Edwood Vous Parle

 

Les Aventures Extraordinaires IV

La Passivité Anodine de l'Etre Humain Franchement Moyen

 

 

        Nous sommes en période d'élections. Présidentielles de surcroît. Ca fait mal, ça, non ? Notre univers est envahi brutalement de sondages et d'interviews complaisantes, de chansonniers arthritiques et de dossiers sur la sexualité des français (ah non, ça il y en a tout le temps). J'aimerais bien pouvoir me lancer sans complexes dans la grande fosse du commentaire acerbe de la vie politique hexagonale, voire mondiale. Mais je n'en sortirais pas grandi. Ce n'est pas que je n'ai pas mon mot à dire et mes idées profondes. Mais c'est tellement banal, tellement redondant et surtout tellement pas drôle. Car, bon, pourquoi rire de ce qui est consternant ? Pourquoi commenter ce qui se passe de commentaires ? Rien de bien nouveau. Rien de bien original. C'est toujours pareil. Alors, à part si vous vous sentez motivés pour faire la révolution à mes côtés (j'ai besoin d'un peu plus de 500 signatures pour cela), nous n'allons pas pouvoir faire grand chose. Inutile de se plaindre, inutile de déprimer, inutile de faire sa révolte à grands cris de "tous pourris !" bien démagos. On n'est pas chez les trisomiques de Nova ici. On ne se prend pas pour le Che ou pour Napoléon (c'est du pareil au même). Vous voulez quoi ? Du sang et des martyres ? De la violence et de grands discours fascisants ? Allez donc voir à côté, vous y trouverez peut-être tout cela et même plus. L'engagement politique et social implique nécessairement la sagesse, disaient les stoïciens qui n'avaient pas oublié d'être relativement doués de bon sens. Et donc ? Etes-vous sages ? Avez-vous fait vos devoirs ? Vous êtes-vous bien brossés les dents trois fois par jour ? Avez-vous fait la justice vraiment juste autour de vous ? Etes-vous gentils avec votre entourage ? Avez-vous remisés vos petites envies et votre petit ego suffisamment aux vestiaires pour pouvoir prétendre à donner des leçons à la Terre entière ? Que celui qui n'a point pêché jette la première pierre !

        Vous allez me dire que si personne ne se décide à jeter la première pierre, on peut continuer longtemps la dégénérescence de l'univers en attendant que cela pète de manière plus ou moins naturelle. Oui. Sans aucun doute. On pourra rester longtemps à zoner devant le DVD de Mulholland Drive en rêvant d'un monde différent. Mieux. Plus chouette. Plus motivant. La résignation, camarades, la résignation. Mais il y a une différence entre la véritable résignation, ce dégoût cynique et dépressif qui pourrit votre vie et par extension qui pourrit la vie de ceux qui vous entourent. Et un état entre l'éveil et le repos, cet état prompt à saisir la moindre opportunité pour faire entendre sa voix quand les circonstances le réclament. Les circonstances le réclament bien rarement. Et trop souvent on ouvre sa gueule pour ne rien dire. Certains en viennent même à trouver très "rebelle" de violenter tout ce qui passe à leur portée (de préférence quand ils sont dans un état altéré par une substance modifiante du comportement). S'il est très con d'être passif, il est généralement encore plus con d'agir comme un con pour essayer de réveiller les cons qui tout en étant aussi cons que le con violent ont au moins le mérite de ne pas emmerder le monde avec leur bonne âme conne. Mais je m'emporte pour pas grand chose, après tout, vous avez bien de la chance, vous êtes grandement libres de faire ce que vous voulez de votre temps. Ah, bah en voilà des gens heureux, non ? Libres de faire ce qui leur plaisent, ah, bah c'est du bonheur, ça, non ? Enfin, je dis "libre", vous avez l'illusion d'être libres. Et ça, ma foi, c'est encore une autre histoire.

