Le Cinéma Lourd

 

 

"Un ptit Luc Besson, c'est meilleur qu'un coup de pied au cul !" (La Denrée)

 

        Le Cinéma est un vivier infini pour le Lourd Power. Entre les films volontairement Lourds (style La Soupe Aux Choux), les films involontairement Lourds (style Natural Born Killers) et ceux qui hésitent entre les deux (style Le 5e Élément), on n'est pas prêt de voir la fin du Lourd Power sur grand écran.

 

        Qu'est-ce qui est Lourd au cinéma ? En attendant que je développe une thèse plus universitaire à ce sujet reprenons les 3 exemples cités en introduction et observons-les en détails.

 

        La Soupe Aux Choux est une perle de cinéma Lourd. Pourquoi ? Histoire débile : deux ploucs pètent sous les étoiles et attirent un martien jaune et rouge qui glougloute, le martien aime la soupe aux choux, il ressuscite la femme de l'un des deux ploucs, mais celle-ci est une grave salope qui se tire avec un jeune ringard, à la fin, les ploucs sont parqués comme à Thoiry mais le martien vient les sauver et les emmène dans l'espace sur un petit air d'accordéon. Oui, c'est Beau, c'est limite bouleversifiant. Déjà rien que pour les grandes lignes du scénar c'est du Grave à 200%, mais ce n'est pas fini. Il nous faut des acteurs ! De Funes et Carmet en cabotins rustiques vulgos, Villeret en martien jaune et rouge (ça fait peur), et des seconds rôles épastrouillants (dont l'épouse ressuscitée, à qui on a envie de mettre des baffes dès sa première apparition). Ensuite ? Ben c'est filmé à la faux, c'est laid comme c'est pas permis. Les effets spéciaux sont edwoodiens. La musique est grandiose, de l'accordéon avec les effets de Superman. Les gags sont ignobles (les pets sous les étoiles, peut-être le gag le plus atroce de l'histoire du cinéma, quoique... y a de la concurrence à ce niveau). Les répliques sont incroyables ("si on peut plus péter sous les étoiles sans faire tomber un martien, il va nous en arriver des brouettes !"). J'en passe et des meilleures. Et on se réserve un joli final poétique en diable, tout cela "respire" la bêtise naïve et la bonne humeur, c'est bien chouette et c'est surtout trèèèès Lourd !

 

        Natural Born Killers (Tueurs Nés) est un film Lourd. Pourquoi ? Parce que c'est un film ignoble, stupide, laid, consternant mais finalement assez fascinant par sa débauche de ringardise et de vide. Oliver Stone est un roi de la connerie sur pellicule, mais de la connerie qui fait du bruit, de la connerie fière d'elle-même. Alors pour dénoncer l'omniprésence de la violence dans les médias, le mieux c'est bien sûr de faire exactement ce que l'on dénonce. Tueurs Nés c'est bourrin et ça se veut porteur d'un message, ce qui fait que ce n'est jamais amusant (sauf au 36e degré et encore). Donc c'est vraiment très con. Scénario débile : deux tueurs proches de l'autisme font des cartons cartoonesques dans les USA fascistes, les médias en font des tonnes autour de ces Bonnie & Clyde trisomiques, on finit par les arrêter (dans une bouillie scénaristique incroyable), ils se retrouvent en prison fasciste où la télé fasciste vient interroger les tueurs fascistes pendant que les détenus fascistes tuent les matons fascistes et que finalement les tueurs fascistes rentrent dans le droit chemin en tuant symboliquement la télé fasciste. La Soupe Aux Choux à côté c'est du Hegel, au niveau du message. Mais le pire c'est que tout cela est déblatéré dans une hystérie générale ridicule qui consiste à faire croire qu'il y a un metteur en scène derrière une caméra parkinsonienne et des effets dignes d'un débutant au caméscope incontinent. C'est odieusement laid, on n'y voit plus rien et ainsi on en viendrait presque à accepter des situations débiles. Je dis bien presque, parce que Stone à oublié que le spectateur n'est pas complètement con et qu'il a (normalement) un esprit critique. Ainsi on se rend vite compte que le film est Lourd, même limite au-delà du Lourd et carrément insupportable. Mais fort heureusement les acteurs hilarants (énervants aussi, c'est vrai) et la bande son guignolesque en diable, permettent à l'ensemble de nager tranquillement dans les hauts profondes du ridicule achevé et fier de l'être. Et puis le coup des lapins qui courent au ralentis, c'était pour me faire plaisir non ?

