Avalon

Ghost In The Video Game

Ghost In The Film

 


mes avis


 

Avalon

Ceci n'est pas un film

 

        Quatrième vision d'Avalon. Et le film grandit de plus en plus en moi. Au début je me suis dit que c'était un long-métrage sublime, plein de mystères, prêt à devenir culte. Puis je me suis dit que c'était un chef-d'œuvre, peut-être plus fort encore que Ghost In The Shell. Et maintenant j'en suis sûr, Avalon est de la trempe de ces œuvres qui peuvent changer la vie des spectateurs et même toute l'histoire du cinéma. J'ai comparé avec enthousiasme Avalon et La Nuit du Chasseur, je me rends de plus en plus compte que ce "sacrilège" était parfaitement justifié. Le film d'Oshii dépasse tous les cadres d'un genre bien défini. Par ses aspects novateurs, aussi bien invisible (la retouche par ordinateur de pratiquement tous les plans du film) qu'omniprésent (le sujet traité, qui paraît encore très "abscons" pour la majorité des spectateurs), Avalon a tout de l'œuvre qui change le monde. L'incompréhension d'une partie de la critique (la plupart sont restés totalement "hors" du film) et du public (le grand public n'est toujours pas prêt pour Citizen Kane ou Andrei Rublev, c'est évident), ne fait que servir Avalon. Mais ce sont des considérations bien éloignées de ce que je ressens.

        Ce que je ressens après cette nouvelle vision ? Une émotion torrentielle. J'ai pleuré devant le film, en fait j'ai pleuré pendant presque tout le dernier quart d'heure du métrage. Mon rythme cardiaque s'est accéléré, j'ai vécu le film de l'intérieur, plus intensément que toutes les fois précédentes. Chaque image d'Avalon me bouleverse, chaque idée me transforme, chaque note m'assassine. Et, attention je révèle un moment clef du film, quand Ash entre dans le monde en couleur de la Class Real, j'ai ressenti la même émotion que quand Dorothy ouvre la porte sur le monde de Oz. Même si en fait la comparaison la plus juste serait celle de la Zone de Stalker. Stalker, encore et toujours, auquel Avalon fait inévitablement penser, mais ce n'est pas bien important. Car Oshii raconte finalement un peu la même histoire que Tarkovski (la Zone est un monde plein de piège et de faux semblants, basée sur la répétition jamais vraiment identique et qui finit par exaucer le voeux de celui qui découvre la "chambre cachée"), mais avec d'autres moyens et un tout autre contexte (les jeux vidéos).

        Avalon est un film qui capte comme aucun autre l'avenir le plus proche de notre monde. Ni Fight Club, ni évidemment le plus en plus pathétique Matrix, ni aucun autre film récent n'a su approcher à ce point l'essence du "21e siècle" (quoi que cela puisse vouloir dire). Ah et puis c'est la dernière fois que je veux voir associer les termes "Matrix" et "Oshii" ou "Avalon". C'est un peu comme si l'on comparait 2001 et Tomb Raider, Citizen Kane et Belphegor. Ces deux films n'ont absolument rien à voir. Lire pour cela l'interview d'Oshii dans le dernier Mad Movies. Il le dit lui-même : les frères Wachowski ont voulu faire un film léger et divertissant où on laisse son cerveau aux vestiaires ; lui a voulu raconter une errance métaphysique avec quelques effets spéciaux grandioses au service de son propos (et non l'inverse).

        Quoi qu'en dise The Dude, la musique d'Avalon met autant de frissons dans tout le corps que celle de Ghost In The Shell. Et il n'y a pas tant de choses à ajouter, Avalon s'inspire à la fois de centaines de sources (des légendes arthuriennes au cinéma européen, de la culture "nerd" au RPG online, du cinéma muet au film noir hollywoodien), le grand film "somme" c'est celui-ci. Alors, oui, je suis désolé, mais tout le reste de la production cinématographique paraît bien fade à côté d'Avalon. Tiens, au fait, on disait de Ghosts Of Mars qu'il offrait à ses héros des postures mythiques jouissives. Certes, mais alors que dire des protagonistes d'Avalon ? Qui ne cesse d'un plan à un autre (et pas seulement dans le final) de resplendir comme les plus beaux icônes qui soient (oui, oui, icônes, au sens... tarkovskien...). Si le Legend of Zu de Tsui Hark est la surenchère ultime en matière de spectaculaire sur grand écran, Avalon va plus loin, tellement plus loin. Offrant à la fois du spectaculaire monstrueux (toutes les scènes d'action), du spectaculaire discret (tout le visuel et l'ambiance sonore du film), de l'intensité dramatique à s'évanouir, de la réflexion d'une actualité, d'une justesse et d'une profondeur terrifiantes...

