Edwood Vous Parle

 

 

 

Passons en haute définition

 

 

 

        Pour Noël, troquons donc nos DVD pour de la HD. Comme il y a déjà une décennie, quand il a fallu abandonner 2000 et quelques VHS sur le bord de l’autoroute du progrès. Elles nous regardaient avec leurs grands yeux blancs : « Pourquoi nous fais-tu cela, toi qui nous as tant aimées ? ». Et oui, pourquoi ? Parce que le temps détruit tout, en particulier les bandes magnétiques et les enregistrements douteux sur des chaînes de télévision mal captées.

        Mais si l’on passait au DVD, justement, c’était pour la durée (à peu près) infinie du support. Qualité d’image améliorée, son itou, même des bonus qu’on ne regarde jamais. Et sans risque de voir dépérir peu à peu son film préféré à chaque vision. Encombrement réduit en sus. Mais du DVD à la HD, la chanson n’est pas la même. On atteint ici des dérives de psychopathes, de névrosés, de cinéphiles, voire de « tekos ». Avec la HD on gagne surtout au niveau de l’image, vachement plus définie (c’est dans le nom) et un peu niveau son. Mais dans les deux cas, faut être équipé pour cela, sinon ça ne change pas grand-chose. L’investissement est donc de taille, rédhibitoire, seulement motivé par un pur plaisir esthétique compulsif.

        Voilà, on a eu le malheur, comme ça, un jour, de poser ses yeux sur Hot Fuzz en HD, ou sur The Descent, ou Casablanca, et là, forcément, c’est le drame… On ne peut plus revenir au DVD (et ne parlons pas des programmes TV, de toute façon je n’ai plus la TV). On souffre. On a l’impression que tout est flou, délavé, plein de blocs et d’escaliers. Oui, c’est l’esthète qui prend le dessus. L’amateur d’art dit : « Oh purée le grain de peau d’Orlando Bloom dans Kingdom of Heaven Director’s Cut ! Je ne peux pas résister ! Il me le faut ! »

        Mais le pire est à venir, car, comme au temps héroïque de la bétamax, de la VHS & co, il y a une guerre des formats. Pardon, je disais, il y a une GUERRE DES FORMATS ! Un truc terrible, que la bombe iranienne à côté c’est du pipi de hamster. LA GUERRE DES FORMATS, c’est un peu ce qui occupe les discussions des personnes autorisées depuis un an (au moins). Il faut faire un choix, des pronostics, des commentaires éclairés. On est obligé de se tenir au courant de la moindre évolution, du moindre coup de poker, de comment que ces enfoirés de Microsoft ont soudoyé Paramount et comment que Sony a transformé sa console en lecteur de salon, etc…

        C’est pas une vie, je vous le dis. On aimerait bien que ce soit simple, c’est déjà assez cher comme ça  sans que cela soit compliqué en plus. Mais non, Hd-Dvd ou Blu-Ray, il faudra se décider. Et puis prêcher pour sa paroisse. Et même si on devient bi, on aura toujours sa préférence, car c’est ainsi, c’est la nature, on n’y peut rien. Dans tous les cas, le plaisir et la frustration sont indissociables. La voix de la raison clame alors : « Laissons-les s’entre-tuer, le public reconnaîtra le sien ! ». Et non, pas si simple ! Le public, il ne juge pas. Il s’en fout. Lui il a sa TNT et ses DVD, pour lui la HD est un horizon… flou.

        On reste donc entre nous. Entre esthètes. A se coller le nez contre l’écran Full HD pour constater que en 1080p ça déchire bien 2001 de Kubrick. Voilà, c’est pas une vie, que je vous disais. Heureusement, pour beaucoup d’entre nous, la vie ne s’arrête pas à une prise HDMI 1.3. La HD est un petit bonus qu’on s’offre, en marge du reste. Ca impressionne les collègues, ça fait plaisir aux amis, ça reste un médiocre argument de drague, mais le grain de peau d’Orlando Bloom peut toujours servir, quand tout le reste a échoué. Mais ça, je ne vous le souhaite pas. Quand même.

 

 

Edward D. Wood Jr. (« Human after all. »)