Edwood vous parles des

 

 

Contes de la Frustration Ordinaire

 

 

        Luttant pour la plupart, avec un acharnement courageux et une mauvaise foi bon enfant, contre le déterminisme originel, les mâles humains cherchent encore à prouver que leur existence n'est pas entièrement consacrée à la recherche de la satisfaction libidineuse. Ils ne s'embarrasseraient certes pas d'autant de simulacres si la femelle humaine n'avait pas cette fâcheuse tendance à ne pas vouloir faire du sexe 25 heures par jour. Pour bien mentir, il faut arriver à se convaincre d'abord soi-même et c'est bien pour cela que la plupart des spécimens masculins qui me lisent à cet instant hurlent à haute voix toute leur désapprobation vis à vis de mes propos. Voyons, voyons les enfants, il est bien connu que le sens de la vie masculine consiste à réussir à fourrer son chibre dans n'importe quel des sept orifices que Dieu a donné à notre corps et ce, le plus souvent possible. Alors tous les moyens sont bons, et le premier est bien sûr le mensonge. Et comme je le disais plus haut, le mensonge commence vis à vis de soi. Démonstration :

        Non je n'ai pas envie de caser mon machin quelque part. Non je ne veux pas zoner sur un site porno. Non cela me serait très désagréable de voir des jeunes filles nues (ou de jeunes messieurs, hein, moi je dis ça, je dis rien). Non cela m'ait très désagréable toutes ces pratiques que je n'oserais jamais pratiquer et qu'on se demande bien pourquoi cela donc existe mais dans quel monde vivons-nous. Non je n'ai pas de pensées à caractère pornographiques durant mon existence éveillée. Non je n'en ai pas non plus pendant mon sommeil. Non je ne fantasme pas sur la moindre paire de nichons qui passe à portée de mon œil. De même pour la moindre paire de fesses. Ni la moindre bouche. Ni la moindre main. Ni le moindre pied. Ni tout le reste du corps et tout ce que vous pouvez imaginer s'y rapportant. Non je ne me masturbe jamais. Et certainement pas trois fois par jour. Non je ne désire pas la femme de mon prochain. Ni sa fille. Ni son canari. Ni sa tortue. Je suis contre le Kamasutra. Tout contre. Non je ne pense jamais à des choses vachement tendancieuses quand le moment ne s'y prête pas du tout. Non je ne suis pas frustré à quelque niveau que ce soit. Non je ne suis pas un arracheur de dents.

 

        Vous allez me dire que j'exagère ("Oh Edwood il est xagère ce garçon !"). Et bien non, je n'ai pas Xagère et c'est bien dommage, mais là n'est pas la question. Je généralise trop. C'est normal de penser cul de temps en temps (toutes les trois minutes en moyenne à ce qu'il paraît, chez un monsieur normalement constitué). C'est la nature. On ne pense pas tout le temps à ça, mais bon, c'est bien, non ? Oui, c'est bien, oui. Dieu nous a fait ainsi. Oui. Enfin, en fait c'est une punition. Laissez-moi vous raconter. Transportons-nous à une époque très reculée, très très reculée (non ce n'est pas vulgaire), où le double fistfucking n'était qu'une Idée lointaine perdue dans le monde des Idées qui volent au milieu des petits nuages roses.