        Avalon grandit en moi à une telle vitesse que je commence à avoir peur. C'est déjà l'un de mes films favoris de ces dernières années. A ce rythme, dans un an il fera parti de mes films favoris de tous les temps. Et dans dix ? Je fais toujours preuve de tellement d'enthousiasme aveugle et lyrique pour tout ce qui me plaît que je ne sais plus comment vous faire vraiment comprendre ce que je ressens pour Avalon, combien j'aimerais vous convaincre d'aller le voir, de le revoir, de l'adorer, combien je voudrais écrire des pages entières parfaitement inutiles pour radoter toujours les mêmes choses. Mais zut ! Tant qu'il y aura encore des personnes pour remettre en doute l'importance de ce film, tant que tant de gens passeront à côté de l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma (je persiste et je signe) pour mieux se jeter dans les bras d'œuvres franchement insignifiantes mais plus "abordables" (ou du moins qui ne demandent pas de réfléchir beaucoup, ça fait mal à la tête de réfléchir beaucoup, et Avalon est un film qui fait mal à la fois à la tête et au cœur si on s'abandonne à lui, mais après on en sort différent, meilleur, guérit, plus humain, mais je m'emporte). Donc tant que le monde dormira loin du chef-d'œuvre de sagesse et de doute de Mamoru Oshii, il faudra des excités comme moi, pour hurler encore et encore : Avalon va changer votre monde, Avalon va changer le monde. Oshii a tout simplement ajouté sa contribution gigantesque aux Contes du Graal. Rien que cela. Et plus encore...

        Comme la Divine Comédie est bien plus qu'un poème lyrique, comme De La Nature est bien plus qu'un traité de philosophie, comme Guernica est bien plus qu'une peinture, comme la Bible est bien plus qu'un livre, comme le Requiem de Mozart est bien plus que de la musique, comme From Hell est bien plus qu'un Comic, Avalon est bien plus que du cinéma. Il y avait une âme dans la coquille, maintenant il y a une âme dans le jeu vidéo. Il y a une âme dans ce film.

 


 

Avalon : le film de l'année (d'après Edwood...)

 

Qu'est-ce qu'Avalon ? Dans le film, on doute, on se demande, on ressent et on comprend peu à peu. Avalon ? La mort, la vie, la Zone tarkovskienne, le monde imaginaire dans lequel on aime à s'enfermer, un état supérieur ou inférieur de la conscience, une philosophie totale, le purgatoire, un choix, un "aller plus loin" ou tout simplement l'univers tel qu'on le conçoit ? Avalon le film ? Un thriller métaphysique, un rêve en suspend, un hommage, une bible discrète pour des temps nouveaux, le cadeau d'un sage à ceux qui savent écouter, voir et ressentir ? Les certitudes ? Avalon est le meilleur film d'Oshii. C'est aussi le plus beau film de l'année. Et la plus belle musique de Kenji Kawai. Mais de tout cela, finalement, on s'en fout un peu. Avalon est l'expérience cinématographique la plus touchante qui puisse se concevoir. Tout simplement parce qu'elle dépasse les cadres du cinéma. Oshii a découvert la porte pour Avalon, vers cette part d'inné, ce lieu secret qui est en nous et qui contient tous les secrets du monde. On pourra refuser le voyage, comme on peut refuser d'entrer dans 2001, dans Stalker ou dans Fire Walk With Me, et on restera loin, très loin, à des années lumières de la pensée d'Oshii. On pourra au moins s'extasier sur l'hallucinante beauté formelle du film, la maîtrise étouffante du moindre millimètre, du moindre son, du moindre mouvement, du moindre silence. Mais de tout cela aussi, on s'en fout un peu. Avalon est bien plus que cela. C'est la Nuit du Chasseur du nouveau millénaire, le "grand tout", mais le "grand tout" discret, humain, lointain, tel la musique de Kawai mixée comme un murmure. Impossible d'appréhender l'importance d'Avalon, nous sommes dépassés, on se sent tout petit, humble, admiratif, on préfère se taire. Tout est là.

AVALON

sublime Ash

 


 

avalon-dvd.jpg (6907 octets)

 

 

        Prévu en salles en France pour début 2002, Avalon, le film live du grand Oshii (à qui l'on doit Ghost In The Shell et les deux Patlabor, entre autres chefs-d'œuvre absolus) est déjà disponible en DVD. Soit en édition officielle Memorial (1500 balles) ou simple (500 balles), soit en édition un tantinet pirate mais équivalente à l'édition simple (VO polonaise 5.1 sous-titrée en anglais, image sublime, making of, BA...), aux environs de 170 F (je ne sais pas combien cela fait en euros, mais c'est déjà plus raisonnable, enfin, bon, bref, moi je dis ça, juste pour dire, il ne faut pas acheter de pirates !). Bon, voilà déjà l'aspect technique de la chose de réglé. On cause du film ?

