Edwood Vous Parle du

 

Bonheur

 

 

       Nous sommes en 2001. Année très symbolique s'il en est. Il se fait tard, la douce nuit d'hiver s'étend sur mon petit monde edwoodien. Les échos du thème principal de Princess Bride se perdent contre les murs de mon ptit chez moi grand vide. Il fait délicatement sombre, mais pas trop froid. Il y a une bouteille d'eau à portée de la main, c'est essentiel. Le moment est décidément parfait pour vous parler du bonheur. Le bonheur, cet "idéal de l'imagination", avec lequel nous vivons pourtant en permanence. Qui peut prétendre être incapable d'éprouver le moindre bonheur ? Qui osera dire que rien, rien, pas la moindre fraction d'atome du monde, que rien ne le rend heureux ? Car, quoi qu'on en dise, le bonheur c'est simple. Et pas forcément aussi simple qu'un coup de téléphone sans fil.

        Non, le bonheur, croyez-moi si vous le voulez, se trouve à chaque coin de votre esprit. Là où vous l'attendez le moins. Il est tapi dans l'ombre de vos aigreurs. Il guette dans les replis de vos regrets. Il attend son heure dans les méandres de vos angoisses. Il est là, prêt à bondir, à vous prendre par surprise et à vous abandonner vaincu... heureux... Le bonheur est spontanné, désarmant de sincérité, dégoulinant de plaisir. Il choque par sa générosité, il étonne par sa faculté à apporter des merveilles dans le cynisme universel. Le bonheur existe, partout, là, ici, maintenant. Et je sais bien qu'entre ceux qui cherchent désespérément le bonheur sans le voir et ceux qui le refusent, cela fait beaucoup d'incrédules.

       Et oui, je sais aussi que le bonheur n'est pas créatif. Il faut souffrir pour écrire. Dans les peines intenses se trouvent la plus belle des sublimation. Comme si l'on ne pouvait pas souffrir tout en étant heureux, enfin, voyons, prenez exemple sur moi. Suis-je heureux ? Infiniment, et ce n'est pas du pipeau, vils incrédules que vous êtes. Est-ce que je souffre ? Infiniment aussi. Alors est-ce trop de bonheur au final ? Bien sûr ! Le bonheur c'est cela. La joie présente et le souvenir des douleurs passées. La paix de l'instant et les blessures qui ne se referment jamais. La plus grande des gaietés et/est la plus grande des tristesses. Et je ne fais pas l'éloge de la souffrance volontaire, croyez-moi. Si vous me comprenez mal, c'est que vous n'êtes définitivement pas heureux, car sans doute recherchez vous consciemment ou inconsciemment le bonheur dans le malheur. Et là je dis : halte ! Non, je dis HALTE ! Et si vous ne vous arrêtez pas immédiatement je l'écris même en vert fluo, ah vous faites moins les malins là ! hein ! Et pourtant j'en vois encore qui ne me croient pas, là. Tant pis pour eux. Je leur dis haut et fort : HALTE ! (non finalement en vert c'est pas si moche que ça... j'aime bien, en fait, ça a un petit côté printannier pas désagréable...)

 

        Car c'est de joie partout dans le monde dont je vous parle ce soir. Je vous parle d'un ptit oiseau qui chante dans le matin brumeux. Je vous parle du sourire de Robin Wright dans Toys. Je vous parle de la voix de Faye Wong. Je vous parle de papillons qui virevoltent dans les champs d'été. Je vous parle d'Aerith. Je vous parle de temps passé. Je vous parle de l'avenir radieux. Je vous parle de la musique de Jin-Roh. Je vous parle d'un chat gracieux. Je vous parle du présent qui s'enfuie. Je vous parle de l'amitié éternelle. Je vous parle de choses simples et de choses compliquées. Mais je vous parle de pensées heureuses. Non, elle ne sont pas perdues, perdues, perdues... Elles sont là, sous votre nez, elles ne demandent qu'à être prises par la main pour vous conduire vers les merveilleuses contrées qui...

        Oui, je sais, je fais un mix entre L'Ile Aux Enfants et Hook, là. Oui, je sais. Ca vous fait rire ? Et bien c'est déjà cela ! Un ptit peu de bonheur, là. Regardez, je vous ai apporté un peu d'amusement, parce que les fleurs c'est périssable. Le monde est un endroit étonnant, n'est-il pas ? Un endroit où le bonheur est toujours présent mais ne cesse de s'échapper, d'un instant à l'autre, il est déjà loin, ou il est déjà là. Et le Grand Bonheur survient toujours, plusieurs fois dans une vie, ce Grand Bonheur, cette Béatitude chère à mon copain Baruch (de Spinoza). Et comme le Grand Amour, ce Grand Bonheur il ne faut jamais le laisser s'enfuir. De peur que comme Bouton d'Or vous en veniez à dire : "je n'aimerai jamais plus". Ou du moins dans le cas qui nous intéresse ce soir : "je ne serai jamais plus heureux". Ce qui revient finalement au même, avouons-le. Mais non, voyons, le Grand Bonheur est là pour rester (it's here to stay, la chanson est connue). Et c'est là que vous vous rendez compte que le bonheur c'est comme la tristesse, ça vous travaille à l'intérieur, ça ne demande qu'à sortir, et en même temps cela veut rester au chaud en vous. Et là vous vous rendez compte (bis) que le bonheur et la tristesse sont là, côte à côte, indissociables, omniprésents, mais toujours dans ce rapport de force Yi Yang (non ce n'est pas le serveur dans Le Lotus Bleu). Et comme nous l'enseigne l'infinie sagesse asiatique : à vous de voir ce que vous préférez. Choisir ou subir. Agir ou laisser courir. Vivre ou vieillir. Aimer ou haïr. Donner ou jalouser. Créer ou dormir. Bon, moi j'ai déjà choisi, alors ça va, je vous laisse vous débrouiller maintenant.