       

        Alors que faire, mon cher Ed ? Allez-vous bassement me demander. D'une part, c'est bien connu, ne vous privez pas pour m'appeler Ed, allez-y, vous gênez surtout pas, appelez-moi Ed, et puis vous pouvez aussi me tutoyer, me donner une bonne tape sur l'épaule, me piquer mon site, profiter de mes maigres biens, m'envoyer au cimetière dans la misère et venir uriner sur ma tombe anonyme (ce qui est en quelque sorte un exploit, vu que ma tombe, bah y a pas mon nom dessus). Que faire ? Etre passif ? Agir ? Fuir ? Oh oui, oh oui ! Fuyons ! Vite ! Vite ! Ne perdons pas une seule seconde et tirons-nous de là ! Ah non, zut, ça on a déjà essayé de le faire plusieurs fois en ces lieux (cf. Que Faire de Son Existence ? (déjà !) et la Tentative d'Evasion). A chaque fois, on est resté las là, là las, la la la (in the midnight hour, I will come to you, etc...). Non, non, attendez, reprenons calmement. Ce qu'il faut faire ? Etre heureux, bon sang de bois ! C'est pourtant simple à formuler comme concept, ça, le bonheur. J'en ai déjà parlé, d'ailleurs. Décidément, j'ai vraiment déjà TOUT dit, c'en devient gênant. Le bonheur pour vous, pour ceux qui vous sont chers, pour tout le monde. Vous allez me dire que votre bonheur est de rendre les autres malheureux et là je devrais être bien embêté et tout et tout. Mais pas le moins du monde, pas le moins du monde, pas le moins du monde (ah je crois avoir déjà effectué ma répétition nécessaire au style ampoulé que je pratique couramment et il me semble que là j'ai une répétition en trop mais on va la laisser et faire comme si on ne l'avait pas vu). Vous aimez rendre les autres malheureux, c'est votre trip. Bien, alors nous pouvons jouer à cela à plusieurs et ce n'est pas vous qui allez gagner. Faut pas croire. Je ne suis pas monsieur Justicier Planétaire et encore moins madame Bonne Conscience. Non, non, pas du tout, mais voyez-vous, moi aussi j'aime bien faire du mal aux autres. En tout simplicité s'entend bien, sans aucune animosité aucune. Comme ça, juste pour le plaisir, sans arrière-pensée. On s'amuse, quoi, on fait rien de mal, quoi, on est là pour partager quelques bons moments, quoi. Voilà, quoi.

 

        Il me semble que nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. En plus je ne vois pas en quoi tout cela fait partie des Aventures Extraordinaires, au contraire, c'est très banal, quotidien et sans importance tout ce que je vous raconte là. La passivité anodine de l'être humain franchement moyen, tenez, le voilà le sous-titre que je cherchais depuis tout à l'heure ! Ah, je suis content, je l'ai trouvé, c'est merveilleux ! Donc, où en étais-je ? Oui je disais que je suis "dégagé" comme disait Desproges, qui lui au moins pouvait se vanter d'être un comique et même un artiste dégagé. Alors que le petit Edwood, que dalle. Il est juste dégagé, sans fioritures, sans panache, il veut pas d'emmerdes Edwood, prend pas de risque le type, ou alors vraiment un minimum. Le Edwood, il s'engage à chier sur Limp Bizkit et Matrix, des trucs super dangereux quoi (quoique les fans de Neo-Metal (d'une pierre deux coups, tiens, marrant, ça) ne sont pas toujours très pacifiques...). Alors qu'il pourrait dire qu'il chie sur la gueule de l'E.T.A., qu'il emmerde tous les partis de droite (même l'UDF, c'est dire s'il est méchant), qu'ils conchient autant les racailles que les C.R.S. bornés à leur petits ordres et à leur petite jouissance de mâles frustrés, qu'il emmerde d'ailleurs aussi les mâles frustrés et les pisseuses frustrées, qu'ils se branlent sur la gueule des étudiants pédants et des beaufs de tout poils, qu'il en a ras-le-cul du "chacun pour soi" érigé en civilisation. Oui, bon, je pourrais dire tout cela et même bien plus de choses encore. Mais il ne le fera pas, ohlala, non, il est bien trop planqué pour cela, tu parles, le sale type que c'est Edwood. Jamais il n'aurait les parties génitales de dire qu'il vomit lestement sur la gueule de Vivendi-Universal-Time-Warner-Berlusconnerie, etc... On ne sait jamais, des fois qu'il voudrait pouvoir trouver du travail chez eux un jour. Non, je n'irais pas dire tout cela, parce que le clamer sur un site web, c'est aussi utile que d'essayer de féconder une truite en lui enfonçant un numéro du Figaro Madame dans les branchies. Ca c'est le premier point. Le deuxième c'est que je n'ai pas l'envie de polémiquer avec des gens le plus souvent aussi ouverts d'esprit et progressistes qu'une tombe mérovingienne. Je ne refuse pas le débat, je m'en fous du débat, j'ai d'autres choses à faire pour l'instant, hein, veuillez m'excuser. Ensuite, comme je le disais plus haut, rien ne sert de gueuler, il faut encore que cela serve à quelque chose d'autre que d'exprimer une médiocre frustration face au réel qui ne vous aime pas bande d'ados sur le retour que vous êtes ! Vous allez me pondre une diatribe sur les gens qui vous bousculent à la descente du métro, juste parce que l'on vous a bousculé pas plus tard que ce matin. Cela peut-être drôle, croyez-moi si vous le voulez ! Mais bon, si c'est vraiment un élément aussi important de votre être conscient, pourquoi ne pas agir en profondeur et acheter un pitbull ?