        Surprenant Adam et Eve en plein 69 dans le jardin d'Eden, devant l'œil ému des agneaux bénis, Dieu leur adressa un discours aussi fameux que la Danse des Canards (ou presque) : "Adam, affreux saligauds, qu'as-tu donc fait à poser tes lèvres sur la pomme de Eve ! Et puis étais-tu vraiment obligé d'y mettre la langue ? Ainsi que plusieurs doigts ? Non, franchement, pour la peine tu trimeras dur, tu seras perpétuellement dévoré par la concupiscence et tu seras forcé de te tripatouiller devant les pornos minables du samedi soir sur Canal +. Et tu auras l'air d'un con. Quant à toi, Eve, tentée par les circonvolutions du serpent d'Adam [note de Ed : ce qui tend à confirmer que le péché vient tout d'abord du mec]. Non, mais, dis, Ed, t'as qu'à intervenir dans mon discours biblique aussi ? Faut pas te faire ièche ! J'en étais où ? Ah oui ! Quant à toi, Eve, tentée par les circonvolutions du serpent d'Adam, tu enfanteras dans la douleur et tu auras des ragnagnas. De surcroît tu devras subir la mauvaise humeur d'Adam qui aura toujours envie de te prendre en levrette quant tu auras envie de regarder tranquillement Popstars (et il te baratinera un truc comme quoi c'était la position naturelle avant que les singes ne se mettent debout sur leurs petites papattes de derrière, tout ça ; mais c'est faux, la preuve, c'est moi qui vous ai créé, à mon image, d'ailleurs, en particulier pour ce qui est des proportions de la bistouquette, mais je m'égare). Mais pour t'aider je m'en vais de ce pas inventer la migraine et la paire de baffes. J'ai dit." Ce fut alors l'avènement du "J'ai dit" et ce fut écrit et accomplit.

        Depuis ce jour, quand homme et femme tombèrent violemment l'un dans l'autre par l'effet de la chute originelle, notre vie est un Enfer. Même si l'expérience tend à prouver que l'Eden se situe quelque part à la droite du sexe et à la gauche du Guatemala. Voilà donc Adam errant en essayant de faire sortir le sexe de sa tête et Eve errant en essayant de ne pas récupérer malencontreusement le machin d'Adam à un autre endroit. Elle y arriva assez mal, vu que, au moins par deux fois, Adam parvint à ses fins. Caïn et Abel étaient bien embêtés, ils étaient deux mecs, et de surcroît ils étaient frères. On peut penser qu'ils inventèrent pour l'occasion et pour fêter le premier Noël (même si Jesus n'était pas encore né, ils s'en fichaient bien, l'important étant de manger le maximum de chocolats), donc ils inventèrent pour l'occasion l'homosexualité, l'inceste et le petit train. Comme Dieu trouvait cela pas si mal, il les laissa faire pendant un temps, puis leur donna des femmes pour qu'ils s'essaient à la bisexualité, que notre prévoyant Seigneur avait créée comme inhérente à la nature humaine. Mais Caïn qui était un gay pur, (très) dur et fier de l'être, ne supporta pas que Abel le trompe avec une femelle. Il le tua donc et viola son cadavre à plusieurs reprises et sans préservatif. Caïn était un sacré débauché, croyez-moi si vous le voulez.

 

        En sautant (enfin... euh... oui...), en sautant donc (à maintes reprises) de nombreuses générations, on en arrive gaillardement à vous, qui me lisez à cet instant précis. Vous allez me dire que j'exagère de manière outrancière et que ce n'est vraiment pas drôle. Oui, mais non. C'est drôle. Du moins maintenant on peut en rire, ce n'est pas si grave, non ? Depuis ces temps préhistoriques, notre vie a évolué pour le meilleur. On a des vibromasseurs à têtes tournoyantes et des menottes à bords capitonnés. Mais je sais aussi, malgré tout, que la frustration fait encore office de loi. Et l'on essaie tant bien que mal de penser à autre chose. Et généralement on fait la guerre et pas l'amour. Ca occupe. Lancer des gros missiles sur des messieurs qui courent comme des lapins devant la puissance de votre force de frappe. Oh oui, frappe-moi avec tes missiles tactiques, oh oui, oh oui, grand fou ! Et moins l'homme s'assume, plus l'homme se ment, plus il a des chances de sombrer dans le n'importe quoi bien débile. L'homme virera donc gros frustré refoulé et ne tardera pas à zoner sur les newsgroups zoo-pédo-scato-uro-dermophile-indien. Ne comprenant plus rien à ce qui se passe dans son Moi profond et surtout dans son Ca cracra, et refusant de voir, le mâle préférera ouvrir tout grand ses yeux devant les perversions les plus folkloriques, les plus dégradantes pour les descendants d'Adam et Eve qui n'en demandaient pas tant. A la base ils voulaient juste faire crac-crac dans l'herbe, se mettre un bout de majeur dans l'arrière-train à la limite, pour voir ce que cela fait, des trucs tout simples, quoi, la nature, quoi. Et maintenant voilà, voilà, on poursuit les recherches gynécologiques sous prétexte érotique (ou inversement). La turlutte innocente a fait place à la brutalité gerbante et le cunnilingus champêtre s'est transformé en une apologie de la souffrance et de l'humiliation.