        Un chef-d'œeuvre. Supérieur à Ghost In The Shell, rien que ça ! En employant un directeur photo polonais (les meilleurs du monde, c'est bien connu), Oshii a pu mettre en scène un film d'une beauté hallucinante. Des couleurs jamais vues, des plans impossibles, des flous, des mouvements d'appareil inhumains, des effets de montage toujours bien venus. Le bon goût à l'état pur. L'état de grâce dans toute sa splendeur. Une magnificence visuelle (et sonore ! La musique de Kenji Kawaï, admirablement mixée, resplendit à tout instant avec discrétion) au service, bien sûr, d'un scénario en béton. Oshii a vraiment fait son 2001 (final plein de ???? à la clef). On reste bouche bée. On ne sait trop que penser. On laisse courir. On veut y revenir plus tard, en toute innocence, une fois le poids de la première vision passée. Comme pour 2001, comme pour Ghost In The Shell, comme pour Solaris, le film mûrit doucement mais sûrement dans notre esprit. La lenteur de l'œuvre, traversée de quelques scènes d'action fulgurantes, s'installe en nous. L'héroïne entre dans notre panthéon personnel, sa quête nous touche consciemment et inconsciemment.

        Presque trop beau (comme Final Fantasy), Avalon réussit à nous surprendre dans sa dernière partie, à nous prendre de court, à relancer notre imaginaire et nos sens. Si le Kubrick des grands jours, si Tarkovski, étaient encore en vie, ils nous offriraient des œuvres comme celle-ci. Sauf que Oshii et ses collaborateurs sont de vrais fans de jeux vidéos et se permettent des références très pointues qui ne seront vraiment perçues que par ceux qui ont passé un peu de temps à jouer en réseau ou au moins à quelques RPG. Un nouveau genre de cinéma. Le plus novateur, car mêlant les réflexions et les références les plus contemporaines (voire avant-gardistes) avec une puissance esthétique héritée des "anciens". Oshii ne fait pas n'importe quoi sous prétexte de coller à une époque, voire à une mode, non, Oshii fait son truc à lui, sans se poser de questions. Et son œuvre sans concession nous parle profondément, intimement, à tous les niveaux. On reste fasciné par l'intelligence, la force, le plaisir d'une telle œuvre. Profitez d'Avalon maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. C'est tout simplement le plus grand film de 2001. Film à vivre sans plus attendre. Avalon est le 2001 d'Oshii. Avalon est son Stalker (avec lequel il partage de nombreux points communs). Oshii est le nouveau Tarkovski. Non, mieux ! Oshii est un auteur à part, un immense cinéaste, un artiste novateur au sens le plus noble et ce film est son chef-d'œeuvre. Unique.

 


 

 

avalon-bo.jpg (21239 octets)      Avalon de Kenji Kawaï

 

        Pour illustrer l'errance métaphysique d'Oshii, il fallait bien son compositeur fétiche, le génial Kenji Kawaï. Celui-ci nous offre une partition nettement plus "européenne" que ses œuvres pour les Patlabor et son chef-d'œuvre pour Ghost In The Shell. Néanmoins la patte inimitable de Kawaï et son goût pour le minimalisme angoissant et/ou rêveur se retrouve sur des pièces aussi délicates que Murphy's Ghost, The Ghost Hunting ou Ruins D99 (qui serait le morceau le plus proche de Ghost In The Shell et de son mythique Floating Museum). Et il y a le thème de Ash, incroyablement émouvant, entendu dans une scène belle comme du Tarkovski (décidément, on n'en sort pas). Mais ce n'est pas le Kawaï habituel qui marque le plus dans la BO de Avalon. Non, pas du tout. Ce qui impressionne dès la piste deux, c'est le Kawaï ambitieux, baroque, grandiose, parfois grandiloquent, qui s'ouvre aux chœurs d'opéras européens et à la musique lyrique. Le thème principal (Log Off, puis repris dans le fabuleux Log In) en est le plus bel exemple. Une rythmique prenante offre un crescendo parfait à un superbe entrelacement de chœurs et d'orchestre symphonique. Plus loin ce sera l'hallucinant Nine Sisters, inconcevable montée de suspens musical, qui crée un effroi étrange dans une scène a priori assez peu tendue : une recherche d'informations sur le web. En cela cette scène et sa musique sont historiques, inventant pour la première fois le véritable thriller en rapport avec le net. Mais ce n'est qu'une révolution (mineure de surcroît) parmi l'infinité que contient Avalon.  Et bien sûr il y a Voyage to AVALON, d'abord en version courte, puis dans sa version intégrale de 10 minutes. C'est un petit opéra en condensé, avec ses instants d'élégie vibrante, ses emportements wagnériens, la voix d'Elzbieta Towarnicka ; tout cela n'est pas qu'une folle démonstration de force de la part de Kawaï, cette fresque musicale est indissociable de la scène finale du film, de ses messages, de ses questions, de sa tension, de sa poésie. Alors ? Alors la musique d'Avalon est à la hauteur du film. Ce qui veut simplement dire qu'elle est l'une des meilleures, des plus originales et des plus touchantes BO jamais produites. A n'importe quelle époque de l'histoire du cinéma. Dois-je ajouter quelque chose ??