Edwood Vous Parle

 

 

 

 

Revendications d'Ego

 

 

 

 

 

        Il est parfois flagrant que notre moi nous échappe. On croyait avoir l'habitude, on pensait bien le connaître et le voilà qui nous surprend, en bien, en mal, en neutre. Il nous prend de court (le vicieux), il nous met sur le cul (le dégoûtant), il nous renverse (le vieux charmeur). Et alors on en reste coi. Voilà, on est coi. Rien n'est pire que de se sentir dépassé par soi-même. Hang to your ego, qu'il disait le Brian. Oui, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. 

 

 

        Il y a toujours des instants où l'on se sent perplexe. On aimerait bien dire ou faire quelque chose, mais on ne sait pas quoi. On se sent vide, comme s'il n'y avait plus personne à l'intérieur. Mais cela ne dure pas très longtemps. Bientôt l'intérieur se remplit de murmures et d'ombres. On est là, devant le Tour de France. Avec une part de nous-même qui hurle : "mais b**** p**** ch****, qu'est-ce que tu f**** devant cette c***** de Tour de France de m**** ??". On reste coi. Alors la part à part ajoute : "Pauvre trou du c**, fais donc semblant de pas m'entendre surtout, vieux c***** de mes c*****, je t'en f***** moi !". On demeure coi. Alors la part repart : "Mais p***** ! Prends donc ton p**** de temps pour me répondre ! P**** ! C**** ! E**** ! B**** !". Je ne sais pas vous, mais moi je n'aime pas me faire insulter. Je n'aime même pas du tout cela. C'est bizarre. Des fois je me demande bien d'où cela vient. Non, c'est vrai, ce n'est pas si courant. Enfin, en même temps je ne sais pas. Donc, voilà, je suis une personne qui n'aime pas se faire insulter. Et je n'excuse même pas mon propre moi. Même lorsqu'il a raison. Je n'aime pas me faire insulter, m****, ch**** ! Donc, je lui demande poliment de se calmer. Et il en remet une couche : "Oh c'est pas vrai, m**** alors ! Voilà l'autre glandu qui me demande de me calmer ! Mais mon pauvre c**, c'est pour ton bien que je m'énerve, p**** ! Si c'est pas moi qui le fais, qui va le faire ? Tu vas jamais te bouger et tu vas rester là jusqu'à l'arrivée de cette p**** d'étape de mes b***** !". Mais c'en était trop. Avec une grande fermeté, je refoulais tout mon petit monde mécontent. Mes petits intermittents du spectacle à moi, je les mettais dans leur cage, loin dans mon esprit. Et je restais jusqu'au bout de l'étape.

 

        A partir de là, je ne me sentais pas particulièrement bien. Cela grognait sévère dans les rangs de mon esprit. La révolution se préparait. Et je savais que cette fois ce ne serait pas une révolte, non, mais bien l'octobre rouge, la longue marche. J'allais m'en prendre plein la figure pour pas cher. Et je l'avais bien mérité. A force de ne rien faire, mon être entier en avait par-dessus la tête. Il y allait avoir conflit, confrontation, massacre, génocide. Personne n'en sortirait vivant. Pour essayer de calmer le jeu, je proposais une trêve aux mécontents. Je leur proposais de s'exprimer dans un Edwood Vous Parle qui recevrait sans doute publication sur mon site, vu que de toute façon je publie n'importe quoi sur mon site. Même Edwood VS La Musique, c'est dire si c'est la m*****. 

 

 

        Pendant un instant la proposition créa le silence dans le rang des mécontents. Il y eut alors une série de négociations assez fermes. Mais déjà la réponse m'arrivait en plein dans la gueule : "Mais va te faire f**** avec tes Edwood Vous Parle de m**** ! On en a marre qu'à chaque fois que l'on se plaint, tu nous refiles un encart sur ton site de m**** ! Y en a marre ! Tu nous a promis des espaces d'expression tellement plus grands, tellement mieux. Où sont les Andréi Roublev ? Où sont les Crime et Châtiment ? Où sont les This Is Hardcore ? Que tu nous avais promis ! Des p***** de promesses, toujours des p**** de promesses ! Voilà tout ce que l'on nous donne ! Ton site sans nous il n'est rien. C'est juste un truc de nerd qui s'embête quand son existence se relâche. Alors il faudrait voir à se remuer un peu le c***, si tu ne veux pas que l'inspiration se fasse la malle avec tous les autres !". Bref, j'étais bien mal barré. Ma proposition n'avait fait que renforcer le mécontentement de mon moi. Et dans l'ombre, immense, rugissant, toujours à l'affût des bons et des mauvais coups, mon ça se préparait à frapper et à me jeter à terre sans préavis. 

 




(supens)




 

        Constatant que le ça se préparait à tous nous sauter à la gorge, mon moi se dit qu'il fallait d'abord penser à se protéger les fesses avant de se disputer entre personnes de bonne famille. Nous allions ainsi choisir le moindre mal et convenir d'un encart Edwood Vous Parle suffisamment conséquent et représentatif des revendications les plus récentes. Ainsi nous occuperions le ça pendant quelques instants. En attendant de le repaître de GTA Vice City et d'autres babioles qui l'amusent follement ce grand gamin. Mais au fur et à mesure de la rédaction de la page, le moi se faisait plus grognon, menaçant à chaque erreur de frappe de m'abandonner avec le ça en furie lâché dans mon esprit. "Notre esprit !", lui faisais-je aussitôt remarquer, lui rappelant ainsi que sa place était aussi en jeu dans cette histoire. Le ça, pendant ce temps, s'émerveillait de quelques pensées rudement triviales qu'il m'ait strictement interdit de retranscrire en ces lieux, sous risque de me voir refuser l'entrée du paradis à l'heure de ma mort, ce qui serait, zut alors, très embêtant.

 

 

        L'évocation de l'échéance finale, bref, l'idée de la fin prochaine de nous, le moi, le ça, l'Edwood et tout le tintouin, cette idée mis un grand désordre dans notre esprit. Cela n'amusait décidément personne. Ni le moi qui n'avait pas encore obtenu les moyens d'expression promis, ni le surmoi toujours en retard sur son planning, ni le ça qui ne désespérait pas d'avoir avant sa disparition commis quelques meurtres sordides et quelques expériences sexuelles dont l'évocation ferait frémir les plus courageux d'entre-vous. Mais sitôt l'effroi passé, la mort vint mettre encore plus de désordre dans les troupes. Et d'un coup, avec un rugissement immense, gigantesque, tel la neuvième vague arthurienne célébrée par Kate Bush, tout mon être hurla : "P****, m****, f***saintgris ! Il n'y a pas de temps à perdre !!!". Submergé par une telle exhortation, entraîné par le flot, dépassé par les événements qui se précipitaient en bas des escaliers sans se tenir à la rampe, je me voyais dans l'obligation de conclure le Edwood Vous Parle, qui n'était pourtant pas parvenu à faire revenir le calme dans nos riantes campagnes et au sein de nos charmants villages, là où les braves habitants de nos contrées sommeillent à l'ombre de nos arbres parfumés et où les jeunes paysannes frémissantes courent dans les champs fleuris en essayant innocemment d'oublier que l'été n'est pas éternel.

 

 

 

Edward D. Wood Jr. ("let's all drink to the death of a clown !")