 

        Oui j'exagère. Mais quand même. Et la tendresse dans tout ça ? On l'encule ? J'suis sûr qu'on peut y faire entrer le bras entier dans la tendresse, si, si, je vous assure. Ca va lui faire un peu mal, mais elle aime ça la traînée ! Paul Verhoeven (hein ?) disait fort justement que c'était à cause des femmes (donc du désir sexuel) que les hommes devenaient des fascistes. Cela semble tout à fait concevable. Le désir sexuel subi par l'une ou l'autre des parties en présence (oui je sais, ça a l'air vulgaire comme tournure de phrase) engendre forcément la violence, la culpabilité, la honte, la tristesse et plein de sentiments charmants qui aiment à s'immiscer dans votre petit intérieur douillet au moment où vous vous y attendez le moins. Courant de part la surface de la planète en agitant sa bite dans tous les sens, l'homme ne rêve finalement que d'être libre de toutes ses entraves libidineuses pour pouvoir s'envoler vers l'espace. Et enculer une martienne.

 

        Vous allez me dire, car vous êtes mesquins, que le gros frustré dans l'histoire c'est moi. D'une part je ne suis pas gros. Et d'autre part je ne suis pas frustré. Est-ce que je vous demande si vous aimez les petits pois, moi ? Hein ? Non ? Non ! Alors, enfin, c'est pas raisonnable ça. Et puis c'est quoi ce manichéisme à la con. Vous exagérez ! Il existe en toute chose des degrés et des nuances. Le manque de nuances est le drame de notre monde. En matière de frustration ordinaire, les nuances se doivent d'être d'autant plus notées. Mais cela a peu d'importance vu qu'au final, nous voici tous à égalité. Errant de part le monde. Un peu comme dans un final de Benny Hill. La course-poursuite. Encore et encore. Mais n'y-a-t-il vraiment que cela qui fasse courir l'homme ? Même lorsqu'il est poursuivi par un troupeau de buffles, c'est la libido qui le fait dérater comme un lapin ? Non, bien sûr. Car, je l'espère pour vous, vous faites souvent l'expérience de ses instants où le sexe paraît bien loin et que votre cœur s'ouvre tout entier à l'Autre et au Monde et qu'une douce communion vous ramène aux portes de l'Eden où Eve vient vous accueillir avec des paroles tendres et la foune à l'air, alors forcément comme elle est à oualpé elle demande que ça la chienne, donc vous l'attrapez et vous la retournez contre le pommier et... euh... certes... fichtre... diantre... mazette... A ce point là ?

       

        Alors en conclusion je ne peux que clamer haut et fort : je suis innocent ! C'est pas moi msieur l'agent et d'abord elle était consentante ! Nous sommes ainsi et rien ne sert de courir il faut partir à point, la raison du plus fort est toujours la meilleure, tant va la cruche à l'eau qu'à la fin on boit la tasse. Et c'est tant mieux ! Car que serait le monde sans le capitaine Crochet ? Le sexe est là, partout, partout, tout partout, oh oui, tout partout, encore, tout partout ! Je pourrais, je ne sais pas, vous balancer la chanson de Pulp, là, This Is Hardcore, qui dit tout ça tellement mieux. Mais non, mais non, on va vraiment abréger, j'ai suffisamment abusé de vous pour aujourd'hui. De là à dire que je vous fais des choses par l'intermédiaire de mes textes, il n'y a qu'un pas qui pourrait nous amener à énoncer une vulgarité incroyable. Donc, nous nous retiendrons jusqu'à nouvel ordre. Vous pouvez reprendre vos occupations habituelles et en mettre plein le clavier.

 

Edward D. Wood Jr. ("je suis hanté, le rut, le rut, le rut")

 

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