 

        Bon, tout cela est drôle sans être drôle tout en étant franchement poilant quelque part à droite au fond du couloir, non, non, non, ça c'est la porte de gauche ! Alors bon maintenant vous allez me faire le plaisir d'être heureux. Mais il suffit que je dise cela pour que les gens pétrit d'esprit de contradiction (qui ont trouvé en moi un excellent modèle, d'ailleurs, je le dis avec toute la modestie dont je suis incapable) poussent le zèle jusqu'à faire exactement le contraire. En dépit de tout bon sens. Bon, les gars, là, faut arrêter, enfin, quoi, un peu de sérieux que diable ! Et puis il y a ceux qui ne veulent pas me faire plaisir. Et bien tant pis. Je n'ai pas besoin que l'on me fasse plaisir, il va sans dire. Parce que j'ai appris (séquence : attention le vieux va radoter un truc gnan gnan), donc j'ai appris à produire beaucoup de bonheur avec peu de plaisir. Et à faire travailler main dans la main souffrance et joie (youpla boum !!). La preuve. C'est d'ailleurs bien pour cela que j'ai choisi ce sujet pour faire revivre Edwood. La profession de foi.

 

        Il est donc temps pour moi de vous laisser. Il se fait vraiment tard, j'ai sommeil, ou pas, ou pas... Ce fut bref, mais sympathique. Pas vraiment drôle, mais ce n'était pas tant le but que cela (d'être drôle), je suis heureux que vous m'ayez lu jusqu'ici (ce qui prouve bien que je trouve mon Grand Bonheur partout). J'aurais encore des milliers de choses à vous dire, mais cela sera pour demain. Ou pour après-demain. We have all the time in the world. All Time High. Tomorrow Never Dies. Diamonds Are Forever. For Your Eyes Only. Goldfinger (tsoin tsoin tsoooiiinnn)... Ah si, encore deux titres pour la conclusion.

        You Only Live Twice. One Life For Yourself. And One For Your Dreams. Nancy Sinatra raconte n'importe quoi. Vous n'avez qu'une vie. Utilisez-la bien, parce qu'elle s'use même si l'on ne s'en sert pas (surtout si l'on ne s'en sert pas si vous voulez mon avis éclairé (moyennement éclairé là, la lumière faiblit...)).

        Nobody Does It Better. C'est vrai. Personne ne le fait mieux que moi. Personne le fait mieux que vous. Personne ne le fait mieux que toi. Personne ne le fait mieux qu'elle. Personne ne le fait mieux que lui. Personne ne le fait mieux qu'eux. Personne ne le fait mieux que nous. Et cela est beaucoup, énormément de bonheur, de Bonheur. N'est-il pas ? Donc, vous voyez bien. Le bonheur était là depuis le début de la page. Il surgit soudain devant nos yeux zébahis ! Il est mignon, pas très grand, mais il va prendre de la corpulence avec le temps, l'essentiel c'est nous l'ayons, là, sous la main, pour quand nous en aurons besoin. C'est à dire tout de suite, tout le temps. Fichtre ! Attachons-le, ne le laissons pas s'enfuir, de peur qu'il ne revienne jamais...

 

        Arrêtons pour ce soir nos divagations. Je dis "nos" parce qu'en tant que lecteurs et lectrices consentants, vous participez activement à mes errances edwoodiennes. Chacune de vos lectures me donnent vie, chacune de vos lectures donnent sens à ce non-sens. C'est pour moi beaucoup... beaucoup de ? de ? de ? de bonheur ! et oui ! Ca y est, vous avez compris le truc. J'en suis très heureux, vraiment. Là, encore, regardez ! Encore du bonheur, du vrai, pas du gigantesque, mais presque ! Et cela est bien. Merci de m'avoir lu, vous avez apporté un peu de bonheur à Edwood, vous savez, celui qui Vous Parle. Et par rebond, cette Bonne Action, je l'espère, vous aura aussi apporté un ptit peu de joie, trois fois rien, je sais bien, mais un ptit peu. Et cela est bien (bis). Bon après on va m'accuser de faire dans la guimauve, ce qui n'est qu'une partie de mon style (qui s'exprime le plus souvent à l'évocation de Tim Burton (le plus grand, le plus beau, le plus fort (oui, je sais, l'Amour est aveugle) ou à celle de Julee Cruise ("In my other world, there is no pain, and all my thoughts are clouds of happiness...", là, justement, tiens, kesse que je disais !). Si vous trouvez que cet Edwood Vous Parle est vraiment trop gnan gnan, aller donc relire le Débat d'Opinion ou le Déménagement, là, voilà, y en a pour tous les goûts de part chez moi. Et c'est bien chouette, n'est-il pas ?

 

        La prochaine fois nous parlerons d'un truc vraiment rigolo avec des phrases vraiment drôles dedans. Je ne sais pas... voyons... la prochaine fois nous parlerons des assiettes en carton. Là, voilà. Ou alors nous parlerons des facteurs à mobylette. Et de toute façon, je vous dis à bientôt, forcément.

 

 

Edward D. Wood Jr. ("Heureux ! E! R! E!")