The Arcade Fire

Funeral

 

 

        Funeral est un chef-d'oeuvre. Un monument. Un extraordinaire et bouleversant recueil de chansons qui tapent droit au coeur, droit à l'âme. Un disque qui évoque la mort, le doute, la peur, la solitude, le quotidien, mais aussi la révolte, l'espoir, le courage, l'amour, le pardon, la survie au sein du chaos. Une musique qui incarne, comme nulle autre, notre époque. Que ce soit tant au niveau des sonorités, des arrangements, que des thèmes abordés, The Arcade Fire compose la bande son de 2004. Émotion épidermique, lyrisme omniprésent, passion qui déborde de la moindre note, Funeral ne cesse de grandir au fil des écoutes, de s'imposer à notre esprit.

        Dans son ensemble, mais aussi dans ses détails chaque chanson étant un "tube" potentiel. En particulier l'hallucinant Neighborhood #3 (Power Out), carrément, oui, carrément, l'hymne de l'année, facilement, de loin, le Take Me Out de Franz Ferdinand paraît plombé et ridicule à côté de ce sommet d'énergie, de mélodie, de rock comme on le rêve. Mais toutes les autres chansons voisinent avec ce niveau. Crown of Love, ballade déchirante qui, en atteignant son sommet élégiaque, explose soudainement en une rythmique "dance". Wake Up et son étonnant rockabilly final. Rebellion, rock bondissant secondé par des violons. Mais aussi la conclusion déchirante de In The Back Seat, belle à crever sur place.

        Et d'enchaîner les écoutes en boucle. Encore. Et encore. Et encore. Plusieurs fois par jour. L'amour passionné, passionnel. Le coup de foudre, encore un ! On se dit qu'on ne nous y reprendra plus, que l'on est trop vieux pour ces conneries. Ce rock'n'roll, là. Tu penses ! Un truc de mômes, oui ! Et puis on écoute Funeral. Et on se retrouve à terre. Là. En larmes. Oui, monsieur, oui, madame, oui, mademoiselle. Oui mes lectrices, oui mes lecteurs. Par terre, en larmes. Et soudain en train de sauter dans tous les sens quand la musique de The Arcade Fire se met à injecter toute l'énergie du monde directement dans nos veines. Comme Eels en son temps, c'est en évoquant les sujets les plus douloureux que The Arcade Fire se transforme en anti-dépresseur idéal.

        Si vous n'aimez pas Funeral, vous n'aimez pas le rock, vous n'aimez pas la pop, vous n'aimez pas la musique, vous n'aimez pas la vie, punaise, bazar de fichtre de cornegidouille ! Si ce disque ne reste pas à votre chevet pendant des jours, vous êtes perdus pour la cause. A la limite, si vous avez acheté et forcément adoré les Fiery Furnaces, on peut vous pardonner, on peut pardonner beaucoup aux fans de Blueberry Boat. Mais ce n'est qu'un abus de ma gentillesse. Car Funeral est un chef-d'oeuvre démesuré. Humble et révolté, déchirant et écorché, humain, fier, fragile, qui ne se laissera jamais apprivoiser. Pouvoir profiter d'une telle musique, bon sang, c'est un privilège, c'est une chance, inaliénable, indescriptible.

 


 

 


 

        En 2004, sur les ruines symboliques de notre monde, un disque a vu le jour. Se nourrissant de la souffrance humaine, sous tous ses aspects, pour la refléter dans le miroir de l'espoir, pour la transformer en un chant passionné, lyrique, débordant de l'énergie la plus sincère, la plus essentielle.

        Funeral est un torrent de larmes, un crève-coeur. Tout en nous donnant en permanence l'impression que nos êtres les plus chers nous serrent dans leurs bras, nous rassurent et nous redonnent courage. The Arcade Fire contemple la mort, la séparation, l'injustice, la peur et la rage, droit dans les yeux, sans détour. Et chacune de leur chanson triomphe, chacun de leur mot guérit les plus profondes blessures.

        Quand l'amour s'enfuit, comme dans Crown of Love, l'intensité de la complainte débouche sur un rythme de résurrection. Quand l'amour se fait inaccessible, rien n'est impossible pour le rejoindre, et on n'hésitera pas à creuser un tunnel sous la neige qui a englouti le monde, comme dans Neighborhood #1 (Tunnels), peut-être la plus belle chanson de 2004.

        Face à la léthargie du monde, les hymnes sont les premiers porteurs de la révolte. Des cris sublimes, comme sur le dévastateur Neighborhood #3 (Power Out), l'étourdissant Wake Up ou le monumental Rebellion (Lies). Entre ces déflagrations, le groupe réserve des instants de murmures mélancoliques (Une Année Sans Lumière), angoissés (Haïti), ou totalement déchirants (la conclusion transcendante de In The Back Seat).

        Comparé à Funeral, tout ce qui a pu nous bouleverser dans le rock paraît soudainement obsolète, froid, lointain. Pour évoquer cette musique, il faudrait citer Nick Drake, Neil Young, Kate Bush, sans doute Grandaddy... Mais rien ne se compare à l'état de grâce de The Arcade Fire.

        Impossible de décrire ce que l'on ressent en écoutant ce Power Out, et de s'imaginer soudain pouvoir triompher de tout, de toutes les épreuves, toutes les angoisses. Sur Tunnels, les larmes aux yeux, on veut aimer, plus fort, tout de suite, éternellement. Funeral est un album qui donne envie d'être heureux, et surtout de rendre heureux. Et de se sentir vivre, de profiter pleinement de notre existence, de partager ce qu'il y a de meilleur et de plus intense en nous.

        Alors peu importe que Funeral soit de loin mon disque de l'année, que The Arcade Fire soit le nouveau plus grand groupe du monde, peu importe ce que je peux raconter. Cette musique peut changer votre vie. Une fois, dix fois, cent fois. A chaque écoute, peut-être...

 


 

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