EDWOOD VOUS PARLE DE :

 

INTERNET

 

Ou le suicide technologique

 

        Après deux ans passés sur le web, après avoir fait une consommation plus qu'excessive et avoir overdosé plusieurs fois, après avoir tout fait et tout essayé (enfin... presque...) sur internet, je pourrais écrire des pages entières sur le sujet. Mais le but de cette page, comme toutes celles de cette section, est de briller par une mauvaise foi, une misanthropie et un cynisme assumés et pas très fin (forcément...). Ce qui va suivre est sans doute vrai, c'est pour cela que c'est drôle.

    Internet est une révolution dans la communication comparable au téléphone. Mais ce n'est pas tout, c'est aussi une révolution dans beaucoup d'autres domaines. Que ce soit au niveau du cinéma (bientôt les films seront fait pour internet, mais ne vous inquiétez pas, j'ai déjà prévu le truc) ou pour le commerce, internet va changer le monde. Mais plus les avantages sont importants, plus les inconvénients sont gigantesques, c'est proportionnel et c'est bien connu. Car si internet permettra aux êtres humains de faire partager et d'améliorer leurs meilleurs côtés, il les poussera aussi dans leurs pires travers.

 

        Internet est le domaine du mensonge, le domaine de l'illusion. Certes le monde "réel" l'est aussi, on sait combien l'hypocrisie et les faux-semblants prolifèrent dans notre environnement. Mais internet exalte, cultive, glorifie même les pires aspects de la réalité. Ici, c'est le règne de la mythomanie, de l'égoïsme, de la lâcheté. Personne ne peut y échapper et que celui qui n'a jamais virtuellement pêché me jette la première pierre en gif animé. Sur internet tout le monde se prend pour ce qu'il n'est pas, tous les pires défauts, toute l'animalité, toute la bêtise se libère car elle croit échapper au jugement du regard d'autrui. Certes, c'est faux, mais autrui rentre très facilement dans le jeu, bien plus facilement que dans la réalité. C'est un concours à celui qui sera le plus stupide, enfin, non, pas "stupide", disons, le plus "humain".

 

        Et c'est une drogue. L'effroyable univers permissif du web, où l'on peut tout trouver, où l'on peut tout dire, est à la fois magique (j'en sais quelque chose, mon site le prouve) et totalement suicidaire. Et cela ne fait que commencer, plus le web sera rapide, plus l'informatique se perfectionnera, moins le petit internaute n'aura envie de retourner dans la cruelle réalité où il n'est rien ou presque. De l'ado hacker aux fillettes en fleur, internet est le domaine de l'inexistence, mais de l'inexistence qui le hurle. Que l'on se la joue warlordz du big council ou que l'on fasse un site entier sur sa passion pour les pitits zoizeaux, c'est le néant accessible à tous. Et si dans le réel rien + rien = rien, sur internet ce n'est pas du tout la même histoire. Rien + rien arrive toujours à faire quelque chose, il suffit de se brancher sur IRC pour s'en rendre compte. Moi-même je suis parfaitement conscient de mon auto-complaisance sur le web et mon site respire les pires travers virtuels à chaque page, même si j'essaie de plus en plus d'effacer les "hurlements de l'ego en quête d'existence" au profit de choses plus proches de la réalité. Passer du temps sur le web, à part pour y faire affaires, ce n'est que du temps perdu. Et comme je le dis ailleurs, c'est une bonne manière de passer son existence, perdre son temps. Mais c'est un peu trop facile à mon goût.