 

        Le 5e Elément (the fifth element, comme ils disent) est un fleuron de la Lourdeur. Pourquoi ? Parce que c'est laid et que c'est con. Voilà. Scénario débile : le monde est menacé, le Mal Absolu revient, il est pas content, il va tout péter. Bruce Willis est de passage, il va sauver le monde. Les éléments sont peinards, ce sont des pierres ponces planqués dans le bide d'un poulpe bleu géant (coucou Day Of The Tentacle !) qui chante comme une souris sous un coup de maillet (coucou les Monty !). Aidé par des com-parses pittoresques et perdu dans un décor gerbant, Brucie va découvrir le 5e élément en la personne de Mila Jojovivichich (appelez-là Lilou, ça fait très Nini Peaud'chien), qui est aussi expressive qu'un plat de raviolis (coucou c'est Lundi !). A la fin ils sauvent le monde, les méchants sont punis, tout le monde est bien content et Eric Serra fait fuir les dernières souris qui piaillent, à coup d'armes sonores catégorie 15. Bulle Caisson qui n'est pas le dernier en matière de déconnade (cf Subway et The Big Blue (le film le plus con du monde, quand même, ce n'est pas rien), pond une folie Lourde totalement incroyable. Tout est nul ! L'humour volontaire est nul, l'humour involontaire ne fait pas mieux. C'est con-sternant et Brucie à l'air consterné pendant tout le métrage (normal on lui refile Chris Tucker dans les pattes et Bozo le Clown comme symbole de l'Amour, pitié pour le pôvre Brucie !). Mais comme si cela ne suffisait pas, Bulle nous inflige le visuel le plus kitsch (non, plutôt ignoble, pas kitsch) depuis Les Demoiselles de Rochefort et Barbarella (non, depuis Zardoz, autant pour moi !). Toutes les bonnes (et même les moins bonnes) idées sont piquées quelque part. C'est un jeu de piste où il faut reconnaître quel est le film plagié. Bon, pour Star Wars, Blade Runner, Brazil et Abyss, c'est pas trop difficile, y en a qui sont plus durs. Les acteurs sont pathétiques. Je vous assure pourtant que le gars avec les cheveux de Lambert dans Subway et les fringues fluos que même un éboueur refuserait de porter pour sa sécurité, est bien le même que celui de Twelve Monkeys de Gilliam, je vous a-ssu-re ! Ian Holm... mon dieu, le pauvre... Gary Oldman... euh... non... rien... le pauvre homme. Chris Tucker... non... rien non plus, on dirait Eddie Murphy en drag queen. Milla Tépachich est quand même assez grandiose, moi je la compare à Villeret dans le rôle de la Denrée. Faut être sacrément inconscient pour accepter ce genre de rôle quand même. La "musique" de Serra, aie aie aie aie, au secours, pitié, je me rends ! Je dirais du bien du prochain Rivette ! Bulle Caisson réussit un film Lourd de partout, une bonne tonne de plomb toutes les 24 images secondes (c'est mieux à la TV, c'est 25 images secondes, ça va plus vite, même si ce n'est que psychologique).

 

Autres pistes à explorer : la comédie française populaire (du Gendarme à St Tropez à Intouchables), l'intégrale de Jean-Luc Godard, l'intégrale de Christophe Honoré, l'intégrale de Brett Ratner, l'écurie EuropaCorp, la comédie pour ados américains (Projet X), la pornographie des années 70, les films de tatanes, la comédie pouêt-pouêt asiatique, tous les films avec Louis Garrel, tous les films avec Mélanie Laurent, etc.