join Hands, sans doute le véritable chef-d'œuvre du rock gothique (et des Banshees)"Don't bury me with these Join Hands", "I'm not your sister, I'm not your brother", indépassable sommet d'un état d'esprit depuis longtemps perdu (certains ne se sont jamais remis de Mother et de Premature Burial). Après, donc, un début de carrière impressionnant, les Banshees, célèbres pour leur problèmes de guitariste (jamais deux fois le même, ou presque...), réussissent à former ce qui restera jusqu'au bout le "noyau" du groupe : Siouxsie au chant, Steven Severin à la basse et Budgie à la batterie. L'arrivée de Budgie va faire grandement évoluer le son des Banshees, de froid et martial, leurs albums vont se complexifier, s'ouvrir à mille et une influences. Si c'est avec les Creatures que Siouxsie et Budgie exprimeront le plus leur fascination pour les rythmes fous et les sonorités "world", les Banshees vont aussi faire "respirer" leur musique. Avant la suite de la décennie 80's qui les verra se perdre dans une musique parfois trop "mainstream", ils produisent leurs deux plus grands chefs-d'œuvre, Juju et A Kiss In The Dreamhouse. Deux albums expérimentaux et tout à fait abordables, et il faudra attendre leur ultime effort, The Rapture en 1995, pour retrouver un tel niveau.

 

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        La pochette de Juju est un modèle de profession de foi. Un masque africain perdu au cœur d'un fouillis de bouts de partitions musicales. A l'intérieur ? Du noir, rien que du noir avec les paroles rédigées de manière aussi sobre que délicatement graphique. Les photos des membres du groupe posent de manière définitive l'imagerie gothique pour les années à venir. Androgynie, pâleur morbide, accessoires décalés, et bien sûr Siouxsie, cheveux hirsutes, maquillage théâtral, bracelets énormes... Tout est là, juste avant la récupération et le galvaudage par Robert Smith, le rock gothique trouve son chef-d'œuvre avec ce Juju.

        Cela débute avec l'envoûtant Spellbound, dont l'atmosphère hispanisante surprend avant d'enchanter littéralement. "Following the footsteps of a rag doll dance, we are entranced, Spellbound". Tout est dit. Le second morceau est un chef-d'œuvre absolu, c'est Into The Light. Sur une rythmique ensorcelante et cet inimitable son de guitare made in Banshees (et ce, quel que soit le guitariste du groupe), la voix de Siouxsie monte doucement, doucement, doucement... Puis, de plus en plus passionnée, elle culmine sur un refrain parmi les plus admirables de l'œuvre du groupe "Standing in the light, I never wanted to be right, Now I'm attracted by the light, and blinded by the sight". Puis vient le "tube", le parfait Arabian Knights, synthèse de ce que les Banshees peuvent faire de plus magnifique. Mille et une influences, parfaitement maîtrisées, qui servent avant tout la richesse mélodique et l'incroyable intensité du morceau.

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        Saviez-vous que les Banshees sont l'un des groupes favoris de Tim Burton ? Sans doute, si vous avez vu Batman Returns et si vous avez écouté le mythique Face To Face, co-écrit avec Danny Elfman. Mais là, tenez, sur Halloween, la filiation se fait encore plus évidente. "I wander through your sadness gazing at you with scorpion eyes, Halloween...". Sur Monitor, on reste cloué par la modernité du morceau, on peut découvrir tout le rock des années 90, notamment les Smashing Pumpkins. Très impressionnant, car porté à la force de la rythmique et du riff sur plus de cinq minutes. Mais nous n'avons rien entendu car le vrai chef-d'œuvre arrive aussitôt après.

        Night Shift. Le plus grand morceau gothique qui soit. Encore plus que All Tomorrow's Parties. Tout est là, l'imagerie, l'ambiance, le son... Une chanson habitée, qui prend possession de l'auditeur pour ne plus jamais le libérer. On monte le son. Intro lointaine sur la basse mythique de Severin, la guitare coupante comme un rasoir de John McGeogh, la rythmique destructrice, entre vaudou et rock froid, de Budgie, et la voix de la Sioux, au sommet de sa magie, noire, bien sûr. Night Shift est une chanson univers, qui résume en six minutes tout un monde romantique, torturé, un monde qui se nourrit de légendes et qui vit dans la lumière des ténèbres. Intense à couper le souffle, la chanson s'avance inexorablement, entre violence et silences tétanisants, creusant sa place dans notre inconscient. Rarement on aura entendu une telle adéquation entre musique, paroles, interprètes, ambiance... Choc émotionnel d'une force vraiment effrayante, Night Shift est l'une de mes chansons les plus cultes, elle m'a marqué à un point assez indescriptible et c'est pourquoi je ne peux pas vraiment en parler en quelques lignes désincarnées d'une page web. Enfin, l'essentiel est très simple : cette chanson peut vous ensorceler à vie. "My Night Shift Sisters with your nightly visitor, a new vocation in life, my love with a knife".

 

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        Comment enchaîner ? Et bien avec le "rouleau compresseur" qu'est Sin In My Heart et sa lente montée rythmique transcendée par cette guitare toujours aussi métallique et tranchante. Ce qui marque autant avec Juju, c'est que l'intensité créée par les deux premiers morceaux de l'album ne faiblit jamais, aucune chanson ne vient briser le charme (le charme au sens littéral, bien sûr). La preuve avec Head Cut, et les incantations de la Sioux. Mais il reste encore le monument de l'album, le terrifiant et sublime Voodoo Dolly. On peut facilement considérer cette chanson comme le sommet des Banshees, leur création d'atmosphère la plus réussie, encore plus que Night Shift (qui reste néanmoins ma chanson favorite des Banshees avec Face To Face, The Rapture et The Last Beat Of My Heart). Car ces sept minutes ont tout d'une incroyable cérémonie vaudou mise en musique rock. La voix, pleine d'échos, de la Sioux nous envoûte peu à peu, le rythme se fait hypnotique pendant que la basse s'inscrit sans bruit dans notre esprit, et les circonvolutions de la guitare nous fascinent sans que nous puissions nous échapper. "Are you listening to your fear, the beat is coming nearer, like that little drum in your ear, transfixing you to your fear... listen...." Cette bande son du Vaudou de Tourneur, atteint son paroxysme avant de s'achever toute en douceur mais lourde de menaces et de songes lovecraftiens.

 

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        L'auditeur qui est "entré" dans Juju, qui a été confronté au Spellbound, qui a dansé dans la lumière des ténèbres, qui a erré sur la lande avec les sœurs de la nuit (les Dames Blanches, bien sûr, messagères de la mort), qui a été fasciné par la cérémonie vaudou mené par la poupée qui vous tuera si vous ne la tuez pas avant (charmant, n'est-ce pas ?). Et bien cet auditeur ne pourra plus jamais s'échapper de Juju, condamné à y revenir, encore, encore, et toujours, sans se lasser, mais il ne peut plus se lasser, possédé qu'il est par cette musique d'une intensité mystérieuse et inaltérable. Je peux vous dire que cet album est dans mon top 5. Mon top 5 tout court. Oui, à ce point-là. En clair ? "Only at night time - I see you. In darkness - I feel you..."

 

 

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Juju - 1981, Polydor LTD

 

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