Edwood Vous Parle

 

 

Maquillage

 

 

 

        Elle se maquille d'un geste assuré et naturel. Le miroir vient s'abreuver dans ses yeux. Quelques cristaux brillants s'évadent dans l'air. Est-elle encore plus belle ainsi ? Dans l'espace du temps où son visage se pare. Sa splendeur s'illumine, presque irréelle. La raison voudrait affirmer qu'elle n'a pas besoin de maquillage, les courbes de ses paumettes, la douceur de ses traits, les teintes de sa peau se suffisent à elles-mêmes. Mais lorsque le crayon effleure ses yeux, lorsque les poudres se posent sur ses joues, elle devient une oeuvre d'art, presque trop intense, sublime à fendre le coeur et l'âme.

        Ce n'est pas un masque, ni une protection, ni une illusion. C'est une exaltation. Vocation première du geste d'embellissement, comme une transcendance esthétique. Au fil des siècles, l'acte s'est sophistiqué, généralisé, perdu et retrouvé. Mais dans le moment vibrant et simple où il s'accomplit une parcelle d'histoire vient se poser. Des millions de fois répétés, de millions de manière différentes, par des millions de femmes. L'effet en est toujours unique, comme si le quotidien n'avait pas de prise. Echapper au temps, c'est aussi l'ambition un peu folle. Et c'est ce qui s'accomplit, devant ce miroir, dans la lumière rêveuse. Le présent se morcelle et se fige, ne sachant plus comment continuer. Jolie extase, amusante aventure.

        Le rouge à lèvres carresse sa bouche, provocation qui fait courir le désir le long de tous les membres. L'univers a trouvé son centre. Dans une salle de bain bien terrestre, sur un point quasi invisible. Tout est ici et maintenant. Rien ne peut disparaître, enveloppé dans les teintes et les paillettes. Tout menait ici. Toujours suspendu à ses doigts, aux mouvements de ses mains. L'éternité recommencée.

 

 

Edward D. Wood Jr. ("with structure and cosmetics")