 

        Internet c'est sympa, on y fait de très bonnes rencontres, que malheureusement on ne peut pas toujours gérer, en particulier si l'on espère garder une vie réelle. J'ai déjà donné des nuits entières passées sur ICQ à parler dans le vide avec 20 personnes en même temps. Il arrive un moment où il faut couper les ponts, parfois c'est trop abrupte et on y perd de précieuses relations, le plus souvent c'est salutaire. De toute manière ce n'est pas facile. Internet c'est sympa, on trouve tout et son contraire, des sites faisant l'éloge de Tchaïkovski et des sites de "bestialités avec des filles d'à peine 18 ans (promis, juré, satisfait ou remboursé !)". Ce qui fait que dans l'ensemble, tout le monde est heureux sur internet et c'est sans doute pourquoi on se dit assez rapidement qu'il y a quelque chose qui cloche, car tout est trop beau pour être vrai. On se croit dans une sorte de "réalité résumée" où tout ce qu'il faut normalement une vie pour découvrir, rechercher, imaginer, se trouve étaler sans entrave, à la portée de deux clics de souris. Où est le piège donc ?

 

        Et bien le piège justement c'est que ce n'est pas la réalité. Le piège c'est de croire que ce qu'il se passe sur l'écran 15" est vrai. On sait que l'homme s'est toujours retrouvé confronté à l'illusion, doutant de ses sens, doutant de son esprit à tout instant, et ce dans un univers direct, phénoménal. Sur internet les phénomènes sont réduits à leur portion congrue, tout n'est que reflet, tout n'est que tiges dans un vase. Où est la cassure ? Où est la limite entre l'air et l'eau ? Plus encore que le monde réel, internet est une jungle du doute, un univers angoissant mais parfait qui vous happe en quelques instants. Et tout est si facile que bientôt l'angoisse fait place aux réflexes. Tout est automatique, du bookmarks à la contact list, bientôt c'est l'horrible, l'affreuse routine qui s'installe, mais une routine qui ne vit pas, qui ne respire pas. Et une nuit, vers 3-4 heures, avec un peu de chance, l'internaute se demande d'un coup : mais bordel où je suis ?

    Et bien tu es tout seul devant ton écran d'ordinateur, en train d'écrire ou de regarder on ne sait quoi, perdu dans un ersatz de réalité. Comme tout progrès, internet est positif du moment que l'on n'en abuse pas. Et comme tout nouveau progrès, internet n'en est qu'au début de ses excès. Et ce ne sont pas les sites pédophiles ou fascistes qui m'inquiètent le plus (ces perversions là ne sont pas très neuves, ignobles, oui mais pas très neuves), non, ce qui m'inquiète c'est ce que j'ai touché du doigt, en fait ce que j'ai percuté de plein fouet : le reflet d'une réalité déjà illusoire en elle-même. Une copie de copie de copie qui ramollit l'esprit alors qu'elle devrait le faire s'interroger, le faire s'émerveiller, le faire s'étonner. Internet est un grandiose instrument d'épanouissement de l'esprit qui peut se transformer en formidable instrument d'avilissement. Un piège accessible à tous, une bombe à retardement qui peut vous exploser à la figure dès la première connexion.

 

        Bon, où sont les gags maintenant ? On pourrait se pondre un effroyable thriller tout en plan séquence sur l'histoire d'un chtit n'adolescent pas bien dans sa peau (pléonasme) qui découvrirait le canal #rencontreschaudes.fr ou qui se ferait des amis sur #poupinette. Dans tous les cas ce ne serait pas passionnant, ni même drôle, ce serait pathétique. Avant le web l'homme n'était pas heureux, et il le savait. Avec internet l'homme n'est toujours pas heureux mais il aura plus facilement l'illusion de l'être. Jamais, jamais vous ne pourrez être aussi seul que dans un Chat avec 25 personnes sur n'importe quel canal IRC, vous serez infiniment seul, juste entouré de reflets, les reflets de 26 personnes...

 

    Je ne sais plus si tout cela est vraiment marrant ou totalement et prétentieusement stupide (les deux, me répondront la plupart d'entre vous) donc je vais essayer de rattraper le tout avec une bonne blague :

- Qu'est-ce qui fait "cott-cott, tic tac, codec !" ?

Réponse : une poule qui a avalé un réveil.

(bon c'est copyright le regretté Gros Dada).

 

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