 

        En tant qu'internaute dégagé de toute obligation revendicatrice, je me dégage néanmoins très bien tout seul, n'ayant pas d'autre prétention que de vous parler de manière sympathique, détendue et légèrement désagréable aux entournures, parce que j'en ai envie, comme ça, là, pour passer le temps, et parce que c'est ma nature, comme l'expliquait si bien Lucrèce, qui tout en étant le plus grand philosophe de l'Antiquité n'en était pas moins un grand écrivain poète, dont la puissance des idées ne faiblit pas devant la force du style et le percutant des images employées. Je ne m'engage à rien. Et surtout pas à faire des mises à jour régulières sur The Web's Worst Page. Je suis quelqu'un qui sait s'engager à fond quand il le faut (non ce n'est pas vulgaire, rholala...). Mais là, non, je n'ai que faire de prendre des positions pittoresques (non ce n'est toujours pas vulgaire, enfin, voyons !) devant un parterre d'anonymes voyeurs dont le courage n'a d'égal que la faculté à prétendre traîner sur le web pour s'instruire, alors qu'ils ne font rien qu'à mater des sites de cul et de shopping discount pas cher mes frères et mes sœurs. Si la pratique du luth se perd, la mauvaise foi a de beaux jours devant elle, tiens, oui, tiens, je vous le dis, moi, tiens, oui. Alors comment voulez-vous changer le monde, le rendre meilleur avec des gens comme vous, hein ? Je vous le demande ! Et je n'attends bien sûr aucune réponse. Non, parce que, franchement, on s'en fout. L'important c'est que Avalon sorte au cinéma la semaine prochaine, non ? Hein ? C'est déjà ça. C'est pas grand chose, mais bon, ça nous aidera à tenir. A tenir quoi ? Le pinceau pendant que Dieu retire l'échelle ? C'est possible. Je ne dis pas non. Je suis même plutôt pour. Je suis très ouvert comme garçon (non ce n'est pas vulgaire, vous me fatiguez à la fin !). Je suis aussi très ouverte comme fille (non ce n'est pas vulgaire... zut alors quoi enfin donc franchement zut merde crotte zut flûte grrrr...). Et quoi qu'il en soit, je suis pour. Oui je suis pour. Ou contre. Cela dépend.

 

Je suis pour ou contre.

Bien sûr.

Heureusement.

Je suis pour.

Je suis contre.

Tout contre. (non ce n'est pas vulgaire et puis zut j'arrête...)

 

 

Edward D. Wood Jr. (aller vous faire mettre par la Tour Eiffel, oui c'est vulgaire, là, vous êtes content ?)